
L’auteur et dramaturge Olivier Saccomano et la metteuse en scène Nathalie Garraud dressent un portrait fiévreux de notre époque, où l’humanité court à perdre haleine dans un présent détraqué.
Bord de plateau à l'issue de la représentation du 11 décembre 2025.
Sur un plateau quasiment nu, des figures anonymes déambulent. Ce sont les habitant·es de « l’âge des nouveautés », une ère dystopique régie par un ordre social implacable et des règles strictes. Une machine bien huilée, jusqu’à l’arrivée d’Alice K. Propulsée dans ce pays des merveilles glaçant, elle découvre un fonctionnement absurde, presque kafkaïen. Mais que peut un individu face à un tel système ?
La metteuse en scène Nathalie Garraud et le dramaturge Olivier Saccomano s’emparent de la métaphore du theatrum mundi pour révéler l’aliénation profonde des sociétés contemporaines. Dans ce théâtre du monde comme dans la grande machinerie néolibérale, l’être humain n’est plus qu’un figurant privé de libre-arbitre.
Avec Monde nouveau, leur dernière création, le duo dissèque au plateau l’appareil techno-capitaliste et les subjectivités qu’il façonne. Ensemble, iels examinent les logiques de contrôle, les mécanismes d’adhésion, et les fissures possibles dans l’édifice. À l’heure où les repères vacillent, le spectacle pose une question brûlante : comment retarder l’avènement du néofascisme ?
Distribution en alternance.
Dans Monde nouveau, notre sujet est le contemporain, pris d’un bloc, dans sa massivité pressante, son épaisseur géologique, ses lignes de force et de fracture. Si vaste et indéterminé que soit ce motif, il nous donne une échelle, celle d’une pièce- monde, d’une machinerie qui exhibe ses rouages. En son sein tournent, à moins qu’ils ne la fassent tourner, des hommes et des femmes : des représentants de l’espèce humaine. Ce sont nos contemporains. Ils vivent à l’âge des nouveautés. Nouvelles technologies, nouvelle économie, nouveau produit, nouveau projet… Et ce contemporain se tient lui-même au point de bascule entre deux « néo » : un néolibéralisme qui forme les jours et les nuits du monde à son image, et un néofascisme qui surgit en miroir.
Ce point de bascule (ou de fusion) a bien une histoire : celle des quarante dernières années qui ont progressivement façonné les rythmes, les régimes de perception, les affects dominants de l’humanité, et qui règlent tant bien que mal les formes du temps présent. Il a une généalogie, que le philosophe Grégoire Chamayou analyse comme la stratégie néolibérale déployée à l’échelle de plusieurs générations, dissolvant petit à petit la question « macro » du choix de société dans une société du micro-choix individuel. Il a des traits caractéristiques, que le philosophe Mark Fisher décrit comme une alliance inédite de la technologie et de la précarité, se traduisant par une pénurie artificielle de temps qui court d’un bout à l’autre de la chaîne sociale.
Monde nouveau ne retrace pas cette histoire, mais la saisit à son point de contemporanéité, c’est-à-dire à son point de brûlure ou de farce… Comme ont pu le faire, en leur temps, Le Procès de Kafka ou Les Temps modernes de Chaplin : des œuvres qui dessinent une étrange mosaïque où une foule de situations et de micro-actions concrètes racontent, en même temps qu’elles l’affectent, une espèce humaine prise à son propre piège.
3, place du 11 Novembre 92240 Malakoff
Voiture : Périphérique, sortie Porte de Vanves ou Porte Brancion puis direction Malakoff Centre-ville.