Derviche mon amour

Cette création mêlant danse, musique et poésie se veut être la célébration d’un amour d’essence divine entre Rûmi, poète mystique du XIIIème siècle et son Bien-aimé et maître spirituel Shams, le derviche errant.
Cette création mêlant danse, musique et poésie se veut être la célébration d’un amour d’essence divine entre Rûmi, poète mystique du XIIIème siècle et son Bien-aimé et maître spirituel Shams, le derviche errant. De Kawtar Kel, avec Salem Sobihi et Thomas Laubacher.
  • La célébration d'un amour

« Ô jour lève-toi. Les atomes dansent. Les âmes éperdues d’extase dansent. La voûte céleste, à cause de cet Être, danse », s’écriait Rûmi, poète mystique du XIIIème siècle, à la perte de son Bien-aimé et maître spirituel Shams, le derviche errant.

Les deux hommes ne formaient qu’UN – l’Union Suprême. Que reste-t-il après le deuil de Soi ? Cette création mêlant danse, musique et poésie se veut être la célébration d’un amour en apparence terrestre, qui fut en réalité un amour d’essence divine. La musique évoque celle des sphères célestes. La danse sacrée des derviches recrée sur la terre la ronde vertigineuse des planètes.

  • Note d'intention

Il y a plus de dix ans maintenant, j’ai quitté ma famille (parents, frères, soeurs), ma région (la Franche Comté) pour poursuivre mes études à Paris. Les premiers temps furent un peu difficiles. L’intégration, les études et les relations : tout était à (re)construire, transformer. Il m’arrivait alors de penser à ce que me disait mon père lorsque je vivais sous son toit et que je le questionnais sur l'islam. Je suis, en effet, issue d’une famille de confession musulmane. Mes frères, mes soeurs et moi-même sommes nés en France. Avec un père pratiquant, mais discret dans sa pratique et une mère élevée dans la tradition musulmane, mais non pratiquante. Il me répondait alors : « Si tu veux apprendre de ta religion, des relations, de ce qui est bon et juste pour toi, tu dois le chercher par toi-même. Ce que tu cherches, te cherche ». Je dois dire que ses réponses avaient tendance à être source de frustration et d’incompréhension pour moi. Je ne comprenais pas pourquoi il ne nous en parlait pas, à nous ses enfants. Je ne lui en ai, pour autant, jamais voulu. Il me donnait l’essentiel : l’Amour d’un père. Et ce n’est pas rien...

Un jour où je me rendais à l’Institut du Monde Arabe, pour me documenter sur le monde musulman, je suis tombée sur la citation suivante : « Ce que vous cherchez vous cherche », d’un certain Djalâl Ad-Dîn Rûmi. Cette phrase m’a évidemment, tout de suite rappelé les paroles de mon père. Je me suis donc intéressée à ce Rûmi. J’ai lu plusieurs de ses oeuvres. Des oeuvres qui m’ont, elles-mêmes amenée à d’autres oeuvres, d’autres auteurs, poètes, savants, grands penseurs... d’une époque que je ne pouvais qu’imaginer. Toutes ces oeuvres, comme Le Livre du Dedans, les Odes mystiques, la Confrérie de la danse sacrée, le Mesnevi, le Livre de la parole, - pour ne citer que celles-là - ont bordé mes nuits, rythmé mes journées. Je me sentais tellement proche de cette pensée, tellement bercée par ce que nous définissons aujourd’hui comme la mystique Soufie ! J’étais heureuse de mettre des mots, des états sur ce que je ressentais profondément. De trouver une nourriture spirituelle à travers certains auteurs comme Ibn Arabi, Hallaj, Rûmi, Idries Shah... Tout ce beau monde emplissait mon Univers, d’une beauté hors du commun.

J’essayais donc naturellement d’en discuter avec mon père. Mais il restait muet, un sourire au coin de ses jolies lèvres. J’ai alors imaginé que mon père était comme ces mystiques : occupé à vivre les choses à l’intérieur, plutôt que de les expliquer. J’ai donc continué, sur un des chemins de mon initiation. Je me sentais riche, pleine de choses vaporeuses, sans doute pas assez tangibles... Mais j'étais bien vivante. Et puis est arrivé un de ces jours, qui bouleverse votre monde, toute votre existence. Mon père a quitté ce monde le 12 mai 2013, à l’âge de 65 ans. Ce fut l’expérience la plus terrifiante, la plus douloureuse que l’existence m’ait donnée à vivre. Je me sentais mourir avant la mort.

