L’Intrus

Paris 20e
du 12 au 30 novembre 2002

L’Intrus

Paru chez Galilée en 2000, L’Intrus explore, à partir d’une expérience intime – une transplantation du cœur – les thématiques de l’étrangeté, de l’étranger, de l’intrusion/extrusion : un texte aux résonances politiques sur l’Autre, en nous et à côté de nous.

Présentation
Introduction
Extrait
Un mot de l'auteur
Un mot du metteur en scène

Le « Tour de chauffe », c’est fini ! Des intervenants de disciplines diverses se sont succédés à Théâtre Ouvert : cinéastes, vidéaste, philosophes, comédiens, metteurs en scène, poètes, artistes peintres et plasticiens, journaliste. Le but de ces rencontres : réfléchir en compagnie du philosophe Jean-Luc Nancy et de ses invités, autour de différents thèmes. Les discussions ont abordé principalement les sujets de l’exclusion, l’étranger mercredi 16 octobre (projection de Paria le long métrage de Nicolas Klotz, et de Vers Nancy, court métrage de Claire Denis) ; du visible et de l’invisible, du rapport entre le théâtre et la philosophie jeudi 17 octobre ; de la peau, du toucher et du corps vendredi 18 octobre ; de la peinture samedi 19 octobre. 

Avec JL Nancy, N. Klotz, E. Perceval, B. Tackels, F. Tanguy, C. Triau, G. Tsaï, M. Grün, S. Israël-Jost, V. Lalucq, F. Nicolao, A. Samardzija, P. Beck, F. Ferrari, S Fritscher.

Ces rencontres et discussions de haut vol ont été imaginées comme un tour d’échauffement (l’entraînement du sportif avant la course !) avant L’Intrus, le spectacle mis en scène par Nicolas Klotz à Théâtre Ouvert du 12 au 30 novembre sur un essai de Jean-Luc Nancy. Une manière d’aborder, au théâtre, un thème cher au philosophe : l’étranger, l’étrangeté, à partir d’une expérience vécue, sa propre transplantation du cœur.

Nicolas Klotz crée sur le plateau un spectacle où le « je » du récit est démultiplié en 7 corps et voix. Les effets de chœur et d’harmonie alternent avec des instants plus chaotiques où chaque être humain semble isolé dans sa propre solitude. Comme une matérialisation sur le plateau de deux impressions au premier abord contradictoires, présentes simultanément dans le texte : la conscience d’appartenir à une unité et d’en être séparé. 

Sur le sol : des petites graines noires, un lustre avec de nombreuses bougies. L’atmosphère est au recueillement, à l’introspection. Les paroles, les gestes, les déplacements des acteurs-danseurs paraissent souvent lents : les spectateurs sont conviés à s’arrêter avec eux un moment, à quitter pour une heure et demie ce qui fait leur quotidien, pour partager le récit d’une expérience extra-ordinaire. La langue, limpide et poétique à la fois, avance pas à pas, pour nous faire ressentir l’indicible : l’expérience qui lie indissociablement vie et mort, l’intrusion/extrusion d’un cœur.

Thème extrêmement rare sur un plateau de théâtre, ce sujet, grâce à l’art poétique et pudique de Jean-Luc Nancy, est, d’une certaine manière, transcendé, pour aborder plus généralement l’Autre. De quoi intéresser chacun d’entre nous, en prise, chaque jour, avec la difficulté de vivre ensemble, et de reconnaître, en l’autre, à la fois l’être « différent » et « ami ».

De L’Intrus qui n’a pas été écrit à l’origine pour le plateau, le metteur en scène Nicolas Klotz et son équipe ont fait théâtre : chair, voix, mouvement portent de manière inattendue ce texte intime écrit à la première personne.

Valérie Valade

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Pièce pour cinq acteurs, deux danseurs, quatre téléviseurs et un mixeur de son. Paru chez Galilée en 2000, L’Intrus explore, à partir d’une expérience intime – une transplantation du cœur – les thématiques de l’étrangeté, de l’étranger, de l’intrusion/extrusion : un texte aux résonances politiques sur l’Autre, en nous et à côté de nous.

Qui sont ces personnes sur le plateau ? Qui est là ? Qui sont-ils ?
Laisser cela ouvert, surtout pas de réponses.
Présence concrète mais indéfinissable.
Acteurs ? Greffés ? Communauté ? Vestiges. 
Un no man’s land (comme condition indispensable pour que le texte se dise et s’entende).

Les corps ne doivent pas être en représentation (de quoi ?) ils doivent simplement être là.
Le corps n’est pas dans cet espace-là pour être regardé comme un objet. 
Il vient là pour être écouté et pour être touché.
Touché par le texte, par la lumière, les voix, le silence, les regards des autres corps sur le plateau.
Par les regards des spectateurs aussi.
Corps indomestiquables, insaisissables, corps humains, trop humains.

Sur le plateau, ici, aucune pulsion de pouvoir.
Ni pouvoir de l’acteur sur le spectateur, ni de l’acteur sur son propre corps ou sur le texte ou sur les autres acteurs. 
Le regard doit être mis en veilleuse. 
Pour percevoir, il faut avoir la patience du veilleur. Etre à l’écoute. 

Jean-Luc avec un cœur de femme.

Nicolas Klotz

Musiques enregistrées : fragments de Giacomo Scelsi, Luigi Nono, Morton Feldman, Luciano Berio, Bill Evans.

