A court de forme - 3ème édition

Paris 18e
du 15 avril au 10 mai 2008

A court de forme - 3ème édition

Pour cette 3ème édition, A court de forme rebondit sur la synergie engagée lors des deux premières éditions et nous propose chaque soir, 5 univers, 5 histoires qui s’entrechoquent et se répondent. Un spectacle proposant 11 formes courtes alternées sur 4 semaines et agrémenté certains soirs de prises de paroles, de lectures, d'un spectacle de danse et de concerts.

A court de forme est un spectacle composé de 5 formes courtes. On découvre donc chaque soir 5 univers, 5 histoires qui s’entrechoquent, se répondent. A court de forme est une manifestation, qui alterne les formes courtes, propose des évènements avant la représentation et organise des ateliers gratuits et ouverts à tous.

Chaque spectacle est différent chaque semaine. Les évenements à 19 heures ont lieu seulement certains soirs.

  • Présentation

A court de forme propose chaque soir un seul et unique spectacle, même s’il est composé de plusieurs formes courtes ; spectacle se revendiquant patchwork. Une démarche artistique commune donne à voir aux spectateurs une représentation aux multiples facettes qui trouve sa cohésion dans la différence. A court de forme possède donc un caractère « ludique » pour le spectateur, qui passe d’un univers à l’autre, tissant les liens de son côté. Cette structure – mais seulement la structure – pourrait s’apparenter à celle du cabaret, dans lequel l’addition des numéros raconte bien autre chose qu’une histoire.

A court de forme
est un regroupement ponctuel mais régulier d’artistes qui pensent avoir une démarche artistique commune. Ces artistes travaillent de manière libre et indépendante, à la création d’une forme courte. Aucune règle ne leur est imposée par le collectif, en dehors du temps de plateau. Ils se réunissent pour un moment de vie théâtrale. Leurs univers, leurs routes se croisent le temps d’une création.

A court de forme
est né de la difficulté de production des spectacles, du désir de travailler – ou continuer à travailler ensemble et du besoin de rester indépendant dans le processus de création.

A court de forme
génère donc une double synergie. Techniquement, les moyens sont mis en commun, les réseaux se croisent, la production est facilitée. Artistiquement, la confrontation des univers permet un renouveau et une autre exigence dans le travail.

A court de forme
intéresse aussi les professionnels du spectacle, qui découvrent le travail de plusieurs metteurs en scène dans la même soirée.

A court de forme
est un état des lieux explosif de notre travail.

Pour sa troisième édition A court de forme rebondit sur la synergie engagée lors des deux premières éditions.

  • Formes courtes - Programme

A l'occasion de cette 3ème édition, 11 formes courtes en alternance seront présentées (formes de 10 ou 20 minutes maximum). Chaque soir, chaque spectacle composé de 5 formes courtes sera présenté à 20h30. Ces formes seront confiées à des metteurs en scène bien entendu, mais aussi à des interprètes.

En plus de ces spectacles à 20h30, des événements (prises de paroles, lectures, concerts et autres) seront présentés à 19h certains soirs.

Du 15 avril au 10 mai 2008 à 20h30 :
Le bruyant cortège création de Julien Kosellek.
Notre père
texte et mise en scène Cédric Orain.
Les cent vingt journées de sodome
de Sade, mise en scène Eram Sobhani.
NB : Chacun de ces 3 spectacles sera représenté pendant les 4 semaines du Festival à 20h30 avec, en plus, 2 autres spectacles différents chaque semaine (voir ci-dessous).

Du 15 avril au 19 avril 2008 à 20h30.
Hurlement propre
mise en scène Sophie Mourousi.
Brèves scènes de crime, mise en scène Jean Macqueron.

Du 22 avril au 26 avril 2008 à 20h30 :
La sinistre répétition de la dernière scène création de Florent Dorin.
Phèdre, pauvre folle mise en scène Sylvie Reteuna.

Du 29 avril au 3 mai 2008 à 20h30 :
Le coupeur d’eau
in La vie matérielle de Duras, mise en scène Michèle Harfaut.
Body body what's left ? création de Sébastien Siroux.

Du 6 mai au 10 mai 2008 à 20h30 :
La Voix de Samuel Beckett mise en scène Stéphane Auvray-Nauroy.
Point bleu création de Olav Benestvedt.

