La Ribot / J. Domínguez / J. Loriente - El Triunfo de La Libertad

Paris 4e
du 10 au 14 décembre 2014

La Ribot / J. Domínguez / J. Loriente - El Triunfo de La Libertad

El Triunfo de La Libertad (Le Triomphe de la liberté) est un projet à trois, dans lequel La Ribot retrouve deux partenaires avec qui elle a déjà partagé la scène : le danseur et chorégraphe Juan Domínguez et le comédien Juan Loriente.
  • Un projet à trois

Des performances en solo initiées dans les années 1990 avec les séries de Pièces distinguées au duo Gustavia (2008) avec Mathilde Monnier, en passant par les compositions plurielles faisant appel à des figurants – au sens cinématographique du terme – qui culminèrent avec la création des 40 Espontáneos (2004), La Ribot n’a cessé d’explorer les formes et les formats d’un art qui se veut d’abord vivant et défiant toutes les normes ou tentatives de définition. Danse, théâtre, performance, arts plastiques, vidéo : la chorégraphe espagnole s’est employée à traverser les frontières et à transgresser les genres.

El Triunfo de La Libertad (Le Triomphe de la liberté) est un projet à trois, dans lequel La Ribot retrouve deux partenaires avec qui elle a déjà partagé la scène : le danseur et chorégraphe Juan Domínguez et le comédien Juan Loriente. « Nous avons grandi tous les trois comme artistes dans un Madrid post-franquiste. » Le théâtre et la danse sont alors devenus le territoire de l’irrévérence et de l’impertinence à tous les niveaux. « Ce projet, déclare La Ribot, découle d’une fantaisie artistique, sociale et politique : transformer les choses, transformer le regard et nous transformer. » Il nous laisse entendre, dès son titre, que toute tentative d’enfermement est vaine, car la scène est ce lieu où la liberté est aussi une forme d’engagement.

  • Entretien avec La Ribot

Votre nouveau spectacle s’intitule el triunfo de la Libertad (Le triomphe de La Liberté). Pouvez-vous en dire plus sur ce titre ? À quoi fait-il référence ?
La Ribot : Nous avons commencé notre travail avec un titre : El Triunfo de la Libertad. Un titre flamboyant, qui éveille la profonde envie que nous avons de rêver, de croire encore aux utopies... Oui, c’est une évidence à l’heure où l’Europe fait un retour en arrière. Ce titre provoque des sourires, des rires, des exclamations, des envies, des cris... Il est aussi très évocateur. Qu’évoque-til ? Quelque chose du Siècle des Lumières, de l’époque de Rousseau, la quête d’une société nouvelle, rationnelle, tolérante et libre. Ou le tableau de Delacroix, La Liberté guidant le peuple, l’image de la révolution française. Ou peut-être se souviendra-t-on du sous-commandant Marcos, au Mexique, en 1994, et des revendications qui étaient déjà celles des révolutionnaires mexicains en 1910 : « Tierra y Libertad » (« La terre et la liberté »). C’est un titre romantique, mais... la liberté de quoi ? De la misère ? De l’oppression ? Et quel triomphe ? Chaque jour qui passe, les Femen sont plus pertinentes. Et je pense aux rebelles syriens d’aujourd’hui, enragés et impuissants. Ou bien encore à Ai Weiwei et à toutes les actions impossibles dont il témoigne, sous l’actuel régime chinois. Mais ce titre nous rappelle aussi la jeunesse des années soixante, Peter Sellers dans The Party et les plages de Californie de ces années-là. C’est un beau titre, vu comme ça. Il promet, comme les mots... Et probablement que, comme dans un sac poubelle, nous pouvons y trouver des trésors magnifiques ainsi que de la nourriture pourrie. Tout ensemble. Et pour nous, c’est un autre défi, celui de nos cinquante ans. Maintenant, nous devons faire une pièce avec ce titre.

Dans ce spectacle, vous retrouvez deux partenaires, le danseur et chorégraphe Juan Domínguez et le comédien Juan Loriente, avec lesquels vous avez déjà travaillé par le passé. Comment est né ce projet à trois ?
Dans le passé, j’ai travaillé avec Domínguez et Loriente séparément, mais jamais avec les deux ensemble. C’était un projet que nous voulions déjà mener en 2001, quand je vivais à Londres. Je les avais invités et nous avions travaillé durant deux semaines, mais certaines circonstances de la vie ont fait que c’est aujourd’hui que nous pouvons concrétiser ce projet. Et puis, personnellement, je recherche toujours des trios. Je trouve que c’est un bon chiffre pour travailler.

