Le Roi Lear

du 25 septembre au 4 novembre 2001

Le Roi Lear

Avant Hamlet, je n’avais pour ainsi dire jamais touché à Shakespeare. Lors de notre dernière, après une bonne centaine de représentations, nous avons passé la nuit à réévoquer les questions que pose la pièce, ses aspects d’énigme. Déjà le projet d’un autre Shakespeare commençait à poindre...

  
Notes du traducteur
Notes du metteur en scène
Entretien avec Philippe Adrien, metteur en scène et Luc de Goustine, traducteur de la pièce
La presse sur Le Roi Lear 

Ah, le noble père ! Ah, le bon roi rendu fou par ses ingrates de filles ! La pathétique figure de roi déchu, tombé entre les griffes des femelles, ah, la belle légende d'un Dieu et Père livré à la malignité de deux de ses créatures et dont le coeur mourant revit un instant par la compassion de la troisième. Et si, tout au contraire, nous parlions de sa perversion ?
Que penser de son chantage à la piété filiale ? Que dire de sa façon de s'offrir les simagrées d'amour des siens à coups de fiefs et de pouvoir ? N'y a-t-il pas quelque chose d'obscène dans la coquetterie victimaire du vieillard irascible qui refuse de confesser son orgueil et prend la pose du malheur ? Serait-ce que la fin du monde l'arrange ?

Luc de Goustine

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Avant Hamlet, je n’avais pour ainsi dire jamais touché à Shakespeare. Lors de notre dernière, après une bonne centaine de représentations, nous avons passé la nuit à réévoquer les questions que pose la pièce, ses aspects d’énigme. Déjà le projet d’un autre Shakespeare commençait à poindre... Pour différentes raisons, ce ne pouvait être que Lear. Luc de Goustine fut à l’origine de l’idée en proposant à la suite d’Hamlet de traduire cette autre pièce. C’est primordial, il faut pour jouer Shakespeare en français un texte à la hauteur. Ce qui, à mes yeux, permet à de Goustine de coller à Shakespeare tient à des qualités rarement conjointes : d’une part une connaissance érudite des lettres anciennes, d’autre part une audace quasi avant-gardiste. Songeant à notre ami Victor Garrivier, qui jouait Polonius et le premier fossoyeur dans Hamlet tandis que lui-même de Goustine faisait le spectre, il s’est attelé derechef à la tâche... Quelques mois lui suffirent pour la mener à bien excellemment. S’ensuivirent plusieurs lectures à haute voix dont je suis chaque fois sorti troublé, sidéré. Manifestement mon rapport à cette œuvre était autre. Mes proches ne s’y sont pas trompés dont j’entends encore les plaisanteries : "En effet, celui-là (Lear) n’a rien d’un adolescent attardé".
Encore que... Ayant remis ce projet d’une année, il me semble maintenant avoir pris la mesure du sentiment d’étrangeté qu’il m’inspirait et commencer à mieux cerner l’immense pouvoir du texte, à distinguer les différents plans où il opère comme les perspectives qu’il offre au jeu et à la mise en scène. Il fallait tout simplement que j’accommode... Sans épuiser, tant s’en faut, le mystère de l’œuvre, quelque interview d’une des filles de Robert Maxwell, magnat britannique de la presse, tout près de moi certaines querelles familiales et aussi bien le choc de la rencontre effrayante avec le syndrome d’Alzheimer, ont contribué à m’éclairer.
Surtout je commence à entr’apercevoir dans le foisonnement de l'œuvre certains jeux, scènes et figures qui provoquent singulièrement mon désir de théâtre.

Philippe Adrien

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Guy Bruit - Quatre ans après Hamlet, Lear...

Philippe Adrien - Les deux pièces sont évidemment à comparer. Il s'agit au fond de l'instant de vérité, qui est celui de la mort : Hamlet réussit à réaliser sa vengeance quand il se sait mort, et Lear reconnaît le véritable amour quand la mort, c'est à dire Cordélia, si l'on en croit Freud, vient le saisir.

Luc de Goustine - L'originalité de notre approche est sans doute imputable à la maturation des temps. Claudel ne voyait en Lear que le père souffrant, le père humilié ; nous, nous pouvons analyser ce qui se passe, sans aucunement nier la portée archétypale de ce Père et Roi ballotté par la tempête. Il a lui-même frappé son pouvoir d'illégitimité en en disposant à la légère, désossé les rapports familiaux en les monnayant et galvaudé sa vocation politique. C'est ce qui nous permet d'apercevoir sa pathologie, et de le suivre ensuite dans sa grande épreuve, jusqu'au dénouement où l'amour vient projeter quelque lumière sur une fin tragique.