  • Les événements de 19h - Programme

De plus, se multiplieront les actions autour de la représentation, les événements de 19h :

Prises de parole
22 Avril à 19h : Michel Archimbaud et Denis Lavant
9 Mai à 19h : Jean Michel Rabeux et Claude Degliame

Lectures
25 Avril 19h : Carnaval Eram Sobhani
2 Mai 19h : Claude Degliame lit Le Chant d’amour le plus violent que je connaisse de Stéphane Auvray-Nauroy (éditions Séguier Archimbaud)

Danse
18 avril à 19h : Eva Klimackova présente sa chorégraphie Alzbeta

Concerts
19 Avril à 19h : Ava Hervier
26 Avril à 19h : Les Snacks
3 mai 19h : Corinne Cicolari chante Janis et Jim
10 mai 19h : Zaza Fournier et son mini band

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Détail des spectacles :

  • Le bruyant cortège

Du 15 avril au 10 mai
du mardi au samedi à 20h30.

Création de Julien Kosellek avec Laure Espinat, Camille Fournier, Nicolas Fustier, Aurélia Lanier, Sophie Mourousi, Sébastien Siroux.
Compagnie estrarre.

Que faire de soi quand la colère nous emporte ? Quelques personnes réunies par hasard tentent d’invoquer Dionysos à travers ce qu’ils imaginent être une bacchanale. Mais dans ce monde, ils n’ont pas le droit de sacrifier de jeune vierge. Ils s’offrent donc à la scène, devenant ainsi acteurs d’une bacchanale dégénérée et maladroite.

Il me parait improbable qu’une société, quelle qu’elle soit, puisse exister. Il me parait incompréhensible qu’un groupe humain réussisse à se tenir assez, à retenir ce qui devrait faire tomber toute tentative de vie commune ; la rage, les désirs, toutes les forces primaires qui font oublier la vie à 2, à 3, ou à plus. Sachant un peu ce qui me traverse au quotidien, les pulsions qui me saisissent, ça m’étonne vraiment.

Rares sont les moments où nous arrivons à crier, d’une manière ou d’une autre, dans un monde où boire, fumer, se droguer, baiser, être gros, désirer, sont devenu des pêchers à éradiquer.

Que faire de soi quand 2000 ans de monothéisme annulent les mouvements et les possibilités des corps, condamnent le simple fait de penser, de rêver à certaines choses ? Que faire de soi quand le libéralisme nous entraîne vers l’obscurantisme productif, se réservant le mot liberté d’une façon si arrogante qu’il nous vient parfois le doute que, peut être, oui, en fait, nous sommes libres ?

J’en reviens toujours à ce texte de Müller. "La tradition de l’Art est la tradition de l’ivresse et toutes les tentatives des sociétés pour réprimer l’ivresse aboutissent seulement à ce que les énergies fusent d’une bouche d’égout non surveillée de façon beaucoup plus monstrueuse. Si les flux d’énergie qui circulent entre les individus sont contrôlés et opprimés, la décharge se fait un jour ou l’autre dans un terrible mouvement de masse. De là naissent les catastrophes. Qui empêche la rencontre de partenaires individuels travaille à l’apocalypse." (février 1988)

Alors, comme je rêve très naïvement à Dionysos et à l’ivresse dans l’art, et que je ne sais comment faire, le bruyant cortège est imaginé comme une tentative concrète et actuelle d’invoquer le dieu du chaos, de l’ivresse et du théâtre. Un groupe de personnes qui se débattent entre ce qu’ils ressentent, ce qu’on leur a appris, ce qu’ils vivent.

Cette forme courte ne prétend pas être un miroir du monde, ou une réponse à un monde que l’on jugerait mauvais, mais plutôt un prolongement de nos incapacités.

Je sais seulement qu’une terreur en moi m’emporte vers le hurlement, et que c’est sur le plateau que ça tombe.

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  • Notre père

Du 15 avril au 10 mai
du mardi au samedi à 20h30

Texte et mise en scène Cédric Orain avec Marc Mérigot et Céline Milliat-Baumgartner
Compagnie La Traversée.

