Normalement

du 5 au 23 novembre 2002

Normalement

Ni roman, ni théâtre, ces phrases, normalement, étaient faites pour la danse, pour celle de la chorégraphe Mathilde Monnier. « Écrire pour la danse ». Étrange formule, vraiment. Mais c’est pourtant bien ce qui se passe dans ce texte. Tout partirait d’un corps qui veut dormir, un organisme bien vivant qui travaille à la réparation de tout ce qu’il a traversé dans le jour. Énumération du divers, tous ces petits gestes, questions, remarques ressassées et autres micro-pensées qui n’ont l’air de rien : revisitation essentielle de tout cet ordinaire apparent. Michel Didym

Présentation
Normalement, entre nous tous
Extrait
Extrait de Christine Angot – Roman / Théâtre

Ni roman, ni théâtre, ces phrases, normalement, étaient faites pour la danse, pour celle de la chorégraphe Mathilde Monnier. « Écrire pour la danse ». Étrange formule, vraiment. Mais c’est pourtant bien ce qui se passe dans ce texte. Tout partirait d’un corps qui veut dormir, un organisme bien vivant qui travaille à la réparation de tout ce qu’il a traversé dans le jour. Énumération du divers, tous ces petits gestes, questions, remarques ressassées et autres micro-pensées qui n’ont l’air de rien : revisitation essentielle de tout cet ordinaire apparent.

Et comme ça parle, peu à peu le sol s’ouvre. Dans l’ordinaire sourd l’exception, et dans le calme tranquille des jours qui passent, perce la hantise d’un rêve qui ne finirait plus. Comme celui-ci : et si tout, du monde, se mettait à grossir, d’un seul coup, et partout, sans que personne ne sente que ça grossit ? Surenchère, affolement de la parole, comme si les mots simples se scindaient, coupés, démultipliés par viviparité. Plus rien ne peut plus contenir les corps : plus d’enfermement, plus de maîtrise, juste des corps qui ne se tiennent plus. Tout le texte tiraille entre ces deux pôles, raison et folie pour toujours mêlées. Pour qu’un corps tienne, il faut bien l’enfermer. Où ? Dans un corps. Et que dit le corps qu’on enferme ? Il se met à crier, il commence à dire des phrases que l’on n’attendait pas dans cette succession-là, il répète, il cherche. Et il parle, il parle, il parle jusqu’à ce qu’il trouve quelque chose à dire. 

Michel Didym

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J’ai d’abord écrit Vu du ciel, j’avais écrit d’autres choses avant, mais la première chose que j’ai pu publier a été Vu du ciel. Vu du ciel, roman. Parce que, quand on écrit, on écrit des romans, c’est comme ça, écrire c’est un roman. Ensuite, quand j’ai continué, j’avais un sujet en tête que je voulais écrire, je l’ai écrit sous la forme de roman, parce que c’est naturel, mais ça n’allait pas. Je pensais que je ne pourrais plus jamais écrire, je le pense toujours. L’attitude normale, c’est de ne pas écrire. L’attitude sociale normale. C’est de s’adapter plus ou moins à la parole telle qu’elle circule normalement entre nous tous. Mais j’ai besoin d’écrire, il faut que j’écrive, c’est comme ça, et le deuxième roman ne venait pas. J’essayais depuis janvier, et puis vers octobre me vient une idée, et cette idée m’excite pour la première fois depuis des mois, ça va être une pièce, je vais écrire une pièce et là en cinq semaines ça sort, c’est Corps plongés dans un liquide. Que personne encore n’a monté, sauf Gérard Desarthe dans une mise en espace à Théâtre Ouvert il y a quelques années, c’était lui dans le rôle du père, c’était magnifique. 

Ce premier mouvement, roman, théâtre, a duré quelques années, et ensuite, à partir de Léonore, toujours et Interview, une sorte d’instinct de révolte que j’avais enterré, l’instinct de parler, a refait surface, sûrement avec la naissance de Léonore, et à partir de là, j’ai fait du théâtre dans mes romans, c’est-à-dire que dans mes romans j’ai parlé. Je n’ai plus jamais rien raconté, l’histoire ment, je n’ai plus fait que parler, pour être entendue par un public venu écouter quelqu’un qui ne voulait pas parler, quelqu’un qui était comme lui, et qui s’est arraché à eux, et puis qui est venu dans le théâtre ou dans le livre pour les retrouver, s’ils sont d’accord pour la reprendre. 