Ph. A. - Ce qui, chez Lear, m'intéresse d'abord, c'est précisément l'homme de pouvoir, à un moment de son évolution où soudain il se sent fragilisé. Le mariage de sa fille préférée provoque en lui un vacillement. Il a décidé de diviser son royaume entre ses filles, et sans doute a-t-il aussi le projet de partager avec Cordélia la part qu'il lui a attribuée. Quand elle lui refuse l'amour absolu qu'il réclame, il fait tout pour éviter qu'elle se marie et lui échappe, mais France, chevaleresque, la prend. C'est le choc. L'onde qui s'ensuit détermine chez Lear ce qu'on appelle "démence sénile", dont nous voyons ici tous les symptômes : égotisme, autoritarisme, propension à la dépression, dégradation de la mémoire, conduite incongrue et puérile. J'ai voulu travailler, avec Victor Garrivier, à mettre en place, dans le bon ordre, cette avalanche de défaillances. Je ne nie pas la dimension spirituelle, mais c'est seulement vers la fin qu'elle apparaît.

Dominique Boissel - Dans Lear, il n'y a pas un vecteur qui conduirait à une révélation, mais traversée du tumulte et, ponctuellement, dans le désastre, des éclairs de lumière.

Ph. A. - Shakespeare nous conduit au coeur de l'aveuglement humain pour nous désaveugler. Il dresse le tableau d'une terre peuplée de fous et d'aveugles. Au double aveuglement de Lear et Gloucester correspond le désordre du "monde comme il va".

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"Véritables anatomistes des âmes, Philippe Adrien et son traducteur Luc de Goustine ont débarassé le roi Lear de son encombrante réputation de père humilié, pour révéler toute l'étendue de sa perversité. Perversité qu'il payera au prix le plus fort. Mise en scène avec une fougue inspirée, la nuit d'orage - point d'orgue de la pièce - devient ici, pour le souverain déchu et ses compagnons, un moment de foudroyante illumination. Porté par des acteurs en état de grâce, (...), cette relecture de Shakespeare procure un plaisir d'une très vive qualité." Télérama, Jacques Schidlow

"Philippe Adrien émancipe de la narration la mécanique complexe de cette pièce magistrale. Il joue avec un espace labyrinthique qui se fait et se défait comme une machine de guerre, où le réel se dérobe, englouti dans un mauvais rêve. Les comédiens plongent dans le fleuve furieux du verbe shakespearien, enfermés dans la carcasse métallique d'une Atlantide corrodée par la réalité. Victor Garrivier, en vieux capitaine, rigide dans sa vareuse, incarne un Lear d'une troublante humanité lorsqu'il pousse la logique du dénuement à son extrême, anéanti par sa perte d'identité. (...) Presque beckettien. La Terrasse, Gwénola David


"Un travail d'une éblouissante cohérence, d'une unité artistique forte, un travail de groupe avec, dans le rôle-titre, un Victor Garrivier fragile et aérien qui donne au destin du vieux roi un supplément tragique bouleversant. (...) Premier atout, la traduction de Luc de Goustine d'une formidable clarté, belle, fluide, sobre avec ses éclats, ses échos, sa proximité. Deuxième atout, la cohérence d'un travail où chacun sert un même esprit sans renoncer à sa forte personnalité : le décor - de grands panneaux mobiles, d'un aspect métallique, deux rideaux légers qui ne cessent de coulisser - de Gérard Disier, les costumes - inassignables, accordés - de Cidalia da Costa, les lumières - douces et tranchantes à la fois - de Pascal Sautelet, la musique - puissante, jamais illustrative - de Ghédalia Tazartès, tout cela c'est une équipe d'artistes qui flambe haut. (...) La mise en scène est si forte, le propos si bien tenu que les comédiens sont tous convaincants. (...) Tout ici est beau, donné dans un rythme très soutenu. Le spectacle passe comme un souffle. On est embarqué." Le Quotidien du médecin, Armelle Héliot

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Informations pratiques

Cartoucherie - Théâtre de la Tempête

Route du Champ de Manœuvre 75012 Paris

Accès handicapé (sous conditions) Bar Cartoucherie
  • Métro : Château de Vincennes à 1 km
  • Bus : Cartoucherie à 174 m, Plaine de la Faluère à 366 m
  • Navette : Sortir en tête de ligne de métro, puis prendre soit la navette Cartoucherie (gratuite) garée sur la chaussée devant la station de taxis (départ toutes les quinze minutes, premier voyage 1h avant le début du spectacle) soit le bus 112, arrêt Cartoucherie.

    En voiture : A partir de l'esplanade du château de Vincennes, longer le Parc Floral de Paris sur la droite par la route de la Pyramide. Au rond-point, tourner à gauche (parcours fléché).
    Parking Cartoucherie, 2ème portail sur la gauche.

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Cartoucherie - Théâtre de la Tempête
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Spectacle terminé depuis le dimanche 4 novembre 2001

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