Lorsque j’ai créé la première fois Badine, il y a 17 ans, j’avais coupé certaines scènes et répliques. Parmi elle, la plus célèbre, dite par Perdican : « Tous les hommes sont menteurs, inconstants, faux, bavards, hypocrites, orgueilleux et lâches, méprisables et sensuels ; toutes les femmes sont perfides, artificieuses, vaniteuses, curieuses et dépravées ; le monde n'est qu'un égout sans fond où les phoques les plus informes rampent et se tordent sur des montagnes de fange ; mais il y a au monde une chose sainte et sublime, c'est l'union de deux de ces êtres si imparfaits et si affreux. » Evidemment, dès les premières représentations, des spectateurs nous faisaient part de leur frustration. Je l’avais coupé justement parce qu’étant la plus célèbre, elle résonnait en moi comme un cliché.
On ne badine pas avec l’amour appartient bien au genre du proverbe, et c’est précisément cette réplique de Perdican qui est devenu proverbiale. Sous la pression des comédien.nes, j’avais fini par la ré-introduire.
Aujourd’hui, quand je repense à cette partie du texte, l’endroit de mon rejet est beaucoup plus clair : il s’agit de la construction du féminin et du masculin. « Tous les hommes ne sont pas » ceci ou cela et « Toutes les femmes » non plus. Et nous savons maintenant que tout est construction sociale. De la même manière que « s’habiller en fille » n’a pas d’autre sens que celui que les sociétés lui apposent. « On ne nait pas femme », pas plus que « l’on ne nait homme ». Pourtant les représentations persistent, même si elles se sont modifiées et on entend encore, sous la pression des industries, que tel jeu, vêtement, histoire est pour les filles et tel autre pour les garçons.
J’ai donc imaginé une petite forme en direction du public scolaire pour mettre en jeu la construction du masculin/féminin à partir de cette réplique. Déconstruire le masculin/féminin amène aussi à toutes les autres déconstructions. Et le texte de Musset, comme la plupart des textes classiques fourmille de représentations sexistes, classistes, racistes. Cette petite forme d’environ 40 minutes est suivie d’un débat, d’une discussion avec les élèves.
Elle peut être présentée plusieurs fois dans les établissements en amont du spectacle, ou à sa suite.
20, avenue Marc Sangnier 75014 Paris