Une jeune fille dévoile la douleur qui l’habite depuis la mort de son père. La douleur du manque, d’un vide irréversible, d’un abandon intenable, va faire naître en elle des désirs effroyables. Des désirs qui la hantent dans ses rêves, des désirs qui fabriquent l’ombre de son père. Des désirs et des rêves qui la perdront au plus profond de l’abîme de ses nuits.

Une jeune fille dévoile la douleur qui l’habite depuis la mort de son père. La douleur du manque, d’un vide irréversible, d’un abandon intenable, va faire naître en elle des désirs effroyables. Des désirs qui la hantent dans ses rêves, des désirs qui fabriquent l’ombre de son père. Des désirs et des rêves qui la perdront au plus profond de l’abîme de ses nuits.

J’ai écrit ce texte pour la scène, pour faire entendre sur le plateau des désirs qui sont tus, partout, avec une étrange évidence, une déconcertante facilité. J’ai voulu mettre ce texte en lumière parce que ces désirs effroyables dont il parle me semblent trop généralement occultés. Je ne parle pas de désirs incestueux, je parle de désirs qui nous viennent quand nous avons les deux genoux à terre. Qui n’a jamais eu un désir de mourir ? Qui n’a jamais rêvé sa mort ?

Mettre en scène la torture de l’ombre, du spectre du père, sur la jeune fille, c’est représenter un rapport victime / bourreau en même temps que son contraire : le chant des sirènes attire délicieusement le voyageur vers sa perte, ici c’est le voyageur qui chante, et c’est l’écho de son chant dans la nuit qui l’attire vers sa mort.

Je veux faire la nuit sur le plateau, faire sur la scène le cauchemar de cette fille, faire surgir du noir une ombre. C’est un espace de silence et de chants oppressants, répétitifs, comme quand on entend des gouttes d’eau tomber dans un seau vide, à intervalle régulier, mais sans interruption. Je veux dévoiler des corps dont la rencontre est interdite, pour que leur chute soit plus vertigineuse encore à l’intérieur de nous-même.

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  • Les cent vingt journées de Sodome

Du 15 avril au 10 mai
du mardi au samedi à 20h30

De Sade. Mise en scène Eram Sobhani avec Olav Benestvedt et Michèle Harfaut
Compagnie Bouche Ouverte

"Beaucoup de tous les écarts qui seront peints te déplairont, mais quelques-uns t’échaufferont au point de te coûter du foutre, et voilà tout ce qu’il nous faut." Sade

En évoquant tant de scènes pornographiques, tant d’actes criminels, tant de meurtres sordides, Sade ne cherche pas à nous choquer ou à nous dégoûter. Il souhaite nous amener à la jouissance pour nous lier intimement, profondément aux crimes qu’il décrit.

Les cent vingt journées de Sodome s’organisent ainsi : les historiennes relatent six cent passions, de la plus innocente à la plus criminelle. Les quatre libertins viennent les écouter chaque soir et s’adonnent à ces passions dans de vastes orgies.

Sade nous invite donc à un double récit : d’une part les six cent passions des historiennes et d’autre part les orgies des libertins.
Pourquoi nous convie-t-il à cette étrange narration ? "Beaucoup de tous les écarts qui seront peints te déplairont, mais quelques-uns t’échaufferont au point de te coûter du foutre, et voilà tout ce qu’il nous faut." Sade.

En évoquant tant de scènes pornographiques, tant d’actes criminels, tant de meurtres sordides, il ne cherche pas à nous choquer ou à nous dégoûter. Il souhaite bien au contraire nous amener à la jouissance, pour nous lier profondément aux crimes qu’il décrit.

En abordant ce texte sur une scène, nous ne souhaitons pas le jouer ou le représenter, mais simplement le faire entendre au spectateur. Lui décrire avec précision chacune des passions et chacune des orgies, comme les historiennes le font elles-mêmes pour les quatre libertins.

Nous souhaitons l’amener doucement à la jouissance et ce projet pourrait s’apparenter au cinéma pornographique. Le but qu’on se propose est cependant bien différent : nous ne cherchons pas à confirmer le spectateur dans des désirs et des fantasmes qu’il se connaît déjà.

Nous voulons le faire jouir mais par des scènes qui doivent à priori le révulser – fantasmes monstrueux, actes insoutenables, crimes inacceptables.

L’amener à la jouissance, non pas comme une fin en soi, mais pour lui faire lentement dépasser les frontières habituelles de son désir, de son imaginaire et de ses interdits.

