Laurel et Hardy vont au paradis

du 1 au 25 mars 2000

Laurel et Hardy vont au paradis

CLASSIQUE Terminé

Matrice de l'oeuvre à venir, Paul Auster rédige cette courte pièce à l'aube de son aventure critique et romanesque. Deux acteurs, Laurel et Hardy, construisent un mur. Très laborieusement, très sérieusement. L'écriture en spirale si souvent citée à propos de Paul Auster, semblable en cela à la construction du mur.

Un monde absurde
Paul Auster et le théâtre
Le Mur

  • Un monde absurde

La lecture des romans de Paul Auster me renvoyait à ce regret : quel dommage que cet auteur, si proche du théâtre me semblait-il, n’ait pas écrit de pièces. Ou encore : comment convaincre un auteur de s’intéresser à un art contraignant mais proche de lui s’il n’en a pas éprouvé le besoin ? Et puis voici qu’apparaissent il y a trois ans ces trois courtes pièces de jeunesse, matrices de romans à venir, première mise en spirale de thèmes désormais familiers à l’écrivain. Nous avons choisi Laurel et Hardy vont au Paradis, Philippe Faure et Daniel Znyk pressentant dans le texte matière à developper leur vieille complicité de duettistes.

Ils sont trop deux "Hardy" pour jouer Laurel et Hardy. Ils seront donc deux acteurs, moitié Keaton, moitié Tati, confrontés à cette activité oh combien absurde de devoir construire un mur. Dans un monde absurde, le comique est roi car l’humour est sans doute la vérité de l’absurde. C’est une façon de danser le réel ou de faire danser la réalité non pour l’oublier mais pour en interroger le sens à partir de son absence. Paul Auster devait avoir un rapport très concret à cette danse, à l’époque où il écrivit ce texte, il était déménageur ! C’est un monde qui se cherche. Mais les intuitions que l’on retrouvera dans La Trilogie New Yorkaise ou dans ce texte que cite Claude Régy, Espaces blancs, sont là. Le mur ne coupe pas l’espace, il est une question. "Comment et pourquoi la pierre est plus puissante que moi" - ou encore : Comment aller au Paradis si vous n’êtes pas sûr de votre propre mort ! ? Philippe Faure et Daniel Znyk sont maîtres d’œuvre, accompagnés par Jean-Pierre Berthomier et Jean Pennec.

Jean-Marie Hordé
Directeur du théâtre de la Bastille

  • Paul Auster et le théâtre

En 1976, alors qu’il écrivait encore des poèmes et des essais et qu’il traduisait pour gagner sa vie, Paul Auster s’est risqué au théâtre. Cette première "impulsion narrative", comme il l’appelle lui-même - reprise d’un désir qui avait déjà été le sien alors qu’il était étudiant -, l’a lentement conduit à l’écriture romanesque : "Je n’ai guère écrit que trois ou quatre pièces, durant une période très courte de quelques mois". Sa première pièce, Laurel et Hardy go to the Heaven, fut jouée une seule fois, lors d’une représentation privée, organisée par John Bernhard Meyers qui fut, dans les années 60, codirecteur de l’Artiste Theater de New York, et faisait participer à ses perfomances, poètes et plasticiens : Ashbery, O’Hara, Rauschenberg, Jaspert Jones, etc. et Paul Auster : "J’ai été très décu par cette expérience. Je n’ai pas aimé la façon dont on a monté la pièce. J’ai pensé qu’elle était mauvaise. Je l’ai retravaillée, puis je l’ai oubliée." Le thème du mur, présent dans Laurel et Hardy go to the Heaven, sera réutilisé, bien des années plus tard, dans La Musique du hasard. Hyde and Sike, la troisième pièce, réapparaîtra, sous la forme de quelques phrases, dans Le Voyage d’Anna Blume.

Black-outs, deuxième pièce en un acte, écrite par Paul Auster, fut, comme ses autres tentatives théâtrales, enfouie bien au fond d’un tiroir - ou plutôt, d’un carton : "Alors que j’étais plongé dans la rédaction de Cité de verre, je me suis souvenu de cette pièce écrite quelques années auparavant. J’ai éprouvé un sentiment étrange. Celui d’avoir déjà écrit ce sur quoi j’étais en train de travailler. J’ai relu la pièce. Les situations et les noms étaient les mêmes, bien que présentés de manière différente, que ceux qui circulaient dans mon roman en cours. J’ai alors entièrement repensé ce dernier. De Black-outs, devenue fiction en prose, est sorti Ghosts."

Gérard de Cortanze
Le Magazine Littéraire, 1999

  • Le Mur

Le mur, traditionnellement, est une enceinte protectrice : il clôt un monde et évite que n’y pénètrent les influences néfastes. Assurant la défense d’un domaine, il le limite d’autant plus. Mais il peut être aussi symbole de séparation. Ainsi en était-il du Mur des Lamentations qui sépare les frères exilés de ceux qui sont restés. Le mur austérien est une image récurrente curieuse. Un de ses premiers livres de poèmes, publié en 1976, s’appelait Wall Writing - littéralement, "écrire sur les murs" - traduit en français par Murales. Le narrateur y taillait des pierres "pour défier la terre", les enfouissait et les brisait ; y lisait la nuit, en braille, des blessures, "sur le mur intérieur de ton cri". Paul Auster écrivait aussi : "C’est un mur. Et le mur est la mort". Ou encore : "Car le mur est une parole". En présence de ce mur répété, il pressentait "la somme monstrueuse des détails". Le mur hölderlinien tenait des tables de la loi et le poursuivit.

Ainsi, lorsqu’Auster tente d’écrire des pièces de théâtre en 1976, raconte-t-il, dans une pièce jouée au cours d’une représentation privée, l’histoire de deux hommes qui passent tout le temps du spectacle à construire un mur qui, à la fin, se dresse entre le public et eux ! Lorsque les deux héros malheureux de La Musique du hasard perdent leur singulière partie de poker face aux deux milliardaires maniaques et pervers, ceux-ci les contraignent, pour rembourser leur dette de jeu, à bâtir un énorme mur avec les 100 000 pierres d’un château acheté en Irlande et déposées en vrac sur leur propriété de Pennsylvanie, fermée tel un camp de concentration.

Quant au programme de travaux publics lancé par le nouveau gouvernement autoritaire, dans Le Voyage d’Anna Blume, il n’est autre qu’un "Projet de Mur marin…". Le mur, prison où l’on inscrit des graffiti, comme pour prouver qu’on existe, enferme le héros austérien qui finit par s’y anéantir. Mais quel sens donner à cet enfermement sur lequel se clôt l’aventure de Nashe et de Pozzi, commencée dans les grands espaces ? Paul Auster écrit dans Murales : "Le langage des murs/ou un dernier mot/coupé/du visible." Sur le mur immobile s’abat le point du silence ou du surnaturel. Lors d’une conversation avec Larry Mc Caffry et Sinda Gregory, Paul Auster leur déclara, en 1989 : "Le jour même ou j’ai achevé d’écrire La Musique du hasard, un livre ou il est question de murs, d’esclavage et de liberté, le Mur de Berlin est tombé. Il n’y a aucune conclusion à en tirer, mais à chaque fois que j’y pense, ça me donne le frisson."

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Spectacle terminé depuis le samedi 25 mars 2000

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