Grand et petit

Lotte, environ 35 ans, seule : voici les premiers mots de la pièce.

Lotte c’est une petite bonne femme qui s’accroche à vous et vous marque pour la vie par son humanité, sa dignité et son envie irrépressible de vivre. Elle s’en remet au hasard des rencontres inattendues d’un soir ou d’une journée pour soulager un peu sa solitude. (Pour le moment elle dessine, mais plus tard, quand elle sera grande, elle compte bien apprendre les langues étrangères.)

Elle cherche désespérément, pendant toute la pièce, son mari Paul : Paul c’est d’ailleurs sûrement une métaphore de l’Autre, celui qu’on cherche tous. Elle lui écrit : « Les souvenirs de nos premières années à Saarbrücken seront toujours pour moi les plus beaux de ma vie. Je fais parfois notre numéro de la rue du 13 Janvier et je laisse sonner dans le vide longtemps. Mon cher Paul, je te chercherai toujours (c’est seulement une image, n’aie pas peur !) Dieu est tout simple. Dieu ne se déguise pas et ne trompe personne. Ta lotte. »

Lotte c’est ici Anouk Grinberg, avec ce visage et cette voix qui s’agrippent à vos souvenirs et à votre mémoire pour longtemps, comme cette pièce Grand et Petit qui marque l’accession de Botho Strauss au tout premier rang des auteurs de théâtre de sa génération.

Philippe Calvario

La pièce décrit l’errance - à travers l’Allemagne d’avant la réunification - d’une jeune femme qu’on dirait simplement banale si elle n’était pas en même temps aussi « déplacée » dans un univers terrifiant, uniquement peuplé de gens en déroute. Elle se cogne aux autres, elle se blesse et s’épuise et va ainsi de bonds en chutes entre grand et petit, toujours plus seule mais poussée de l’avant par une désespérante bonne volonté.

Le texte de la pièce est publié aux Editions Gallimard.