Vous avez évoqué le fait que tous les trois avez grandi en tant qu’artistes dans l’Espagne postfranquiste. En quoi cela a-t-il déterminé votre travail ? En gardez-vous toujours la trace aujourd’hui ?
Il y a probablement une trace... mais c’était surtout une façon de nous présenter et de dire que nous avons le même âge et que Madrid a été notre lieu de rencontre dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix. Selon Juan Domínguez, notre jeunesse était apolitique parce que nous n’avions pas vraiment vécu la lourde dictature, nous étions trop jeunes, oui, c’est vrai... Mais au début des années quatre-vingt, la première fois que j’ai voté, je me rappelle avoir ressenti de la rage et une conscience très forte de mon rôle d’artiste (petite, jeune, nouvelle…). Je pensais que nous étions en train de transformer le pays et que je pourrais, moi, y contribuer. En commençant par changer la vision que j’avais de la danse. Avec du travail et des idées, en fondant des compagnies, en organisant des ateliers, des festivals, en travaillant avec ma propre compagnie, ou en solitaire, ou bien avec d’autres artistes. Que je le veuille ou non, j’avais une « parole publique », j’étais visible, comme une nouvelle jeunesse qui se développait, mieux ou pire, avec ou sans moyens, avec ou sans l’État, plus institutionnelle ou plus underground, mais j’étais au coeur de tout cela, j’y participais. Même après mon départ pour Londres, en 1997, je suis restée très active à Madrid, par exemple en codirigeant le festival Desviaciones avec Blanca Calvo entre 1997 et 2001.

Juan Loriente a travaillé dans de nombreux spectacles de Rodrigo García. Vous sentez-vous proche du travail de ce dernier ? Peut-on parler d’échanges au sein de la scène contemporaine espagnole ?
Plus de vingt ans se sont écoulés depuis nos débuts dans les années quatre-vingt-dix à Madrid, l’époque où nous nous retrouvions tous autour du Teatro Pradillo puis du festival Desviaciones. Nous allions voir le travail des uns et des autres. Nous étions proches, nous partagions des tas de choses : collaborateurs, acteurs, danseurs, amis, copains, écrivains, artistes et références. Nous avions le choix entre quelques lieux, pour partir en tournée, nous suivions tous plus ou moins le même parcours. Les premières pièces de Rodrigo García furent accueillies avec enthousiasme, de même que les premiers solos d’Olga Mesa, mes pièces distinguées ou les duos avec Juan Loriente, les premiers travaux de Gilles Jobin qui vivait déjà avec moi, ceux du théâtre de l’Alakran, de Mónica Valenciano, de Carlos Marquerie, directeur du Teatro Pradillo, de Juan Domínguez, de Ion Munduate... À cette époque, nous partagions la même intensité, des conditions de travail similaires, les mêmes ambitions et le même besoin de changer, de s’inscrire dans le monde, de dire, de chercher, d’agir, d’exister. Après toutes ces années, nous avons presque tous poursuivi notre parcours d’artiste. Et aujourd’hui encore, il existe entre certains d’entre nous des liens très forts. En 2008, je vivais déjà à Genève et j’ai fait une exposition intitulée Rite of Spring au Centre d’Art Contemporain. J’y présentais quinze films de quinze artistes qui avaient marqué mes pièces distinguées (1993-2000) ; dix d’entre eux étaient ces « madrilènes ». À cette occasion, l’écrivain et critique José A. Sánchez a donné une conférence, et il nous y a tous englobés... Je me tiens au courant de leur travail, je sais plus ou moins ce qu’ils sont en train de faire... et je vois qu’ils sont encore pleins de force.

Vous vous définissez volontiers comme chorégraphe, mais votre oeuvre ignore les frontières disciplinaires en mêlant la danse, le théâtre, la performance, l’écrit, les arts plastiques, la vidéo. Ces catégories sont-elles aujourd’hui dépassées ?
Oui, je pourrais tout aussi dire auteur et metteur en scène, au lieu de chorégraphe, mais je tiens à conserver la référence à la danse, car je la trouve importante. Et puis je pourrais dire artiste vidéo, c’est-à-dire artiste, ou encore comédienne, danseuse, le tout résumé par le terme performeuse, que je n’aime pas, je le trouve laid, je préfère performera, comme on dit en Amérique latine, même si le terme, dans le fond, est injuste à l’égard des disciplines anciennes, comme la danse, le théâtre, la peinture... Finalement, quand je veux être brève, je suis chorégraphe et je suis espagnole, histoire de nommer une origine. Une généralité qui me donne la saveur du sud et de la danse... Je suis aujourd’hui basée à Genève, je l’ai été à Londres, je travaille internationalement... J’ai appris partout.