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  • Hurlement propre

Du 15 avril au 19 avril
du mardi au samedi à 20h30

Mise en scène Sophie Mourousi avec Candy Chevalier, Camille Dappoigny, Nicolas Grandi, Bouzid Laiourate, Mathilde Lecarpentier, Ophélie Legris, Natacha Milosevic, David Palatino

Dans une société où « tout est en même temps et pour tout le monde » le plateau peut permettre le jaillissement des singularités. Huit acteurs sur le plateau attendent une future représentation. Le but leur est commun mais l’attente d’un événement, ici le spectacle, se fait l’espace où les individualités s’expriment, s’entrecroisent, se rencontrent.

Comment l’individualité et donc la solitude de chacun n’a pas de place. Peut être par sécurité et par manque de temps, justement ? Peut être est ce dans l’acceptation, la conscience que nous sommes chacun véritablement seul (face à la mort) que peut naître une certaine forme de liberté et une capacité à la rencontre ?

Huit personnes sur le plateau, en attente, en préparation d’une future représentation. Ils ont tous le même projet, le même but, mais l’attente de celui-ci s’exécute, s’en ressent de façon singulière pour chacun.

Comment partir d’actions, de mouvements intime aux comédiens, pour finalement se retrouver et créer un mouvement commun. Il s’agira de créer une sorte de tableau où chacun des personnages y figurant entreprendraient une action singulière. Le « but » étant de voir comment ces huit acteurs, seuls dans leur agissement, forment finalement un tableau commun.

La trame « l’attente de la représentation » n’a pas pour objectif de traiter de la vie des comédiens. Elle a pour but de créer une chose informelle, évidemment extrêmement précise et quasi chorégraphiée.

Partir de l’acteur pour parler à tous. Ouvrir la situation concrète de l’attente de la représentation, à l’attente de l’amour ? De la mort ? Partir de ce moment de solitude extrême, de déséquilibre et de cette absence totale de repères dans les quelques secondes qui précèdent l’entrée sur scène d’un acteur pour trouver la singularité de l’attente chez chacun.

Pour cela, le travail sur le temps sera la base de tout. Il ne s’agit pas de 10 minutes de « trop plein » où les acteurs seraient amenés à se perdre. Il s’agit que chacun des huit comédiens se fassent entendre individuellement et ensemble. Travailler le temps comme matière, comme une chose palpable, manipulable.

Comment 10 minutes peuvent traiter d’une vie entière, de l’éternité. Et tout à la fois comment 10 minutes peuvent sembler durer une fraction de secondes. Travailler sur le mouvement, la durée du mouvement, l’étirement du mouvement, le mouvement dispersé, l’interactivité pour créer un ensemble à partir d’individualités.

L’idée est donc que chaque acteur se fasse entendre individuellement du reste. Que chaque acte théâtral existe comme un spectacle en soi. Et tout à la fois que chacun voit sa dimension altérée, transformée par ce qui l’entoure. Que chacun, en bâtissant son propre spectacle, construise finalement avec les autres un spectacle commun.

Alors, à la fin de ces 10 minutes, dans les dernières secondes, les huit acteurs jusque là « indépendants » sur le plateau seraient confrontés à la même réalité : l’arrêt du temps, traduit par une pause. Les différents mouvements créés par les acteurs s’accorderaient donc enfin ; ce, en se figeant (une musique pourrait alors survenir). Le tableau serait alors dessiné.

Il y aura dans cette forme courte très peu de textes, seulement des bribes, quelques musiques, d’auteurs ou interprétées par les comédiens, des mouvements chorégraphiés et sûrement quelques phrases inventées et choisies par les acteurs et moi.

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  • Brèves scènes de crime

Du 15 au 19 avril
du mardi au samedi à 20h30

Mise en scène Jean Macqueron avec Stéphane Auvray-Nauroy, Julien Kosellek, Vincent Brunol

Une forme courte éclatée. Il s’agit de récits tirés d’œuvres d’auteurs comme Chandler, James Ellroy ou (et) Christian Siméon. Ils rendent compte du moment de la découverte ou de l’accomplissement « du crime », cet instant où la mort tient (et d’une manière définitive…) le premier rôle.