Après plusieurs mois d’errance, une voix profonde me murmura de partager tout ce qui avait articulé ces dix dernières années. Partager, mais pas n’importe comment : sur scène. De la Danse, de la Poésie, de l’Amour ! Je ne comprenais pas très bien l’écho de cette voix enfouie dans mes profondeurs. Je lisais, à cette époque Soufi, mon Amour d’Elif Shafak. Et tout prit alors sens lorsque je découvris la relation extraordinaire qui unissait Shams et Rûmi, les deux grands mystiques, protagonistes de ce merveilleux roman !

J’ai alors commencé à écrire, à créer sans trop me poser de questions. C’était une nécessité, comme des pulsions jaillissant d’un puits sans rebord ni fond. Très rapidement, des images, des odeurs, des formes, des mouvements sont venus rythmer, nuancer ces pulsions. Il me parut alors évident qu’il fallait que ces ébauches aient un autre destin que celui de rester figées dans ma tête. Il fallait que je partage ! J’ai donc commencé à en discuter avec des amis, des artistes, des connaissances, ou des étrangers. J’avais besoin d’entendre mon propre écho à travers eux. Je me « re sociabilisais », tout doucement.

Lorsque nous avons monté la création avec l’équipe artistique, cette même voix savait pour moi, quelle direction prendre... à chaque instant.

Le jour où nous avons joué pour la première fois ce spectacle, que j’ai intitulé Derviche mon amour, j’étais émue de voir le fruit de ce qui n’était, peu de temps auparavant, qu’un mélange de connaissances et de rêves éveillés. Mais ce qui m’a le plus touchée fut de me rendre compte que cette création parlait de l’Amour inconditionnel qu’un Bien-Aimé porte à son compagnon de route. Comme l’Amour inconditionné que le Divin porte à sa Création ; ou encore l’Amour inconditionnel et inconditionné qu’un père porte à son enfant.

La voix qui m’a accompagnée était celle de mon père. Je ne l’ai jamais senti aussi présent que pendant l’accouchement de cette création. Une version de mon identité est, certes, morte en même temps que mon Bien-aimé. Mais elle a laissé place à une étrangeté, que je ne saurais mettre en mot, aujourd’hui. Cet homme ne m’a pas dicté la version de l’existence que je devais faire mienne, et à laquelle je devais me conformer. Sans un mot, il a fait beaucoup plus : Il m’a ouvert le champ des possibles !

Je ne saurais achever la genèse de cette création sans évoquer les événements tragiques que nous subissons de près ou de loin, depuis quelques temps déjà... Bien que les grands totalitarismes universels commencent par une grande générosité, gardons peut-être à l’esprit que la Vérité n’appartient pas à ce monde. Et que les vérités sont vécues, envisagées, comprises et nourries différemment. Et que la solution d’aujourd’hui sera peut-être le problème de demain. Alors aimons. Aimons comme nous pouvons. Aimons comme des enfants vulnérables face à l'Amour qui se suffit à lui-même, mais n’oublions pas d’aimer ! Telle est ma Religion. Je dédie naturellement cette oeuvre à toi, mon Sheikh Père.

Kawtar Kel – Créatrice - chorégraphe

Sélection d’avis du public

Amour infini Par Marieme M. - 10 avril 2021 à 16h05

Votre texte sur la relation entre vous et votre père est simplement magnifique. Votre découverte de la spiritualite soufie et les réalisations que vous avez faites m'ont profondément touché. Votre cheminement est tout simplement merveilleux. Merci pour ce précieux partage.

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Amour infini Par Marieme M. (1 avis) - 10 avril 2021 à 16h05

Votre texte sur la relation entre vous et votre père est simplement magnifique. Votre découverte de la spiritualite soufie et les réalisations que vous avez faites m'ont profondément touché. Votre cheminement est tout simplement merveilleux. Merci pour ce précieux partage.

Informations pratiques

Vingtième Théâtre

7, rue des Plâtrières 75020 Paris

Accès handicapé (sous conditions) Bar Ménilmontant
  • Bus : Henri Chevreau à 66 m, Julien Lacroix à 190 m, Pyrénées - Ménilmontant à 392 m
Calcul d'itinéraires avec Apple Plan et Google Maps

Plan d’accès

Vingtième Théâtre
7, rue des Plâtrières 75020 Paris
Spectacle terminé depuis le mercredi 23 mars 2016

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