La Révolte

du 19 janvier au 11 février 2006

La Révolte

Un soir comme tant d’autres, dans le foyer bourgeois de Félix, riche banquier. Celui-ci et son épouse, Élisabeth, achèvent leur journée de travail et ferment leurs livres de comptes. Leurs affaires sont prospères, Félix félicite d’ailleurs Élisabeth qui, par ses soins et sa finesse, est parvenue à tripler leur fortune. Mais ce soir, Élisabeth annonce sa décision, irrévocable et longuement mûrie : elle abandonne le domicile conjugal, et laisse tout, enfant, mari, banque et factures pour vivre seule, libre… Un chef-d’oeuvre méconnu et singulier de la littérature française.

"Je veux vivre", dit-elle, "entendez-vous, insensé que vous êtes ? Je veux respirer le grand air du ciel ! Emporterai-je vos billets de banque dans la tombe ?"

  • Le chant du cygne

Banquier prospère, Félix est heureux en ménage. Il n’a pas fait un mariage d’amour, certes non. Les philtres wagnériens ne sont pas sa tasse de thé. Il n’a donc point perdu la tête et s’est engagé de sang froid. Les parents de la future, commerçants aisés, lui ont fait bonne impression. La fille était jolie, mieux que jolie, bien élevée : piano, aquarelle, au-dessus de la moyenne en arithmétique, de bons principes. Il l’a prise pour femme et peut s’applaudir de son choix. Quatre ans et demi de vie conjugale sans nuage ! Elisabeth, passant ses espérances, est la perle des épouses. Douce, fidèle, économe, auxiliaire dévouée, judicieuse conseillère, elle donne entière satisfaction. Heureux homme, décidément - jusqu’à ce soir, minuit.

Peu de temps après les noces, Elisabeth, épouvantée, s’est sentie prise au piège. Dès lors, elle a caché son jeu. Son rôle d’épouse, elle l’a parfaitement tenu ; mais ce n’était qu’un rôle. La douceur masquait l’indifférence et le dégoût. Si elle s’est pliée aux banalités de la vie bourgeoise et si, gestionnaire habile, triplant la fortune de son mari, elle s’est salie dans ces opérations boursières qui enrichissent en une heure, c’était afin de conquérir sa liberté. Ce soir, minuit, elle prend son envol. Elle abandonne tout, domicile, mari, enfant. Une voiture l’attend à la porte. Où va-t-elle ? Où nul ne la retrouvera. Rejoindre un amant ? Hélas, non, elle n’en a pas, elle n’en aura jamais, elle ne part que pour partir. Pour vivre, peut-être, ou pour mourir, au moins, en silence, avec un peu de ciel dans les yeux.

Devançant Ibsen, Villiers dénonce les médiocrités du couple bourgeois et l’infantilisation de la femme. La « parfaite épouse », révoltée, devient une « mauvaise mère » : son enfant, qu’elle n’ose élever selon son cœur, la regarde comme une étrangère. Elisabeth est et veut rester inadaptée à la férocité d’un temps où l’argent triomphe, où il est permis de demeurer distrait devant la misère des déshérités, où l’on joue avec la ruine des autres. Sans doute est-il déjà bien tard pour secouer le joug, pour tenter l’évasion. Mais il n’est pas trop tard, peut-être, pour faire entendre le chant du cygne. Celui d’une femme humiliée, asservie. Celui d’un être humain qu’obsèdent les interminables souffrances des spoliés éternels. Celui d’un poète maudit qui proclame l’incomparable valeur des mots, plus réels que le réel ; de la pensée, plus puissante que les modernes machines ; du mystère plus précieux que tous les trésors accumulés.

La Révolte, à huis clos, est le tableau de deux misères. Un mari et sa femme s’affrontent désespérément. S’ils tentent de se comprendre, de se répondre, ils ne font que creuser l’abîme qui les sépare. De cette joute où, d’évidence, elle s’est révélée la plus forte, Elisabeth, paradoxalement, sort vaincue : « On n’efface pas ! Je me suis vantée en voulant vivre ! » Elle rentre au foyer et reprend son rôle. « Un malheureux » a tué en elle la Femme idéale selon Villiers.

Jean-Marie Villégier et Jonathan Duverger

Cette "révolte" résonne fortement aux oreilles du public du XXIe siècle. Les spectatrices (puisque les femmes semblent bien être les porteuses de ces idéaux) vibrent au plaidoyer fragile, sidérant et universel d’Élisabeth. Sont-elles parvenues à imposer cette vision si féminine, si spirituelle du monde ? Ont-elles su trouver leur indépendance, leur "ailleurs" auquel Élisabeth aspire si vivement ? Ont-elles su faire triompher ces valeurs sur celles du positivisme et du matérialisme triomphants ? Cette dernière protestation est celle de Villiers lui-même contre la médiocrité et la bassesse d’une société de petits bourgeois sans imagination et sans âme.

Jean-Marie Villégier a souhaité se risquer cette saison à la création d’un drame intimiste après des productions d’envergure et nous livrer un chef-d’oeuvre méconnu et singulier de la littérature française.

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Athénée Théâtre Louis-Jouvet

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Spectacle terminé depuis le samedi 11 février 2006

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