Dans Scènes de crime il y a « scène » et l’on sait qu’il n’y a pas de personnage ni de sujet plus riche dans le théâtre que celui de la mort ; et cette cabotine aime se glisser sur le plateau.

L’envie ici est de faire entendre la poésie noire, parfois violente, parfois détachée et souvent mélancolique de cette série de récits noirs. De montrer l’élégance, l’ironie ou la violence dont fait preuve l’homme dans cette circonstance et qui font de lui un être à part.

Ils sont donnés sous forme de monologues qui, derrière des descriptions parfois froides et cliniques, laissent percer le désarroi du témoin qui avec humour tente d’exorciser son propre destin.

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  • La sinistre répétition de la dernière scène

Du 22 au 26 avril
du mardi au samedi à 20h30

Création de Florent Dorin avec Guillaume Compiano, Marie Charlotte Dussard

Pendant la création d'une comédie baroque, un metteur en scène cherche à obtenir la confiance de son équipe. Cela pour pouvoir travailler avec le plus de justesse, de précision et d’engagement la scène finale, au cours de laquelle a lieu l'assassinat.

« La fin du théâtre est une délivrance : les acteurs savent que toute la pièce tend vers le salut. / L’acteur est un mort qui apparaît portant tout son corps devant lui. » V. Novarina

Il s’agit - sous couvert d’une vertigineuse mise en abîme du théâtre - de parler de la relation particulière qui lie le metteur en scène et son équipe. La qualité du travail au cours de la répétition est une affaire de confiance, de plaisir, de guidage. Le point de départ du travail que je veux mettre en place à l’occasion de la troisième saison d’« A court de forme » est cette ancestrale coutume sawi : « gaver d’amitié pour le massacre ». Je pose cette question : comment cette tradition barbare répond-elle à la relation qu’établit un metteur en scène avec son acteur, et plus précisément lorsque, sur la scène, l’acteur a « à jouer qu’il meure » ?...

Je veux aussi interroger sur le sens de « l’acteur qui meure ». Ce devrait être le point le plus abyssal de la mise en abîme qui se dessinera sur le plateau au cours de la représentation. Je désire provoquer un véritable trouble chez le spectateur. Il y a quelques décennies encore, les gens venaient du monde entier pour s’évanouir ou vomir devant la scène du théâtre du Grand Guignol. Ils venaient assister à des horreurs jouées dans le plus grand naturalisme. Quel sens et quelle place peut trouver à présent ce naturalisme sur un plateau de théâtre ?...

On voit l’acteur mourir ; le temps passe dans la salle comme sur la scène, et cela se fait deux façons différentes. Le temps qui passe est vécu fondamentalement différemment. Il y a représentation du temps : le temps de la représentation ; l’acteur en est imprégné. Le spectateur voit le temps faire son chemin sur et au travers du corps de l’acteur. Au bout de cela il y a la mort. On le voit mourir ; et pourtant, s’il s’agit de jouer qu’il meure, personne n’y croira. Chacun aura conscience de l’artifice théâtral. Personne ne croira à un véritable cadavre à quelques mètres sur la scène. Mon souci sera à travers la mise en scène même, de pousser le doute jusqu’à son absolu.

A propos de la coutume sawi que j’évoquais plus tôt, c’est une chose dont j’ai entendu parler au cours d’une conversation et qui me semble tout à fait intéressant théâtralement. Voilà de quoi il s’agit : « de l’âge de pierre jusqu’en 1962, loin de toute civilisation et uniquement entourés de tribus voisines, les Sawis de la Nouvelle-Guinée hollandaise étaient des cannibales chasseurs de tête qui prenaient les crânes de leurs victimes comme oreillers. Parmi les Sawis, la traîtrise était plus qu’une manière de vivre ; c’était un art que d’innombrables générations avaient conçu, systématisé et perfectionné. Pour eux, « gaver d’amitié » une victime pour le massacre était la plus haute forme de traîtrise. Les héros des légendes sawis n’étaient pas ceux qui avaient pris le plus grand nombre de crâne au cours d’une bataille ou d’une embûche, mais ceux qui le faisait de la manière la plus perfide ».

Ce qui m’intéresse particulièrement ici, c’est le rapport à la confiance. Pour qu’il y ait trahison, il faut qu’il ait existé un rapport de confiance. J’en reviens donc à ma mise en abîme théâtrale, et à ma relation acteur/metteur en scène. Tout l’enjeu est précisément de mettre en mouvement ce rapport de confiance dans le contexte du travail d’une scène de mise à mort.

