Lettres à l'humanité

Paris 6e
du 22 octobre 2008 au 3 janvier 2009

Lettres à l'humanité

Un tirailleur sénégalais écrit au Maréchal Pétain, un juif d’Ethiopie s’adresse au président Ben Gourion, une jeune femme aryenne interpelle Hitler, un pied noir d’Algérie raconte son « retour » au Général de Gaulle... Tous ces exclus, entre deux terres, entre deux continents, aspirent au changement et au bonheur.

La vitalité et la fragilité de nos destinées
Note de l'auteur
Faire entendre la voix des exclus, préface de la pièce
Des peuples colonisés à l’identité brisée
Toucher l’humanité

  • La vitalité et la fragilité de nos destinées

Un siècle d’humanité… Un tirailleur sénégalais écrit au Maréchal Pétain, un juif d’Ethiopie s’adresse au président Ben Gourion, une jeune femme aryenne interpelle Hitler, un pied noir d’Algérie raconte son « retour » au Général de Gaulle, et d’autres inconnus du siècle dernier se recueillent dans l’intimité de l’écriture pour adresser à un autre, plus puissant, une requête particulière, un souhait ou un besoin.

Tous ces exclus, entre deux terres, entre deux continents, aspirent au changement et au bonheur. Les comédiens font entendre avec humour, délicatesse et émotion la vitalité et la fragilité de nos destinées.

Par la Compagnie Les Aimants. Le texte est publié aux Editions Emile Lansman.

  • Note de l'auteur

C’est Philippe Adrien qui nous a mis en lien, Sophie et moi. Il avait lu mes Lettres à l’humanité, il les aimait et voulait en faire quelque chose. Il les a donné à Sophie qui était alors son assistante et elle m’a contacté. On s’est écrit, on s’est parlé et on a fini par se rencontrer lors de la mise en lecture des Lettres au musée Dapper en novembre 2006.

J’ai surtout rencontré son travail tout en intelligence, en rigueur, en simplicité. Avec trois fois rien, des chaises, des jeux de lumière subtils, des visages délicatement éclairés, une direction d’acteur précise et délicate, l’émotion était au rendez-vous. Ce soir là elle a su donner à entendre ces paroles d’humains qui écrivent à d’autres humains pour parler d’humanité. Mais au théâtre comme le dit Claude Régy, il s’agit de donner à voir.

Nous rêvons donc ensemble, depuis cette première rencontre, de donner à vivre ces humanités.

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  • Faire entendre la voix des exclus, préface de la pièce

En 2002, je découvre le documentaire Noirs dans les camps nazis réalisé par un journaliste ivoirien vivant en Martinique, Serge Bilé. Il y fait témoigner des rescapés africains, noirs américains, haïtiens, mais aussi des témoins juifs et des personnalités européennes qui parlent de cet épisode méconnu de la Seconde Guerre mondiale : la présence des Noirs dans les camps de la mort. Je trouve le sujet passionnant et conçois assez vite le projet d'en faire une pièce de théâtre.

En 2004, le service culturel du quotidien communiste l'Humanité passe, à l'occasion des cent ans du journal, une commande à dix auteurs francophones pour qu'ils écrivent de courtes pièces sur un fait marquant de leur choix entre 1904 et 2004. Les textes écrits seront mis en scène en une sorte de grande fresque théâtrale. Le projet de pièce de théâtre autour des « Noirs dans les camps nazis » m'apparaît soudain comme le bon angle pour parler du XXe siècle et de son « humanité ». La contrainte de la forme brève m'amène logiquement à choisir la « lettre monologue » et à élargir à la fois les épistoliers (pas uniquement des Noirs) et les époques (de la Première Guerre mondiale à la fondation d'Israël). Six lettres naissent, sont jouées et publiées dans le recueil Fragments d'humanités publié chez Lansman.

Après la création de la fresque, les lettres sont mises en lecture au musée Dapper par la jeune metteur en scène Sophie Akrich qui désire en faire une création originale. Elle me demande d'écrire quatre autres lettres qui devraient permettre de faire le lien entre la fondation d'Israël et notre actualité. Je choisis donc de rajouter les voix d'autres exclus : les pieds noirs, les jeunes des banlieues parisiennes, les sans papiers.