Quelle est la place de l’humour dans votre travail ?
L’humour est, dit-on, une façon de voir les choses. Mais pour moi, profondément, c’est une façon de me lier au monde et aux autres. L’humour ajoute une dose d’ambiguïté qui nous force à nous positionner en tant qu’individus. L’humour est magique pour passer outre les frontières disciplinaires et morales, la censure... Disons que c’est une façon de rendre les choses complexes plus accessibles, sans forcément tomber dans un discours réducteur. Dans l’humour, il y a une dimension humaine mais aussi potentiellement marginale : le bouffon ou ses avatars contemporains – le clown, le rebelle ou l’idiot – vont bien au-delà de la simple volonté de faire rire. Je me suis toujours intéressée à l’aspect comique de l’écriture, à ce jeu difficile qu’est le comique scénique, même si, finalement, j’ai rarement cherché à être comique. Si je suis accompagnée, au sens le plus large du terme, je ne peux m’empêcher de voir les choses avec humour, c’est une vision que je partage immédiatement. En revanche, je deviens grave et lourde quand je me sens isolée, seule, abandonnée et sans pouvoir de parole, de communication. Je préfère quand l’humour envahit nos corps et nos coeurs, la vie passe alors plus vite, et avec plus de rythme... Je suis l’héritière de tous les comiques du monde : les cinéastes, les clowns et aussi les idiots…

Depuis que vous avez créé Gustavia en 2008 avec Mathilde Monnier, le spectacle n’a cessé d’être programmé, et encore cette année en Allemagne, à Belgrade et à Montpellier. Quelle est l’importance de ce spectacle dans votre parcours ?
Gustavia est une nouvelle copine, faite de multiples fictions et dotée d’un double coeur en bois. Nous aimons beaucoup jouer cette pièce qui nous maintient en forme, sur scène et ensemble. Nous partirons encore trois semaines au Canada cet automne, et nous avons d’autres projets de tournée pour 2015.

Diriez-vous que ce spectacle a une portée féministe ?
On peut le présenter comme ça aujourd’hui, ça peut faire sens. Mais pour Mathilde et moi, ce spectacle est juste cohérent avec nos parcours. Avant Gustavia, nous étions déjà féministes ; les pièces de Mathilde et les miennes peuvent être présentées de la sorte. Cela étant dit, si l’on se place d’un point de vue purement « médiatique », deux femmes dans une tonalité burlesque... font forcément une pièce féministe. Nous, les humaines, nous avons encore beaucoup de travail pour parvenir à vivre nos sexualités et nos genres multiples dans des sociétés tolérantes. Je suis féministe comme Gustavia, qui porte en elle toutes les femmes mais aussi tous les hommes.

Que vous vous intéressiez au marché de l’art dans PARAdistinguidas ou aux corps dans leur rapport au travail et à la productivité dans Eeeexeeeecuuuutiooooons ! ! ! !, vos spectacles interrogent la marche du monde. Vous définiriez-vous comme une artiste engagée ?
Oui, je suis une artiste engagée. Je partage mes connaissances. Je forme des étudiants, des collaborateurs, de jeunes artistes. J’engage les vieilles dames, les guerriers repentis, ceux qui sont paumés dans leur coin... à vivre mieux. J’intègre et j’engage mes enfants, mes voisins, mes concitoyens, mes ex-compagnons de route ainsi que d’autres êtres intéressés, spectateurs et mutants, à réfléchir, à se manifester, à réagir... et à rire. L’art est lié à la vie, la leur, la mienne ; il est une source constante d’interrogation. Avec mon travail, je pousse les autres à exercer leurs désirs et leurs rêves. Je pose des questions éthiques et esthétiques, je suis une source d’inspiration pour femmes et hommes, tout comme eux le sont pour moi.

El Triunfo de la Libertad s’inscrit-il dans cette démarche ?
J’imagine, oui.

Propos recueillis par Christilla Vasserot

Sélection d’avis du public

Escroquerie Par Diederik V. - 1er septembre 2014 à 10h33

Ce spectacle, présenté au festival de la Bâtie de Genève, se limitant à un texte, défilant sur trois écrans lumineux, disposés sur une scène vide, à l'exception d'un pot de fleur et 3 chaises. Le public très sage est resté assis, pendant 20 minutes, pensant qu'après le texte les acteurs viendraient sur scène. Le terme installation est plus approprié que danse contemporaine. Un spectateur floué

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Escroquerie Par Diederik V. (1 avis) - 1er septembre 2014 à 10h33

Ce spectacle, présenté au festival de la Bâtie de Genève, se limitant à un texte, défilant sur trois écrans lumineux, disposés sur une scène vide, à l'exception d'un pot de fleur et 3 chaises. Le public très sage est resté assis, pendant 20 minutes, pensant qu'après le texte les acteurs viendraient sur scène. Le terme installation est plus approprié que danse contemporaine. Un spectateur floué

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Spectacle terminé depuis le dimanche 14 décembre 2014

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