Hamlet / Fantômes

« Hamlet Fantômes » est une expérience scénique magnétique. Visuellement, c’est d’une beauté rare : la scénographie compose des tableaux mouvants, précis, jamais gratuits, où chaque lumière, chaque ombre, semble pensée pour faire vibrer le texte. Le travail sonore est tout aussi remarquable : un design fin et enveloppant qui porte les silences autant que les éclats, rendant la tragédie palpablement proche. La grande réussite de la mise en scène tient aux idées novatrices d’images en direct : caméras et projecteurs sont utilisés comme un véritable langage, hybridant cinéma et théâtre. Gros plans, reflets, surimpressions — tout cela démultiplie les points de vue sans distraire, et révèle les fantômes intérieurs des personnages autant que leurs gestes sur le plateau. Le message est puissant, clair, contemporain : il interroge la mémoire, le pouvoir, et nos propres zones d’ombre, sans didactisme. La troupe est irréprochable : jeu précis, intense, profondément incarné. Au final, la salle entière s’est levée pour une longue ovation. Un spectacle audacieux et élégant, qui marque durablement.

J’ai vécu tout un spectre d’émotions, du choc aux larmes, jusqu’à l’admiration la plus profonde. Le spectacle Hamlet Fantôme de Kirill Serebrennikov te saisit et ne te lâche plus. La mise en scène, d’une beauté visuelle envoûtante, se mêle à un texte intense qui pousse à réfléchir sur la tyrannie, l’amour, le sens de la vie et la quête de soi. J’ai été bouleversée par l’interprétation magnétique d’August Diehl. Son énergie incroyable emplissait la salle entière, au point de donner l’impression qu’elle allait te submerger. Combinée à une musique saisissante, elle crée une expérience sensorielle et émotionnelle rare, qui te reste en mémoire longtemps après la fin du spectacle.

Une expérience pénible plus qu’un spectacle. On a l’impression d’assister à un cauchemar sous 40 de fièvre, ou à un extrait d’une journée en hôpital psychiatrique. Beaucoup de spectateurs quittent la salle en cours d’interaction, et ceux qui restent le font par respect — mais partent dès que possible. Très peu d’applaudissements à la fin, ce qui en dit long. Je ne comprends pas pourquoi les véritables critiques n’apparaissent pas : il serait honnête de prévenir le public de ce qui l’attend.

Cette succession de tableaux inspirés par Hamlet, qui parlent du théâtre et du monde comme il va à travers ce mythe est extraordinaire. Antonin Artaud, Sarah Bernhardt, Chostakovitch, mais aussi Maria Schneider et Marlon Brando sans oublier Vladimir Poutine et Donald Trump sont convoqués dans cet appartement haussmannien qui tombe en ruine.

Il ne suffit pas d’avoir du talent, ni d’avoir du talent et d’avoir quelque chose à dire. Kirill Serebrennikov sait où il veut en venir : excellente est son idée de nous présenter le portrait d’Hamlet en dix tableaux thématiques (Hamlet et le théâtre, Hamlet et la peur, etc…) qui, chacun à sa façon, apporte un éclairage sur le personnage, y compris en jetant des ponts vers des univers inattendus. La musique de Blaise Ubaldini est superbe et fait pleinement partie du spectacle. Scénographie, emploi de la vidéo, mise en scène, direction d’acteurs, tout est bon. Toutefois, vous l’avez compris, il y a un « mais » : pour réussir à ouvrir les portes que Serebrennikov propose, il faut avoir des clés qu’il ne nous fournit pas. Bien connaître Hamlet ne suffit pas. Il est possible que des spectateurs munis d’un large et solide bagage culturel y trouvent leur compte mais je dois dire en toute humilité que certains tableaux m’ont paru en grande partie abscons.