Jouer, mettre en scène Tchekhov est une expérience unique. Son théâtre vient toucher en nous quelque chose de très intime, d’extraordinairement subjectif. Il nous fait mesurer comme aucun autre dramaturge l’intensité, l’étrangeté, la fragilité de nos vies, de nos amours, de nos rêves.
Dans La Mouette, tout part du théâtre. Acteurs ou spectateurs, les personnages en attendent quelque chose d’essentiel, pour eux-mêmes et pour le monde. L’amour, la vie et l’art sont inextricablement liés.
Nous sommes au bord du lac, c’est l’été. Dans la petite propriété de Sorine où se retrouvent Nina, Trigorine, Arkadina et les autres, on parle littérature, on fait du théâtre, on s’avoue des passions rarement réciproques mais toujours dévorantes. Dans ce petit paradis bourgeois, Treplev enrage. Comment prouver à sa mère, actrice consacrée, que le théâtre doit s’émanciper des formes de la tradition ?
Trigorine, écrivain à succès, n’est pas plus heureux. Sous le regard amoureux de Nina, il se sent imposteur et se sait tout petit face à ses modèles. La jeune fille quant à elle, radicalement convaincue que le théâtre c’est la vie, nous fait entrevoir cet absolu de la beauté qui fait d’elle un oiseau blessé dans son envol, d’une vitalité à fleur de peau.
Dans ce chef-d'œuvre de l’intime, Brigitte Jaques-Wajeman circule avec finesse et un sens saisissant de la distance. À la manière de l’auteur, il s’agit bien de restituer le drame de ce huis-clos sans juger les personnages, sublimes, qui s’y débattent.
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