Lettre ouverte à Renée Saurel

Paris 6e
du 15 janvier au 18 février 2003

Lettre ouverte à Renée Saurel

Il y a peut-être 30 ans, j’ai connu Renée Saurel - à qui je dois une grande partie de la connaissance du phénomène de la vie. - Ce me semble un profond devoir moral de rendre hommage à une des plus grandes critiques dramatiques de ce pays qui est devenu la sève de ma vie, la France…

Présentation
Daniel Emilfork par Daniel Emilfork
Renée Saurel (1910-1988)

Je suis né le 7 Avril 1924. Si la force vitale est encore là en avril prochain, je deviendrai un humain de 79 ans.

Il y a peut-être 30 ans, j’ai connu Renée Saurel - à qui je dois une grande partie de la connaissance du phénomène de la vie. - Ce me semble un profond devoir moral de rendre hommage à une des plus grandes critiques dramatiques de ce pays qui est devenu la sève de ma vie, la France.

C’est cette femme magnifique qui m’apprit que la dualité et l’ambivalence sont la moelle de tout être vivant - que jamais au grand jamais un jugement est définitif - qu’il existe toujours le yin et le yang du ressac de l’existence - que peut-être, sans le formuler, son origine Sicilienne faisait d’elle quelqu’un appartenant à l’animisme de l’existence - que d’une manière obscure elle a bataillé toute sa vie pour que le fait de naître nous donne droit à la justice, nous donne logis dans l’appartenance au ressac du va-et-vient de la marée.

Mère fondatrice de la dérision de la vie - elle finissait la sienne en luttant contre l’excision - que ses amis ont été Ariane Mnouchkine, Simone de Beauvoir.

Un rastaquouère comme moi né au Chili, de parents juifs socialistes, lui doit l’apprentissage que jamais au grand jamais une chose est d’une seule manière - que la vie est le va-et-vient de chaque phénomène vital - qu’elle a été la camarade-amante de Jacques Lemarchand, un autre grand critique dramatique de ce pays, et qu’en bonne Sicilienne, pour un jeu de mots elle risquait son existence - et que, comme l’empereur Hadrien, elle est morte d’hydropisie et de fatigue de vivre. Grâces lui soient rendues à cette femme qui pensait qu’Henry de Richeux valait la peine (Les reliques) et que Guillaumas (l’écrivain, gagnait sa vie en étant un faux bibliothécaire), et pour finir cette esquisse, je voudrais très modestement rendre hommage à Luce Berthommé qui bataille chaque jour et à son mari Christian Le Guillochet qui avec le temps n’a pas peur de me dire “Je t’aime, Daniel.”

Daniel Emilfork

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Si je cherche loin dans ma mémoire, c’est le monde du spectacle qui a toujours exercé une fascination sur moi ; ma place dans ce monde-là, je ne pouvais pas la formuler, ni même l’entrevoir, puis, les rencontres peuvent - et généralement, déterminent cette place.

Je dois à Tania Balachova, le désir profond de vouloir être sur un plateau d’une manière organique - c’est-à-dire de transformer l’énergie d’un écrivain, et de la faire mienne à travers ce filtre qu’on appelle la comédie. À partir de là, on exerce un métier en étant sollicité par les autres, mais je crois que d’une manière obscure, je n’ai cessé de chercher à réaliser cette impossibilité qui est d’être soi-même en étant les autres. Ainsi, c’est en jouant Les Amants puérils de Crommelynck, mis en scène par Balachova, que cette recherche commence à cristalliser, et aujourd’hui, je me rends compte que dans cette « plénitude », les limites d’un physique s’estompent - ça peut paraître paradoxal - mais les dons, les facilités, les difficultés, semblent s’éloigner pour laisser place à un besoin profond d’être où l’on se trouve. Je garde le même souvenir de Casanova de Fellini - pourtant ce monde-là était le sien et néanmoins dans une espèce d’oubli-de-soi, me semblait le mien.

C’est peut-être la curiosité d’autrui, et une réflexion sous-jacente, et des circonstances qui ont fait de moi un possible directeur d’acteur. Ainsi, je me suis vu dirigeant Zoo Story, avec Laurent Terzieff et Michael Londsdale. 

Plus tard, La Métamorphose, tiré de Frantz Kafka par Maria-Ley Piscator ; une modeste pièce de divertissement anglais Le Manteau d’Astrakan, de Pauline Macauly. Plus tard, je dirige et joue Zalmen d’Elie Wiesel. Et aussi, Les Nuits blanches de Dostoïevski, adaptation de Jean Gilibert.

Dans mes randonnées théâtrales, Patrice Chéreau me demande par deux fois de le diriger comme acteur dans deux de ses spectacles : Richard II et Toller. Et plus tard, d’être professeur dans l’école de son théâtre, école dirigée par Pierre Romans.

Il y a quelques années, André Engel me demande de participer à son spectacle : Kafka, Théâtre complet. Là, je fais la connaissance de deux acteurs, une actrice et un acteur qui, d’une manière obscure, vont peut-être orienter autrement ma vie d’acteur. Je veux parler de Christiane Cohendy et de Frédéric Leidgens.

Frédéric Leidgens et moi, nous voulions jouer une pièce ensemble. Les obstacles, les transformations, les difficultés cristallisées dans une série d’improvisations, à travers une thématique donnée, nous demandons à Christiane Cohendy de rédiger et de mettre en scène.
Le résultat a été Archéologie. À partir de là, je n’ai cessé de penser que peut-être était-ce possible de trouver un besoin organique, confronté de manière différente, de le partager, et de tenter un autre spectacle.