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  • Phèdre pauvre folle

Du 22 au 26 avril
du mardi au samedi à 20h30

Mise en scène Sylvie Reteuna avec Stéphane Auvray-Nauroy, Eram Sobhani

Partir de Phèdre de Racine et de quelques paroles d'Eugène Durif, pour interroger le rapport de la parole et du désir, là où l'impossible désir de Phèdre pour Hippolyte rejoint l'impossible chant de la langue.

En mai 2006, dans le cadre de la 2ème édition de A court de forme, j’ai vu Le désir singulier de Stéphane Auvray-Nauroy et Selim Clayssen. Dans ce spectacle, entre autres choses, Stéphane jouait Phèdre, une Phèdre un peu « déjantée », un peu décalée, ou plus exactement il jouait son propre désir de jouer Phèdre.

Ce texte qu’il a pourtant mis en scène il y a plusieurs années, il y revient sans cesse. Moi aussi, depuis longtemps. Assistante de Claude Degliame quand elle l’a créé et joué seule, je l’ai monté plus tard avec les comédiens de la compagnie de l’Oiseau-Mouche. C’est cela que j’ai eu envie de questionner, le désir de se « cogner » à ce texte impossible à jouer, à dire.

C’est magnifique Racine et terrible à la fois. On ne fait jamais que s’en approcher. C’est de ça qu’il est question dans le très beau texte d’Eugène Durif, Pauvre folle Phèdre, de ce rapport de la parole et du désir, comme si l’impossible désir de Phèdre pour Hippolyte rejoignait l’impossible chant de la langue :
"Il me faut arracher cette plaie, ma langue, creuser cette plaie, ma langue, dans ma bouche le sang de la blessure, dans ma bouche. L'entaille de la langue et je vois mon sang couler. Aviver cette blessure qui me fait parler. Cette plaie, ma langue dans ma bouche, le sang de la blessure dans ma bouche. L'entaille infime. Et de ma bouche s'écoule ce que ne fallait pas qu'il soit dit et je me regarde, m'écoute te parler, vous parler, parler aux cieux et à vous qui êtes ici, cette plaie ma langue, aviver cette blessure, cette plaie ma langue."

Il y avait aussi, dans Le désir singulier, ce texte de Valère Novarina : "Quoi, quoi, quoi ? Pourquoi on est acteur, hein ? On est acteur parce qu’on ne s’habitue pas à vivre dans le corps imposé, dans le sexe imposé. Chaque corps d’acteur c’est une menace, à prendre au sérieux, pour l’ordre dicté au corps, pour l’état sexué ; et si on se retrouve un jour dans le théâtre c’est parce qu’il y a quelque chose qu’on n’a pas supporté."

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  • Le coupeur d'eau

Du 29 avril au 3 mai
du mardi au samedi à 20h30

in La vie matérielle de Marguerite Duras - mise en scène Michèle Harfaut avec Françoise Roche. Scénographie Fabrice Antore, son Sébastien Mobé, lumière Julien Kosellek compagnie ATC

C’est un fait divers tragique : «c’était un jour d’été, il y a quelques années, dans un village de l’Est de la France…un employé des eaux est venu couper l’eau chez des gens qui étaient un peu à part, un peu différents des autres, disons, arriérés… » C’est un récit.

L’écrivain mène l’enquête, imagine, « essaye de voir », rétablit le silence de l’histoire… « C’est une histoire qui rend fou ». Il y a quelque chose avec ce « coupeur d’eau ». La tentation de ne pas le laisser à l’état de livre : deux courts-métrages ont été faits, ainsi qu’une mise en scène. Je n’ai rien pu voir. Une seule chose m’intéresse, que ce texte soit encore dit et entendu.

Je relisais La Vie Matérielle. Le texte du Coupeur d’eau m’a fait l’effet d’un coup de poing. La « douleur ». Le souffle coupé. L’impossibilité de passer à autre chose dans l’immédiat. Tout appétit de lecture coupé. Tout appétit coupé. Ce n’est pas tous les jours…Et quelle autre raison de s’intéresser à un texte ?

