Tout un homme

le 7 mars 2011
2h30

Tout un homme

Jean-Paul Wenzel décrit le départ du pays, la traversée, le bateau, l'avion, l'arrivée en France, le froid, la Lorraine, la première descente au fond, la peur, le travail, la solidarité, les langues, les engueulades, les fêtes, les accidents, la poussière, la religion, le bruit, les grèves, la solitude, l'arrivée des femmes, des enfants, la vie aussi, après la mine... Un bel hommage aux mineurs maghrébins.
  • Drôle, sensible, à hauteur d’humanité

Ahmed, Mohamed, Leila, Saïd, Omar et les autres sont des personnages de fiction créés par l’auteur pour les besoins du récit. Les épisodes tumultueux, drôles ou tragiques de leur vie sont nourris des rencontres qu’il a faites en Lorraine et d’entretiens menés par l’université de Metz auprès des mineurs maghrébins et de leurs familles.

Le départ du pays, la traversée, l’arrivée en France, la Lorraine, le froid, la mine, la première descente au fond, la peur, la solidarité, les fêtes, les engueulades, les accidents, le bruit, la poussière, les enfants, les femmes, les grèves…

La puissance d’évocation de ces hommes, de ces femmes, l’énergie considérable de leur parole ont de bout en bout inspiré l’écriture de Jean-Paul Wenzel, drôle, sensible, à hauteur d’humanité.

Il s’appelle Ahmed. À 16 ans, il quitte sa Kabylie natale et s’embarque pour la France. C’est en 1963. C’est le début d’une épopée qui le conduira d’Alger à Marseille, de Marseille à Paris, de Paris en Lorraine où il croise les yeux brillants de Leïla, tout juste bachelière, fille de Mohamed, mineur de fond arrivé en Lorraine en 1947, lequel donne son accord pour les noces et fait embaucher Ahmed à la mine.

Ils s’appellent Saïd et Omar, deux copains inséparables venus d’Assoul, un village du Sud marocain. C’en 1973. Ils ont à peu près 19 ans. Une rumeur circule : « 44 francs par jour, logement gratuit, la France recrute ! ». Ils sont alors quelques milliers de jeunes gens à converger vers Ouarzazate où ils attendent, en ligne, torse nu pour que l’on puisse leur apposer un tampon vert pour atteindre cet eldorado, ou… un tampon rouge : recalés !

Pour Saïd et Omar, c’est tampon vert : les mines de Lorraine, la vie entre deux rives, parfois simple balancement, parfois fracture, gouffre… et de chaque côté, un seul mot : immigré.

  • Toutes ces vies traversées sont uniques

« [...] Quand on m’a proposé d’être l’auteur d’un livre, d’un récit-fiction, nourri des entretiens menés en Lorraine, en Algérie et au Maroc auprès des mineurs maghrébins par Tamara Pascutto et Alexia Serré (sous la direction de Piero Galloro de l’Université de Metz) et des rencontres que je ferais moi-même avec les mineurs au cours de ma résidence d’écriture à Forbach, j’ai eu le double sentiment de n’être pas forcément le mieux placé pour traiter de ce sujet, et en même temps la sensation d’une légitimité évidente.

Les paroles de ces hommes et de leurs proches m’ont bouleversé à double titre : non seulement l’épopée humaine dont chacun témoigne est considérable, mais leur manière de la transmettre aussi : un récit déjà transposé, transcendé par le travail du temps, de la mémoire, avec ses envolées, ses silences, ses tremblements, ses éclats de voix, de rire, ces mots noués... La fiction était déjà présente et me tendait les bras.

Toutes ces vies traversées sont uniques. Chacune mériterait d’être racontée dans sa complexité et sa richesse. L’une de ces vies m’a fait signe plus que les autres ! Celle d’un Algérien, né en 1947 à Saint-Étienne, reparti, très jeune enfant, avec sa famille en Algérie, puis abandonné par son père, et qui tente sa chance à 16 ans, quitte l’Algérie, arrive en France, à Paris d’abord, puis dans les mines de l’Est Lorrain. Quelques liens avec ma propre biographie m’ont servi de porte d’entrée à l’écriture.

C’est en rencontrant moi-même un certain nombre de ces mineurs, au cours de mes trois mois de résidence à Forbach, que le désir de passer du livre à la scène s’est imposé. Leur voix, leurs gestes, leur visage passant dans l’instant « du grand midi au grand minuit », les mouvements de leurs corps obéissant aux inflexions de leurs voix, et reflétant tour à tour force et fragilité, énergie ou lassitude, puissance d’«être là» ou effacement… Tout cela m’invitait naturellement à passer du livre au plateau.

[...] Le titre Tout un homme est inspiré d’une phrase de Jean-Paul Sartre : «  Si je range l’impossible salut au rang des accessoires, que reste-t-il ? Tout un homme, fait de tous les hommes, et qui les vaut tous, et que vaut n’importe qui. »

Jean-Paul Wenzel

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Spectacle terminé depuis le lundi 7 mars 2011

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