Daniel Emilfork

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10 novembre 1910 : naissance à Avignon (Vaucluse). Etudes d’allemand à l’Université d’Aix-en-Provence, où elle se lie d’amitié avec André de Richaud. Passe une année en Allemagne. Trois enfants (1930, 1932 et 1933). A partir de 1945, travaille comme pigiste, puis journaliste et critique dramatique notamment à Combat, L’Express, L’Information, où elle dirige les pages culturelles, et aux Lettres françaises où, à la demande expresse de Louis Aragon, elle assure la chronique télévision.

Mais c’est à la revue Les Temps modernes où, de 1954 à 1984, elle assure la chronique mensuelle sur le théâtre, qu’elle donne tout son appui aux auteurs, metteurs en scène, décorateurs et comédiens engagés dans la recherche d’un théâtre ouvert aux innovations et proche des spectateurs (elle accompagnera activement la décentralisation conduite par Jeanne Laurent, qui entraînera la création de nouvelles compagnies théâtrales dans les villes de province) ; elle soutient un théâtre dit « d’avant-garde », notamment en qualité de membre de la Commission du Jeune Théâtre du Ministère des Affaires culturelles. Amie de Jean-Paul Sartre et de Simone de Beauvoir, elle partage avec eux nombre de leurs combats. En 1960, elle signe la « Déclaration pour le droit à l’insoumission dans la guerre d’Algérie », dit « Manifeste des 121 »

Renée Saurel est également la traductrice de l’auteur dramatique d’expression allemande Odön von Horvath pour nombre de ses pièces, qui seront montées en France pour la première fois. Elle en adapte certaines pour la radio (France-Culture), ainsi que « La Nuit Aveuglante » d’André de Richaud. Sa propre pièce « La Fève Noire » sera également diffusée par France-Culture en 1973. Elle publie « Le Théâtre allemand contemporain » en 1975, et rédige plusieurs articles pour L’Encyclopedia Universalis.

Elle s’engage dans la défense des droits des Femmes, et signe, en 1975, « L’Appel de 343 femmes » qui, déclarant avoir elles-mêmes avorté, demandent le droit à l’avortement libre et le libre accès aux moyens anticonceptionnels. Elle enquête longuement sur les mutilations sexuelles infligées aux femmes et publie en 1981 « L’Enterrée vive », aujourd’hui encore ouvrage de référence sur le sujet (réimpression d’une série d’articles parus dans la revue Les Temps Modernes ), puis « Bouche Cousue » en 1985 sur l’attitude du milieu médical face aux mutilations sexuelles féminines.

Ainsi qu’elle l’avait souhaité en tant que membre de l’Association « Mourir dans la dignité »,. Renée Saurel est morte à son domicile, le 12 janvier 1988.

Simone Pissarro

Bibliographie

Etude historique Théâtre
Le Théâtre allemand contemporain/Renée Saurel.- Paris : La Renaissance du livre, l975.- 98 p.- Collection Dionysos, petite encyclopédie du théâtre.
Histoire du théâtre allemand de 1920 à 1970.

Pièce de théâtre
La Fève noire/Renée Saurel.- Diffusée par France-Culture en 1973.

Traductions et adaptations
La Nuit Italienne, suivi de Cent cinquante marks et de Don Juan revient de guerre/ Odön von Horvath, trad. de l’allemand par Renée Saurel.- Paris : Gallimard, 1967.- 262 p. -Coll. Du Monde entier. Cent cinquante marks est parfois intitulée La Foi, l’espérance et la charité.

Traductions non éditées
Casimir et Caroline/Odön von Horvath, trad. Renée Saurel.
Belvédère/Odön von Horvath, trad. Renée Saurel. (autre titre : Hôtel Bellevue).
Histoires de la forêt viennoise/ Odön von Horvath, trad. Renée Saurel.

Presse, revues et encyclopédies
Articles ou chroniques dans les quotidiens ou hebdomadaires : Combat (mars 1947-juin 1951), L’Express (1954-1955), L’Information (janvier 1957-juin 1958), Les Lettres françaises (chronique télévision 1965-1972).
Critiques dramatiques mensuelles dans la revue Les Temps modernes (1954 à 1984).
Plusieurs articles sur le théâtre publiés dans L’ Encyclopedia Universalis, dont : Odön von Horvath, Eugenio Barba et Odin Teatret (1983)

Adaptations pour France-Culture
De 1945 à 1963 : adaptations de Casimir et Caroline, Belvédère (ou Hôtel Bellevue) et Histoires de la forêt viennoise de Odön von Horvath, La Nuit aveuglante, d’André de Richaud, Le Christ recrucifié, de Nikos Kazantzaki, Deux hommes au petit déjeuner (ou Lilith ou la comédienne prise à son jeu) de Karl Witlinger.

Mutilations sexuelles
L’Enterrée vive : essai sur les mutilations sexuelles féminines/Renée Saurel. Préf. de Simone de Beauvoir.- Genève-Paris : Slatkine, 1981.- 312 p.-
Réimpression des articles parus dans la revue Les Temps Modernes, 1979-1980. 
Bouches cousues : les mutilations sexuelles féminines et le milieu médical/Renée Saurel.- Paris : Tierce, 1985.- 368 p.- Collection femmes et société.

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