Christine Angot

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« Est-ce que le gaz est bien fermé ? Est-ce que le facteur est passé ? Est-ce que la fenêtre est ouverte ? Est-ce que tu crois que Noria va nous rembourser? Est-ce que tu crois que Léonore est bien équilibrée ? Habillée comme ça comment tu me trouves ? Et les chaussures ? Celles-là ou celles-là ? Est-ce que tu crois qu’on sera heureux ? Est-ce qu’on va s’en sortir, tu crois ? Et le téléphone ? Et le répondeur ? Et la lumière du salon qui marche une fois sur deux ? Et le robinet de la cuisine qui goutte. Depuis maintenant des semaines. Depuis maintenant deux mois. Depuis bientôt cinq mois. Est-ce que tu crois que Léonore est bien équilibrée ? Est-ce que tu crois qu’on va s’en sortir ? Est-ce que tu crois qu’on vivra toujours à Montpellier ? Est-ce que tu crois qu’on mourra à Montpellier ? Est-ce qu’on déménagera ? Est-ce que Léonore nous quittera ? À quel âge ? Qu’est-ce que ça nous fera? Quand on se retrouvera tous les deux, est-ce que tu crois qu’on sera heureux, quand on sera vieux ? Comment tu crois qu’on sera ? »

Extrait de Normalement,
Éditions Stock, 2001

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[…] Ça commence à devenir intéressant, effectivement, l’univers mental j’y reviendrai. C’est tout le sujet de Normalement,. L’univers mental ce n’est pas du tout la même chose que l’histoire. C’est le discours, rien que ça, tout seul, tout nu, sans histoire, sauf la sienne, comment fait-il le discours d’un univers mental, qui est par définition unique et antisocial, pour être accueilli de façon multiple et sociale ? […]

Extrait de Christine Angot – Roman / Théâtre
In LEXI/textes 6 – Publication du Théâtre National de la Colline,
L’Arche Éditeur, Paris, 2002

[…] À partir de Léonore, toujours et Interview, une sorte d’instinct de révolte que j’avais enterré, l’instinct de parler, a refait surface, sûrement avec la naissance de Léonore, et à partir de là, j’ai fait du théâtre dans mes romans, c’est-à-dire que dans mes romans j’ai parlé. Je n’ai plus jamais rien raconté, l’histoire ment, l’histoire du héros tragique, telle qu’on la lui a racontée, avant, en privé, depuis sa naissance, avant que la pièce ne commence, ment, et donc il va découvrir la vérité en public, sur scène devant tout le monde, ou en écrivant un livre que tout le monde va pouvoir lire, et alors je n’ai plus fait que parler, pour être entendue par un public venu écouter quelqu’un qui ne voulait pas parler, quelqu’un qui était comme lui, qui pensait au départ que l’histoire privée était la bonne, et qui s’est arraché à elle finalement pour devenir le héros tragique d’une histoire publique, puis qui est venu dans le théâtre ou dans le livre pour retrouver l’histoire vraie, pas seulement la sienne, pas seulement celle de son passé, mais de tous les grands sentiments. Qu’est-ce que c’est qu’un grand sentiment ?

C’est un petit sentiment privé, qu’on est des milliers à partager, mais qu’on veut garder à l’abri dans un jardin secret, mais le héros tragique, lui, décide de le définir au grand jour devant tout le monde. Le héros tragique n’a pas de jardin secret, et pas de sentiment privé. […]

  • Extrait de Christine Angot – Roman / Théâtre
    In LEXI/textes 6 – Publication du Théâtre National de la Colline,
    L’Arche Éditeur, Paris, 2002

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La Colline (Théâtre National)

15, rue Malte Brun 75020 Paris

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La Colline (Théâtre National)
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Spectacle terminé depuis le samedi 23 novembre 2002

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