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« J’ai (qui « je » ? c’est précisément la question, la vieille question : quel est ce sujet de l’énonciation, toujours étranger au sujet de son énoncé, dont il est forcément l’intrus et pourtant forcément le moteur, l’embrayeur ou le cœur) - j’ai, donc, reçu le cœur d’un autre, il y a bientôt une dizaine d’années. On me l’a greffé. Mon propre cœur, c’est toute l’affaire du « propre », on l’a compris - ou bien ce n’est pas du tout ça, et il n’y a proprement rien à comprendre, aucun mystère, aucune question même : mais la simple évidence d’une transplantation, comme disent de préférence les médecins) - mon propre cœur, donc, était hors d’usage, pour une raison qui ne fut jamais éclaircie. Il fallait donc, pour vivre, recevoir le cœur d’un autre. (…)

Si mon propre cœur me lâchait, jusqu’où était-il le « mien », et « mon propre » organe ? Était-il même un organe ? depuis quelques années déjà je connaissais un battement, des brisures de rythme, peu de choses en vérité (des chiffres de machines, comme la « fraction d’éjection », dont le nom me plaisait) : pas un organe, pas une masse musculaire rouge sombre bardée de tuyaux, qu’il me fallait à présent soudain me figurer. Pas « mon cœur » battant sans cesse, aussi absent jusqu’ici que la plante de mes pieds sans la marche.

Il me devenait étranger, il faisait intrusion par défection : presque par réjection, sinon par déjection. J’avais le cœur au bord des lèvres, comme une nourriture impropre. Quelque chose d’un haut-le-cœur, mais en douceur. Un doux glissement me séparait de moi-même. J’étais là, c’était l’été, il fallait attendre, quelque chose se détachait de moi, ou cette chose surgissait en moi, là où il n’y avait rien : rien que « propre » immersion en moi d’un « moi-même » qui jamais ne s’était identifié comme ce corps, encore moins comme ce cœur, et qui se regardait soudain. (…)

Jean-Luc Nancy
l’Intrus, ed. Galilée

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Lorsque Jean-Luc Nancy commençait l’écriture d’un texte sur « la venue de l’étranger » pour la revue Dédale, il dit avoir été rapidement à sec. Écrire encore sur l’étranger, sur l’étrangeté de l’étranger, thèmes qu’il avait déjà souvent abordé dans son œuvre ; où aller cette fois ?

Autre chose a alors fait intrusion.

Un court et fulgurant récit.

Celui de la greffe cardiaque qu’il avait subi une dizaine d’années plus tôt.

Faisant alors lui-même intrusion dans ce texte qu’il écrivait sur l’autre, « la venue de l’étranger » est devenue « l’Intrus ».

Chez Jean-Luc Nancy, le « je » est toujours singulier pluriel. Il est même singulièrement pluriel.

Ce cœur (vivant) qu’il avait reçu quelques années plus tôt, était le cœur d’une femme noire (décédée) qui avait vingt ans de moins que lui. (…)

Le monde a changé. 

Les outils (le langage, la pensée, la politique, l’économie, l’art…) avec lesquels nous tentons, nous tentions, de nous définir, de nous re-définir, ont aussi changé et sont sans cesse dépassés par leurs propres mutations.

Comment penser cette mutation sur un plateau de théâtre ?

Le plateau qui borde la lecture du texte.

Écrit en 1999 et publié en avril 2000, l’Intrus peut se lire à la fois comme un des derniers textes du siècle finissant, et l’un des premiers du siècle naissant. 

Il se tient debout sur un seuil, sur une disparition/apparition qui a vue l’effondrement de nos certitudes collectives. Il interroge la communauté des corps sur notre existence dans ce monde, et permet de nous poser une question : comment penser autrement le « texte pour le théâtre » ? comment penser autrement la « représentation du texte au théâtre » ? comment inscrire physiquement ce « nous » dans un espace de représentation ? 

« Nous », c’est-à-dire nous tous. 

Nous autres.

Nicolas Klotz

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Ce livre, l’Intrus, est né d’une demande d’un article pour un numéro de Dédale, intitulé La venue de l’étranger. La seule idée que j’avais alors sur l’étranger, c’était de dire qu’un étranger, c’est aussi un intrus. Il y a même de l’étrangeté dans l’étranger. Je voulais donc construire un texte autour du mot intrus. Au bout de deux pages, j’ai soudain découvert que le mieux consistait à parler de l’intrus qui était en moi. Comme je dis à la fin de l’ouvrage, l’intrus m’expose excessivement. Il m’extrude, il m’exporte, il m’exproprie. Je suis la maladie et la médecine, je suis la cellule cancéreuse et l’organe greffé, je suis les agents immuno-dépresseurs et leurs palliatifs, je suis les bouts de fil de fer qui tiennent mon sternum et je suis ce site d’injection cousu en permanence sous ma clavicule. Nous sommes, avec tous mes semblables de plus en plus nombreux, les commencements d’une mutation, en effet l’homme recommence à passer infiniment l’homme. Il devient ce qu’il est : le plus terrifiant et le plus trouble technicien, comme Sophocle l’a désigné depuis vingt-cinq siècle, celui qui dénature et refait la nature, qui récrée la création, qui la ressort de rien et qui, peut-être, la reconduit à rien. Celui qui est capable de l’origine et de la fin.

Propos recueillis par Damien Sausset - in Amazon.fr

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Spectacle terminé depuis le samedi 30 novembre 2002

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