Le mendiant ou la mort de Zand

du 9 au 29 novembre 2007

Le mendiant ou la mort de Zand

Bernard Sobel met en scène une pièce sur la pensée et l'écriture signée Iouri Olecha, immense poète russe du début du XXème siècle, inconnu en France. Une réflexion rare et aiguë sur le fait d'écrire.

En 1927, Olecha est joué au Théâtre d’Art de Moscou. Il commence à écrire La Mort de Zand, suivie d’une autre version, Le Mendiant. La pièce tarde à s’écrire, les répétitions commencent, elle ne sera pas achevée…

L’écrivain Zand, 32 ans, vient d’achever une pièce. C’est le jour de son anniversaire. Autrefois il avait des modèles, aujourd’hui il est plus âgé que ses héros et cela le terrifie : il rêverait d’avoir la force de Balzac…

Son père et sa mère lui ont préparé un dîner. Sa pièce, dit-il, parle d’un imbécile et quand son père lui demande si c’est une comédie, il répond : non, il y a un meurtre.

Dans la pièce de Zand, il y a Zand lui même, il appartient au nouvel appareil d’État, et Fédor, lui aussi écrivain et victime d’une purge. Fédor veut se venger de Zand en devenant son double, alter ego démoniaque, un mendiant qui, sous un réverbère, demande la charité…

D’une façon quelque peu pirandellienne, Le Mendiant ou la mort de Zand, écrite en plein stalinisme, met en scène…un metteur en scène montant une pièce dont le personnage central, un écrivain, tente en vain d’écrire un drame où il se projette sous différentes identités : par exemple, un inquiétant commissaire politique trompé par sa femme ou un mendiant « anti-social » prêt au meurtre… Pour Bernard Sobel, cette pièce fascinante et ludique est une machine à penser nos déchirures.

  • À propos de la mort de Zand

(extraits de Un cimetière de thèmes, Genèse de trois oeuvres clés de Iouri Olecha, par Kazimiera Ingdahl, Almqvist & Wiksell International, Stockholm/Sweden).

[…] Beaucoup d’écrivains dans les années 1920 et 1930 ont été confrontés à la question de comment écrire dans une société en pleine transformation révolutionnaire exigeant de l’art un engagement idéologique actif. Ils réagirent de différentes façons à ces injonctions. Pasternak, par exemple, se mit à écrire de la prose. Babel devint complètement muet après plusieurs essais infructueux pour s’adapter.

Quant à Olecha, il choisit d’essayer de résoudre le problème au moyen du nouveau genre de l’autobiographie artistique. Le Noyau de cerise, alors, marque la transition. En même temps, cependant, Olecha essaye (en vain) de peindre sous forme fictionnelle le dilemme de l’artiste des temps nouveaux. On peut le voir dans la pièce La Liste des bienfaits (1931), et le projet dramatique inachevé aux divers titres prophétiques

La Mort de Zand et L’Homme noir, auquel Olecha travailla en 1929-1933, ainsi qu’à la nouvelle, elle aussi inachevée, Le Mendiant cité ci-dessus. Dans ces oeuvres, il abandonne la perception esthétique pour le problème de l’artiste, à présent éclairé à partir d’un point de vue psychologique différent. Le thème commun qui sous-tend tous ces textes est celui de la collision tragique entre le héros et l’histoire. Dans des notes et des déclarations d’Olecha datant de ces mêmes années, l’art est en même temps décrit comme une force destructrice qui anéantit l’artiste qui n’a pas rempli sa mission. Il revient ainsi au point de départ de son oeuvre – le thème du destin dans L’Envie.

[…] Olecha développe le thème du double dans une autre variante de la pièce titrée La Mort de Zand, qui en raison de sa forte charge satirique ne fut pas publiée avant 1985. Ici, l’alter ego de l’écrivain Zand, Fedor Mitskevitch, souscrit ouvertement à la philosophie de l’Homme noir. Il fait écho à Freud quand il déclare que l’individu ne peut jamais changer radicalement en dépit du progrès de l’évolution technique, parce que la nature humaine est immuable. Les hommes ne sont pas gouvernés seulement par la raisonmais tout autant par des instincts animaux inconscients, parmi lesquels le plus fort est l’instinct sexuel. Le mariage de Zand illustre la conception de Fedor quant à l’influence cruciale du sexe sur l’individu. Zand est marié à Macha, une relation qui se nourrit plus d’affinité physiologique que d’intimité émotionnelle. Quand il découvre que Macha a un amant avec lequel elle s’unira plus tard, il a une dépression nerveuse. Avant de partir en campagne pour « liquider l’arriération mentale », il se sent obligé de rendre visite à Macha, mais seulement pour satisfaire son instinct sexuel. C’est nécessaire, dit Zand, pour « travailler » et être « en bonne santé ».

Dans un esprit authentiquement romantique, Fedor conclut un pacte avec Zand, selon lequel il assumera le rôle dumoi secret de Zand, de son « inconscient », et agira dans les cas où Zand doit soumettre ses désirs « physiologiques » au contrôle de sa raison. La mission de Fedor est de venger Zand en assassinant son rival, l’amant deMacha (la réactivation du thème romantique du double est ici soulignée non seulement par le nom de Fedor qui bien sûr rappelle surtout Dostoïevski, mais aussi Adam Mickiewicz).

Fedor, cependant, ne fonctionne pas seulement en tant qu’« inconscient » de l’âge rationnel, il est aussi décrit comme « Diogènemoderne ». Zand, qui préside une « commission de purge », l’a licencié de son travail pour « comportement asocial », c’est-à-dire, pour son « génie », comme le fait sarcastiquement remarquer un des personnages. Quand Fedor choisit le rôle d’un « mendiant » et trouve refuge jour et nuit à la porte d’une pharmacie de Moscou, il se place lui-même en dehors des normes utilitaristes de la société, à l’image du philosophe grec. Comme Diogène, il se permet démystification et remarques idéologiquement provocatrices en soulignant les paradoxes de la réalité soviétique et en ironisant sur l’absurdité que représente le fait de rejeter l’héritage philosophique du passé. Ce n’est pas une coïncidence s’il défend la philosophie de Kant, en particulier son éthique, qu’il oppose à l’absence de norme de l’état socialiste.

Dans une note du fragment L’Homme noir, Olecha déclare : «Je suis convaincu que de ma plume ne peut sortir une oeuvre réactionnaire. Parce que ma dialectique est faite pour ceux qui reconstruisent le monde.»

Ainsi Olecha disait qu’il était convaincu que la pièce sur Zand lui servirait de catharsis pour sortir de sa crise créative et permettre à l’artiste prolétarien de triompher de « l’esthète ». La forme la plus adéquate pour peindre le combat entre ces deux Moi artistiques antithétiques était bien sûr la forme dramatique. Le choix par Olecha de ce genre semble même être une nécessité psychologique, car c’était là qu’il pouvait mettre en scène son conflit intime et fictionner ses voix personnelles contradictoires. […]


Texte français Michèle Raoul-Davis

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Spectacle terminé depuis le jeudi 29 novembre 2007

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