Pour le remercier d’être venu au théâtre, le spectateur a bien aussi mérité ça aussi : un bon coup de poing dans le ventre. C’est ça qu’il lui faut… J’aime les textes qui ne sont pas faits pour le théâtre, à priori, et j’aime qu’ils y résistent.

C’est travailler sur la tension entre le texte et la représentation qui m’intéresse. Il y a la dimension sociale. On y pense et on a tous quelque chose à se reprocher. Je suis le coupeur d’eau qui respecte son emploi du temps et fait son travail. Je suis aussi cette femme d’aujourd’hui et celle d’un temps ancien, dénuée de parole, à la conduite instinctive… et juste, qui décide, parce qu’on lui a coupé l’eau, d’aller se coucher sur les rails du TGV avec mari et enfants et d’attendre.

Il s’agit de trouver un moyen de donner à ce texte, par le plateau, une autre vie. Le ressassement : « c’est une histoire qui rend fou ». Il faut travailler sur les silences qui donnent au spectateur l’impression que le récit est fini, qui finiront par donner au spectateur l’impression que ça ne finira jamais, qu’on pourra encore et encore retourner l’histoire dans tous les sens, que le mystère sera obsédant, que c’est bien la moindre des choses, ressasser cette histoire.

C’est un texte où il y a du silence. C’est un texte qui fabrique du silence. J’ai l’intention de faire exister ces silences comme autant d’espaces où ce qui est dit est mis en écho. Entendu plusieurs fois. Le silence doit faire penser à l’absence. L’absence des corps. Il y a une actrice.

Une adresse directe du texte au spectateur. Une proximité avec lui. Il y a le corps de l’actrice parce que l’action d’écrire, c’est physique. Elle nous dit : « j’y ai déjà réfléchi, voilà, je vous montre comment je cherche et je partage, avec vous, mon désarroi »

Pendant les silences qui sont les espaces blancs entre les paragraphes, l’actrice investit le plateau. Le plateau : un espace mental, pas réaliste, ce qu’elle imagine des vestiges, des lieux où « ça » s’est passé, un lieu d’enquête. Un glissement possible vers une autre temporalité.

Sur scène, il peut y avoir des choses qui font penser aux enfants : une balançoire, par exemple. L’actrice peut actionner la balançoire. Le mouvement qui s’arrête progressivement, induit l’absence des corps, le vide dans lequel le récit nous laisse.

Il faudra inventer des choses à regarder pendant les silences, des choses en mouvement : je pense aussi à des sacs plastique poussés par le vent.

Je pense à des chansons qu’on chante aux enfants. Pas de paroles reconnaissables. Pas de mots identifiables. Pas une langue étrangère, non plus.

Je pense au son du TGV qui passe très près, qui vient trancher la fin d’un fragment de texte. Le silence, après. Toute volonté de ressemblance physique avec Marguerite Duras sera évitée.

C’est Duras qui parle. C’est un texte que l’actrice s’approprie. Sur scène, il y a quelqu’un d’autre, un homme qui s’occupe de la machinerie du théâtre. Il envoie les effets de son, il change les lumières. Il aide l’actrice à raconter. Ils sont complices.

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  • Body body what's left ?

Du 29 avril au 3 mai
du mardi au samedi à 20h30.

Création de Sébastien Siroux. Un acteur qui danse, et qui parle en anglais en allemand. Seul sur un plateau avec des sons électroniques, pour comme pour retracer un passé resté trop longtemps silencieux.

Parce que j'ai toujours voulu faire de la danse classique, parce que j'ai toujours fantasmé sur les tutus roses des danseuses et les collants moulants des danseurs. Parce que j'ai toujours aimé pleuré sur de la belle musique sans jamais savoir pourquoi je pleurais. Parce que je me souviens d'un visage penché sur moi, les yeux grands ouverts la voix sourde presque muette les yeux en pleurs. Parce qu'un jour en manteau noir au cimetière j'ai pleuré pour faire comme les autres. Parce que j'ai besoin d'oublier l'autre, faire comme s'il n'existait plus pour m'en souvenir. Parce qu'il est question d'absence, de silence, de moments flous, de questions restées sans réponses, de gestes oubliés, de mains qui manquent sur mon corps, d'une disparition sans dire au revoir. Je voudrais dire une déclaration pas forcément amoureuse.

