Stefan Zweig excelle dans la description des tourments intérieurs de ses héros. Sa nouvelle, La Peur, en est le meilleur exemple. Construit comme un roman à suspense, la pièce se déroule au rythme haletant des angoisses d’Irène, jeune femme adultère traquée par l’étrange compagne de son amant.
Manipulation ? Hallucination ? Comment échapper à cette tourmente sans fin ? On assiste au vacillement d’un couple qui ne se comprend plus... jusqu’au dénouement, véritable coup de théâtre.
Cette pièce, à l’esthétique cinématographique, s’inspire de l’univers d’Hitchcock, notamment du remarquable film Fenêtre sur cour. Un spectacle palpitant.
Distribution en alternance.
La nouvelle de Stefan Zweig « La peur » m’offre le fil conducteur de cette pièce, une trame forte et simple, proche de beaucoup d’entre nous, sur un thème universel, le couple et la difficulté à ne pas devenir colocataire du quotidien. Le traitement de cette histoire est plus « complexe ».
Tout d’abord, tous les dialogues étaient à inventer mais également il me fallait approfondir les personnages, très peu développés dans la nouvelle, imaginer un passé à ce couple, les sujets de conflit, leurs passions respectives, etc.
Ensuite, je souhaitais traiter cette histoire de telle sorte que les pensées d’Irène se concrétisent sur le plateau. Ainsi, j’entrelace des scènes. On assiste à ce que vit Irène et à ce qu’elle pense au même instant. Elle discute avec Fritz tout en se remémorant une situation passée, comme la rencontre avec Elsa, l’étrangère. Deux scènes simultanées qui se déroulent dans un temps et un lieu différents.
Ce procédé offre une vraie promiscuité avec le personnage, donne une dynamique forte et une intensité dramatique prononcée. Il met en exergue les complexités psychologiques des personnages, leurs failles. Aucune nécessité de décrire les sentiments des personnages par la parole. La mise en espace des pensées, des souvenirs, illustre le chamboulement intérieur du personnage.
Plus la pièce évolue, plus Irène est enclavée par ses pensées-démons qui se multiplient. Elle semble tomber folle et nous entraine dans ce tourbillon de pensées flashbacks infernales. Le spectateur ne parvient plus à savoir quelle position prendre vis-à-vis d’Irène. Est-elle devenue folle, comme le suggère Fritz, toute cette histoire serait –elle inventée, se fait-elle vraiment suivre, ou bien est-elle dans la vérité et tout simplement dans une impasse ? Ce trouble est passionnant car il place le spectateur dans une position active et non passive, il s’interroge tout le long de la pièce, emporté par cette intrigue presque policière. Un « thriller » à la Hitchcock.
Elodie Menant
Ce qui me passionne dans cette histoire, c’est de décortiquer et de mettre en exergue la chute lente et incontournable d’un couple dont la communication échoue. Ce n’est pas qu’ils ne se parlent plus, au contraire ! Mais leurs points de vue, leurs argumentations ne trouvent aucun point d’entente. Une communication parallèle sans raccordement. Et pourtant, tous deux luttent pour parler, pour se comprendre, pour rétablir un équilibre, en vain. C’est cela qui est passionnant et déroutant. Deux personnes qui constatent qu’elles se perdent et qui, malgré leurs efforts, malgré leur lucidité, ne peuvent parvenir à se retrouver. C’est comme constater l’iceberg face à soi mais être dans l’incapacité de l’éviter malgré toutes décisions. Le gouvernail de l’un est braqué à gauche, les voiles de l’autre sont impossible à déployer, aucune solution pour éviter la catastrophe, ne reste plus qu’à la vivre.
A cette perte terrible s’ajoute la peur et l’obstination dans le mensonge. La peur de blesser son mari, qui a une confiance totale en sa femme, la peur de mettre en péril une vie installée et rassurante, la peur de briser un cocon familiale. Cette peur qui glace et qui empêche d’évoluer. Survient alors le mensonge comme unique secours à une situation qu’on ne parvient pas à affronter. Mais le piège du mensonge est que l’on s’embourbe dedans sans retour en arrière. Plus Irène ment, plus dire la vérité devient impossible. Et cette femme, Elsa, qui ressert l’étau. Elle pousse Irène au mensonge et l’enferme dans une peur paralysante, destructrice celle de révéler la vérité.
Ma mise en scène sera donc dirigée de telle sorte que ces deux axes décrits ci-dessus soient mis en valeur. Le premier sera d’abord suggéré, notamment en m’appuyant sur le film « Fenêtre sur cour » d’Hitchcock. Je souhaite placer le spectateur en position de voyeur. Qu’il soit interloqué par ce couple qui semble en froid et qu’on aperçoit à travers une vitre. Qu’il ait envie de le découvrir car il semble le miroir d’une relation amoureuse que chacun a pu connaitre. Impossible d’être insensible à cette situation. Elle nous rappelle forcément une relation vécue.
Ainsi, je jouerai sur les 5 sens : des paroles qu’on entend ou non (en fonction de si la fenêtre est ouverte ou fermée, si la bouilloire ou le sèche-cheveux fonctionnent), des choses que l’on voit ou non en fonction du positionnement du comédien dans l’appartement, des odeurs... Le spectateur devine, grappille des informations, observe de près ce couple. Plus la pièce évolue, plus le spectateur se glisse dans leur intimité De plus en plus de choses sont montrées ou entendues ou senties. Le deuxième axe, la peur, sera travaillé par le biais d’Elsa, sa manière d’apparaitre dans les scènes où elle représente les pensées d’Irène. Elsa sera l’allégorie de la peur.
L’ensemble est traité en m’inspirant d’Hitchcock, des années 50, tout en faisant une mise en scène assez contemporaine, en utilisant de la vidéo, des lumières très blanches, des éléments de décor stylisés et esthétiques. D’un point de vue direction d’acteur, tout le jeu sera ciselé de tel sorte que l’intériorité des personnages soit en opposition avec ce qu’ils montrent. Chaque personne ment, chaque personnage cache une situation et des sentiments, c’est une lutte acharnée pour chacun de dissimuler ces ressentis volcaniques. Ils jouent tous aux faux-semblants.
Elodie Menant
« Admirable ! On est tenu en haleine. » F. Ferrand, Europe 1
« La mise en scène relève du génie, les acteurs sont prodigieux. » Vaucluse Hebdo
« Splendide adaptation. » Froggy’s delight
« Terriblement audacieux. » La Provence
« Un régal ! Une femme adultère cède à une maître-chanteuse, afin que son mari n'apprenne rien. À moins qu'il ne sache déjà tout… Transposée dans l'Amérique des fifties , cette adaptation de la nouvelle de Stefan Zweig prend une force incroyable, grâce surtout à l'interprétation d'Hélène Degy. » Christophe Barbier, L'Express, 26 octobre 2016
« Encore une adaptation d’un récit de Stefan Zweig, mais, cette fois, vraiment très réussie. Cette adaptation d’Elodie Menant est, en effet, excellente, au point qu’on croirait presque assister à une vraie pièce de théâtre. C’est construit, intelligent, avec un suspense parfaitement aménagé. » Jean-Luc Jeener, Le Figaroscope, 25 janvier 2017
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