Le Funambule

du 17 janvier au 13 avril 2008
1h10

Le Funambule

Le rapport de l’artiste à la création, à l’érotisme et à la mort, à travers ce poème d’amour écrit par Jean Genet pour Abdallah, son amant funambule qui se suicide en 1964. Au fil du texte, Pierre Constant fait une re-création de ce spectacle né au Théâtre National de Strasbourg en 1988.
  • Une ligne infinie et une cage

En 1955, avec sa rencontre d’un jeune acrobate Abdallah Bentaga, Jean Genet sort d’un long tunnel de stérilité, et vit non seulement sa plus belle et plus dramatique histoire d’amour, mais aussi sa période la plus riche pour le théâtre : Le Balcon, Les Nègres, Les Paravents. C’est le temps de sa réflexion magistrale sur les voies de la création. Trois essais majeurs en témoignent : L’Atelier d’Alberto Giacometti, Le Secret de Rembrandt et Le Funambule.

Ecrit pour Abdallah, c’est un long poème d’amour, mais aussi son Art Poétique : variations sur une dramaturgie du cirque, du théâtre et de la danse, réflexions sur l’artiste dans le monde, solitude et ambivalence de l’acteur, va-et-vient entre effacement et gloire, ombre et lumière, mal et bien, apparence et réalité, profane et sacré. Tous les thèmes y sont tendus comme le câble d’acier. Abdallah, initié par Jean Genet, le féconde, à son tour du chant le plus pur pour celui qui l’a inspiré. Miroir l’un de l’autre, ils se recréent dans une fascination réciproque, un croisement d’images et de reflets. L’un par l’autre ils s’accomplissent et accomplissent l’œuvre. Le funambule s’est suicidé en 1964 ; il avait 28 ans. Jean Genet en concevra une responsabilité et une douleur qui ne s’effaceront jamais ; les derniers jours de sa vie, il ne parlait que d’Abdallah à ses proches.

Après vingt années d’attente, un premier essai du passage de l’écrit à la parole dite se fit en 1988 sur le fil. Vingt ans plus tard, retour sur les lieux du « crime », replongée dans la profondeur des mots par une autre approche sans le fil cette fois, radicalement différente. Il est des textes fondateurs pour celui qui les rencontre qui peuvent tracer et éclairer une ligne de vie ; la quête du sens devient alors obsessionnelle, sans espoir de résolution, mais nourrie par l’entêtement de l’amour.

Imaginons les dernières heures de Jean Genet : dans la chambre-cellule où l’on découvrira son cadavre, il déroule le fil rêvé d’Abdallah, incarnation lumineuse de l’érotisme et de la mort comme acte absolu de création. La solitude et la nuit génèrent le soliloque. Il se parle, il lui parle, il interroge les mystères de leur art et ceux du mouvement entre la naissance et la fin. L’harmonica bat le pouls d’une danse à remonter le temps, rythmée par deux mesures du Requiem de Mozart, « en moins d’une heure, le temps d’une agonie vécue et jouée… »

Au matin, ils se sont rejoints dans un corps unique, charnel et spirituel.

Pierre Constant

Le Funambule est publié dans le tome V des Œuvres complètes, éditions Gallimard, Paris, 1979, «Collection blanche».

  • Entre l’image et le fil

Extrait du programme du Théâtre National de Strasbourg, saison 87/88

[…]

Car le funambule connaît « une solitude mortelle ». « Que ta solitude, paradoxalement soit en pleine lumière, et l’obscurité composée de milliers d’yeux qui te jugent, qui redoutent et espèrent ta chute, peu importe : tu danseras sur et dans une solitude désertique, les yeux bandés, si tu le peux, les paupières agrafées ». Il ira même, comme Saïd, « jusqu’au bout » soit jusqu’à l’extrême pointe et de son image et de sa personne.

Cette pointe, cette limite ultime, elle a, pour le funambule, la plus irréfutable des réalités : c’est son fil. Et c’est à ce fil qu’il doit, en quelque sorte, se sacrifier. Il ne se sert pas de son fil : il le sert. Il s’efface pour qu’il vive et resplendisse : « Le fil était mort – ou si tu veux muet, aveugle – te voici : il va vivre et parler ». Et tout ce qu’il fera, tout ce qu’il sera, tout, en fin de compte, ne vaudra que pour ce fil : « Tes bonds, tes sauts, tes danses – en argot d’acrobate tes : flic-flac, courbettes, sauts périlleux, roues, etc., tu les réussiras non pour que tu brilles, mais afin qu’un fil d’acier qui était mort et sans voix enfin chante. Comme il t’en saura gré si tu es parfait dans tes attitudes non pour ta gloire mais la sienne ».

Risquons cette approximation : ici le théâtre ne tient plus qu’à un fil. Il est réduit à ce fil même. Au-delà du jeu des reflets, du carnaval des images, de la fête, du Balcon, voire des Nègres, Jean Genet le rappelle à la plus ténue mais aussi à la plus solide – car ce fil est d’acier – des réalités qui soit.

Le Funambule condense ainsi, dans sa brièveté et dans son éclat même, tout ce que Genet attend et refuse du théâtre. Qu’un acteur, aujourd’hui – qui est aussi un acrobate et un metteur en scène - Pierre Constant, tente de lui donner corps et voix sur scène, c’est sans doute paradoxal. Mais ce paradoxe manié avec l’audace et l’adresse qui sont celles de Pierre Constant, avec, aussi, sa transparente ingénuité, ne peut qu’être fécond. On sait que le théâtre ne se nourrit bien que de ce qui l’inquiète, ne profite vraiment que de ce qui lui est, le plus intimement possible, contraire.

Bernard Dort

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Spectacle terminé depuis le dimanche 13 avril 2008

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