Qu'est-ce qu'il se dit entre nous lorsque l'on ne se parle pas ?
Qu'est ce que je fais de ce long silence ?
Qu'est-ce que je continue d'inventer sans être regardé ?
Qu'est-ce que je fais de mon souvenir inventé ? De mes sensations puisque plus rien ne me retient ?

Aujourd'hui je suis un acteur. Alors il faudrait que je parle. Mais je veux être un acteur qui danse. Alors je vais danser. Il s'agirait d'inventer ma danse. Ne pas copier un danseur que je ne serai pas. Seul au plateau avec mes sons, dans l'obscurité, chercher les traces sur mon corps d'une présence ancienne. Retrouver les empreintes du temps passé, celui de l’enfance. Recréer mon parcours physiquement charnellement sensuellement. Evoluer sans mots, plutôt des sons ou des phrases dans une langue qui n'est pas la mienne. Tenter de dire ce qui n'a toujours pas été dit, en sachant que tu ne m'entendras plus, tu ne le verras plus. Puisque tu es absent. Le plateau serait un espace temps où tous les fantasmes sont permis, celui de se laisser regarder devant les autres.

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  • La Voix de Samuel Beckett (version courte)

Du 6 au 10 mai
du mardi au samedi à 20h30

Texte tiré de Beckett de Didier Anzieu adapté et mis en scène par Stéphane Auvray-Nauroy assisté de Céline Clergé avec Julien Kosellek
Beckett est édité au Seuil / Archimbaud
La Voix de Samuel Beckett (version longue) est éditée chez Séguier / Archimbaud

Un jeune auteur, obsédé par la nomination de l’innommable, fasciné par l’œuvre et la personnalité de Samuel Beckett, finit par se laisser contaminer par la folie de son écriture…

Après la lecture de l’œuvre de Didier Anzieu sur Beckett, le choc a été tel pour moi que je n’ai eu de cesse depuis de vouloir l’adapter en monologue pour la scène.

Ce texte dont Jean-Bertrand Pontalis a dit en substance qu’il n’était pas un « livre de fou » mais un « livre fou », est d’un tel foisonnement littéraire, psychanalytique, ludique et tragique qu’il offre à l’acteur une partition de jeu toute théâtrale.

Un jeune auteur, obsédé par la nomination de l’innommable, fasciné par l’œuvre et la personnalité de Samuel Beckett, finit par se laisser contaminer par la folie de son écriture… La force puissante et organique du rythme et des sonorités du langage, au-delà même du sens, est de nous entraîner jusqu’à la déraison afin de nous permettre de trouver comment dire ce qui ne peut pas l’être…

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  • Point bleu

Du 6 au 10 mai
du mardi au samedi à 20h30

Création de Olav Benestvedt.

Je voudrais travailler sur la voix polymorphe, une voix qui se déplace dans différents territoires. Une composition personnelle de sons, de souffles, de bouts de parole, de lignes de chant, de sifflements aigus, de ronflements graves, de cris d’oiseaux, en essayant de trouver les zones inconnues de ma propre voix. Je voudrais travailler sur l’endroit (que je ne connais pas encore) entre le chant et la parole. Je voudrais travailler sur la voix polymorphe, une voix qui se déplace dans différents territoires. Il s’agirait d’une composition de différentes formes et de différentes figures appartenant à la voix ou aux cordes vocales de l’inconscient.

Cette composition vocale serait écrite pour une personne seule (moi-même). Je serais seul sur le plateau dans une lumière sombre sans accessoire ni scénographie. Il s’agirait d’une composition personnelle de sons, de souffles, de bouts de parole, dans différentes langues, existantes ou inventées, de lignes de chant, mélodieuses ou atonales, de sifflements aigus, de ronflements graves, de cris d’oiseaux, de rythmes de phrases, soit dites, soit chantées, en essayant de trouver les zones inconnues de ma propre voix.

Il s’agirait aussi d’interroger les transitions entre ces différentes expressions vocales, pour voir comment le chant naît ou meurt dans ces différents territoires de la voix. Je chercherai à trouver où commence et où s’arrête le chant, où le chant devient impossible, où il devient nécessaire, où il devient non identifiable selon les catégories traditionnelles du chant et de la parole, où il devient non attribuable à une personne.

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Spectacle terminé depuis le samedi 10 mai 2008

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