Crime et Châtiment (Schuld und Sühne)

du 12 au 14 janvier 2006

Crime et Châtiment (Schuld und Sühne)

CLASSIQUE Terminé

Spectacle en allemand surtitré en français. Le héros tue une usurière et sa soeur : si Dieu n’existe pas, tout devient permis. Mais Raskolnikov ne possède pas les forces obscures qui lui permettent d’assumer un acte qui l’enferme dans une culpabilité destructrice sans issue. L’isolement du meurtrier qui tait son crime, son penchant naturel à compatir avec les humiliés et les offensés, le transforment en idiot.

Spectacle en allemand surtitré en français
A partir de la traduction du russe en allemand de Swetlana Geier, Verbrechen und Strafe.

Castorf hanté par Dostoïevski
Castorf porte à la scène « Acte criminel et punition » de Dostoïevski

  • Castorf hanté par Dostoïevski

En 1866, Dostoïevski compose « le plus grand roman policier de tous les temps », selon Thomas Mann. Le héros de Crime et Châtiment tue une usurière et sa soeur. Ce démon de Raskolnikov inspire à Nietzsche l’idéal d’un surhomme et son escorte d’ambiguïtés. Si Dieu n’existe pas, tout devient permis. Raskolnikov, pourtant, ne possède pas les forces obscures qui lui permettent d’assumer son acte moralement. Son acte l’enferme dans une culpabilité destructrice sans issue. L’isolement du meurtrier qui tait son crime, son penchant naturel à compatir avec les humiliés et les offensés, le transforment en idiot. Lorsqu’en rêve lui apparaît un cheval qu’on bat, Raskolnikov s’effondre en pleurs, terrassé. Vingt-deux ans plus tard Nietzsche, le pourfendeur de toutes les faiblesses, vivra à Turin la même expérience : il se jettera en larmes au cou d’un cheval maltraité, et de ce jour sera déclaré fou.

Ce qui frappe particulièrement aujourd’hui dans ce roman est sa religiosité, bien plus que son prétendu nihilisme. Frank Castorf, à la tête de la Volksbühne, institution berlinoise, incarne depuis vingt ans le versant indépendant, subversif de la culture allemande.

En 2001, les quatre heures de son adaptation des Démons créaient l’événement sur le plateau du Théâtre National de Chaillot. La saison suivante, il convoquait la suite des Démons, avec Humiliés et Offensés, également présentée à Chaillot. Crime et Châtiment est la quatrième adaptation des oeuvres de l’écrivain russe (il a monté L’Idiot présenté uniquement à la Volksbühne) que signe et dirige Frank Castorf, créateur sulfureux, provocateur d’un théâtre en phase avec les situations politiques et sociales de son temps.

PN

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  • Castorf porte à la scène « Acte criminel et punition » de Dostoïevski

C’est en 1999 que Frank Castorf porte pour la première fois un roman de Dostoïevski, Les Démons, à la scène. Le grand écrivain russe n’a plus depuis cessé de le hanter, et Crime et Châtiment (le titre original initialement prévu était, traduit mot à mot du russe, Transgression et Réprimande) est sa quatrième adaptation. (...) L ’éternel étudiant Raskolnikov tue une vieille usurière parce qu’elle a de l’argent et surtout qu’elle n’en fait rien. Il se prend, lui, pour un génie, au minimum un nouveau Napoléon, un nouveau Mahomet. Il croit fermement qu’avec lui quelque chose de nouveau se fait jour dans le monde qui l’autorise « à se donner lui-même sa propre loi ». Pour parvenir à ses fins, il a besoin d’argent. L’usurière qui n’en a pas besoin n’est que vermine à ses yeux. Raskolnikov s’en sert comme matériau et la tue à coups de hache.

Ce roman n’est pas, comme Les Démons, une profession de foi prérévolutionnaire, mais commence quand, tous conflits d’idées mis de côté, la révolution a déjà fait naufrage. La société réunie ici a renoncé à l’idée même de droit au bonheur et pour elle l’état d’exception et la crise constituent la norme. Son impulsion révolutionnaire est dirigée vers l’intérieur, et, comme souvent en période de guerre civile, ce groupe d’individualistes futiles s’autodétruit au lieu de se révolter contre les dirigeants.

Crime et Châtiment se situe après que les Werkhovensky aient acquis une renommée mondiale et déjà disparu de la scène. Les grands discours sont impuissants à changer ce monde. Philosopher, c’est avant tout affirmer son propre espace vital. L’expression d’une personnalité ne se mesure pas à la teneur en vérité de son discours mais à sa largeur de pensée qui ouvre des horizons là où règne l’étroitesse des esprits. C’est sur ce fonds de balbutiements d’une société post-morale qu’il faut considérer le meurtre de Raskolnikov.

Heiner Müller, fervent lecteur de Dostoïevski, a ainsi formulé la problématique de Raskolnikov : « Que reste-t-il, en fait, une fois la religion éliminée ? Quels arguments peuvent bien encore subsister contre Auschwitz ? » Si Dieu n’existe pas, tout est certes permis mais le démoniaque Raskolnikov qui parvient fortuitement à commettre le meurtre parfait n’est pas pour autant en mesure de l’assumer. L’isolement du meurtrier qui doit taire son crime, son penchant naturel à compatir avec les humiliés et les offensés le transforment en idiot. À propos du principe de sélection, à propos d’Auschwitz, Müller n’a trouvé au terme de sa tentative d’élucidation « aucune autre réponse que la grâce : l’amour d’une prostituée ».

Dans sa mise en scène, Frank Castorf traite cette histoire de meurtrier (devenue problème intime et non plus social), en oscillant entre le désir de traiter le cas de façon conventionnelle, causale et logique et l’immersion dans le monde désordonné de Svidrigaïlov, pour qui un monde conçu comme une mathématique avec ses catégories de crime et de châtiment ne peut être qu’une farce. La criminologie psychologique tente de créer un moyen terme entre la mort de Dieu et la nécessité sociale de son existence en faisant ressusciter Dieu dans le psychisme.

La transgression de Raskolnikov tient pour Dostoïevski au fait qu’il livre à l’expérimentation ce qui est du ressort de la conscience morale. La grâce – qui lui permet de réintégrer un monde vivable – l’atteint lors d’une des crises aiguës de sa maladie sous les traits de Porphiri, procureur chargé de l’enquête, et de Sonia la prostituée, de façon très profane, mélange de kitsch, de polar et de christianisme. Au théâtre, qui donne à la crise sa forme institutionnalisée, l’éternel jeu de la transgression et de la réprimande ne connaît évidemment pas l’état de grâce.

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Spectacle terminé depuis le samedi 14 janvier 2006

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