Ainsi naît cette nouvelle publication qui réunit les dix monologues sous le titre Lettres à l'Humanité. Non seulement pour laisser une trace du spectacle créé, mais aussi pour offrir à la lecture des jeunes générations scolaires et théâtrales une matière brute qu'elles pourront avoir envie d'explorer, de jouer, de discuter et de remettre en contexte avec l'aide de leurs parents et enseignants. Et si cette lecture leur donne envie de se mettre à leur tour dans la peau d'un personnage qui écrit une « lettre à l'Humanité », ce serait à mes yeux un magnifique prolongement.

José Pliya

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  • Des peuples colonisés à l’identité brisée

« Tu sais que le mouvement fait partie de la perfection de l’animal et lui est nécessaire pour être parfait, car, de même qu’il a besoin de manger et de boire pour remplacer ce qui est dissous, de même il a besoin du mouvement pour se diriger vers ce qui lui est convenable et fuir ce qui lui est contraire. » Maïmonide, Guide des Egarés.

Les Lettres à l’humanité font partie d’une série de textes commandés par le journal l’Humanité à une dizaine d’auteurs de théâtre à l’occasion du 100ème anniversaire du journal en 2004. Le thème était « un siècle d’humanité ».

José Pliya a alors choisi d’écrire des lettres retraçant en quelques lignes la vie des peuples colonisés à l’identité brisée. A partir de rencontres, de films, de lectures et réflexions, il créé huit personnages, et huit monologues. On passe du tirailleur sénégalais qui écrit au Maréchal Pétain, du juif d’Ethiopie qui s’adresse au président Ben Gourion à la jeune femme aryenne qui interpelle Hitler, au pied noir d’Algérie raconte au Général de Gaulle comment se passe son « retour »… Autant de parcours et de personnages anonymes qui adressent à leur interlocuteur une demande particulière. Tous ces êtres se sont recueillis dans l’intimité de l’écriture pour se dévoiler et dire leur espoir en l’homme, en l’humanité.

Le procédé épistolaire, avec son « vous » ostentatoire, son Monsieur le Général, ou son chère Husseina nous convoque personnellement. En douceur, mais avec fermeté. Juste quelques minutes. Assez pour se reconnaître, assez pour se souvenir, et pour se questionner. Car à l’heure des bilans sur la colonisation, quand le creuset nord sud est toujours plus profond, quand les guerres ethniques et religieuses continuent de leur oeuvre de destruction, le désir de mouvement, héritage de nos origines nomades est toujours plus brûlant. Le déplacement, le changement de position géographique pour assurer la survie bien sûr, mais il s’agit aussi ici du mouvement intérieur, du changement de position dans le temps et dans l’espace qui implique le changement donc de point de vue, inévitablement.

Et dans l’écriture de José Pliya, pas de confort, pas d’idée reçue qui ne soit questionnée, pesée, revisitée… L’humain s’exprime avec poésie, dans toutes ses contradictions, il questionne ses origines, revient sur ses choix, interroge son identité, multiple, complexe et singulière à la fois.

Sophie Akrich

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  • Toucher l’humanité

Je me souviens d’une lettre que j’avais trouvée dans la rue de Belleville. Une lettre de rupture. La lettre d’une femme à un homme, sans poésie mais avec une attention pour chaque mot et pour chaque idée énoncée. C’était plutôt excitant, envoûtant même de se retrouver dans cet espace imprévu, au beau milieu de leurs émotions… Aux premières loges. Qu’étaient-ils devenus ? Avait-elle perdu la lettre ? L’avait-il jetée avec colère après l’avoir lue... l’avait-il lue au moins ? Avait-elle finalement changé d’avis ?

On était en pleine période de décisions. Une période électorale. Les militants collaient des affiches sur les tableaux gris métallisés qui font face aux écoles. Ne pouvant ni jeter, ni garder ce bout de papier devenu soudain précieux, je leur ai demandé de la colle et je l’ai placardé sur un des tableaux. Désuète, cette petite feuille blanche et bleue de ces quelques mots griffonnés. Impudique, l’intime ainsi exposé, offert à tous… Et pourtant si commun !

La lettre nous projette sans détours dans le recueillement de son auteur, et simultanément à la place du destinataire. Entre ces deux individus, le théâtre ouvre un autre espace, celui de l’acteur et du spectateur. Chacun à sa façon se trouve soudainement projeté dans ce lieu nouveau… entre deux personnes, entre deux instants, entre deux possibles.

Mettre en scène des lettres d’inconnus ou même simplement les lire à haute voix, c’est chercher l’accès à cet entre-deux, l’inventer, le fouiller et trouver sa forme. Et peut être, dans le croisement de nos solitudes qui se fondent ou s’opposent suivant le contenu, on touche l’humanité.

Sophie Akrich

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