Université d'été

du 22 février au 12 mars 2006

Université d'été

Le plateau devient l’autel d’un amphithéâtre, temple de conférences. Vieux genre, bon maintien, bardé d’assurance et de diplômes, Boris avance en Armani dans la vie et droitement sur une scène de glace. Boris le conférencier tire sur ses manches. Il s’apprête à livrer ses secrets de fabrication de la réussite individuelle, de l’épanouissement de soi en société. Le séminaire sur le devenir de l’homme tourne à la comédie humaine, à une visite guidée dans l’étendue drolatique du désastre, où au mieux, on n’est personne. Au pire, on s’est pris pour quelqu’un.

Le complexe du conférencier
Note d’intention de l'auteur
Note d'intention du metteur en scène

  • Le complexe du conférencier

Le plateau devient l’autel d’un amphithéâtre, temple de conférences. Vieux genre, bon maintien, bardé d’assurance et de diplômes, Boris avance en Armani dans la vie et droitement sur une scène de glace. Boris le conférencier tire sur ses manches. Il s’apprête à livrer ses secrets de fabrication de la réussite individuelle, de l’épanouissement de soi en société.

Agnès (Laurence Blasco), secrétaire fidèle, tente de parfaire son chignon et de nourrir ses dernières illusions. Pétrie d’un désir et d’une admiration fragiles, elle observe l’homme, envie son aplomb qu’elle va bientôt voir se fissurer. D’un grand carton, un Appariteur étriqué (Jean-Paul Bonnaire) sort un panneau qu’il présente à l’envers. On lit : « Profitez ». La conférence commence.

Fauteuils de cuir noir, luminaires épurés et vidéo-projecteurs appuient une atmosphère austère, où tout est dit de la « scraphonectomie » ou du « mégapode », espèce de rampant rare doté d’un million de pattes, qu’il est déconseillé d’approcher en arborant « quelque objet de couleur turquoise ». La conférence vire à la leçon de morale, au diktat d’une pensée unique puis à l’exercice de relaxation, à une pure aberration. Elle se fêle, parsemée d’électrochocs surréalistes.

Comédien de cinéma pour Claire Denis, Paul Vecchiali ou Jacques Nolot (La Chatte à deux têtes), Lionel Goldstein compose cette performance théâtrale à mutation rocambolesque. Interprète lui-même de Boris, il rappelle à l’ordre les fantômes du Tati de Playtime et du Sellers de The Party. Décorateur pour le cinéma, des Rivières pourpres à L’Adversaire, de Iznogoud à J’ai pas sommeil, le metteur en scène Thierry Flamand orchestre un « univers tragi-comique, où l’absurde le dispute au pathétique ».

Le séminaire sur le devenir de l’homme tourne à la comédie humaine, à une visite guidée dans l’étendue drolatique du désastre, où au mieux, on n’est personne. Au pire, on s’est pris pour quelqu’un.

Pierre Notte

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  • Note d’intention de l'auteur

D'entrée de jeu, le professeur Boris et son assistante Agnès s'adressent directement aux spectateurs, comme s'il s'agissait d'un public trié sur le volet, venu assister à une conférence d'un type très particulier.

Ils ont tout soigneusement réglé : leurs looks respectifs, le partage des prises de paroles, le choix des illustrations visuelles, la musique d'ambiance. Cela se veut un show à l'américaine, comme ceux dans lesquels des prédicateurs convaincus et convaincants amènent une foule enthousiaste à partager leur foi.

Qui sont Boris et Agnès ? Tous deux ont fait des études supérieures, s'intéressant à tous les domaines : philosophie, sciences, religions…, sans approfondir réellement aucun d'entre eux. Surtout, ils croient en la possibilité d'un monde meilleur et espèrent le retour de l'humanité à "l'âge d'or".

A l'instar de certains intellectuels gagnés par la foi, leur démarche n'a rien de scientifique : au lieu de bâtir une théorie à partir de faits expérimentaux, ils cherchent à faire coïncider leurs quelques connaissances afin d'apporter la preuve de leur croyance. Preuve par l'absurde s'il en est.

Si certaines références aux mathématiques et à la physique sont authentiques – mais détournées de leur sens – d'autres sont purement fantaisistes. Ainsi, "F=mγ" est une formule bien connue des physiciens ; par contre, la pensée n'est pas une force qu'on peut mettre en équation (en tout cas pas encore…).

C'est pourquoi ce spectacle n'est pas réservé à des spécialistes : l'absurdité des pseudo-démonstrations de Boris, les remarques d'Agnès et le délire verbal qui s'installe progressivement entre eux devraient amuser tout public.

Le spectateur, donc, ne sera pas dupe d'être au théâtre, mais le réalisme du décor, le sérieux des discours où se mêlent vérités et mensonges, la séance de décontraction à laquelle il est invité à participer… tout cela contribuera peut-être à faire naître un doute : l'auteur parle-t-il sérieusement ?

L'inconscient nous fait faire des rêves apparemment absurdes ; pourtant, l'analyse de ces rêves permet parfois de dévoiler une part de vérité sur nous-mêmes… Université d'été m'est venue comme un rêve, je me suis amusé à mettre en scène des personnages aux prises avec des situations délirantes… Une façon détournée d'exprimer une intuition que je ne serais pas capable de décrire sérieusement : car je crois réellement que les hommes ont tout pour être heureux. Si tout va tellement mal, si tout est tellement difficile, c'est que nous avons une perception erronée de la réalité. Le poids de l'éducation, le poids de la morale, des traditions, de nos héritages culturels, autant de "scraphons", de carapaces qui nous empêchent de voir les choses comme elles sont… Il est utopique d'espérer que les hommes évolueront, et qu'ils abandonneront un jour leurs démons. Finalement, mieux vaut se faire à l'idée que rien ne changera jamais.

Ainsi, Boris et Agnès ne parviendront pas au bout de leur démonstration… Cela à cause des interventions inopinées de l'Appariteur. Ce personnage qui semble au début n'être qu'un figurant, va s'imposer progressivement pour venir - malgré lui - casser la machine bien huilée de Boris et Agnès. Puis provoquer une crise qui les amènera à se déchirer, et enfin à révéler leurs sentiments réciproques : un psychanalyste en quelque sorte… Pour autant, au terme de ce parcours, Boris et Agnès n'auront pas guéri et, incorrigibles comme la plupart des humains, ils recommenceront tôt ou tard leur tentative de refaire le monde.

Université d'été est un divertissement. Je mets toute ma confiance dans le talent et l'imagination de Thierry Flamand pour mettre en valeur l'humour des situations et explorer les facettes inattendues des personnages, au-delà de la préconception qu'en a l'auteur (qui s'engage à ne pas intervenir pendant les répétitions…).

Lionel Goldstein

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  • Note d'intention du metteur en scène

Lorsque j’ai assisté pour la première fois à la lecture d’Université d’été, j’ai immédiatement été séduit par cet objet théâtral non identifié.

Tout commence par cette idée de conférence. Nous ne sommes d’abord que les auditeurs d'une conférence et déjà notre situation n’est pas des plus confortables. En effet, qui se rendrait à un séminaire dont il ne connaît pas le thème ? Pourtant nous sommes là, et les toutes premières minutes nous font craindre le pire. Ces deux conférenciers, sûrs d’eux, sûrs de ce qu’ils doivent nous délivrer, commencent par nous agacer sérieusement avec leur côté bonimenteurs.

Nous ne sommes pas venus pour écouter un discours fumeux sur le sens de nos vies, ni sur notre épuisement à nous épanouir ; nous sommes là, au spectacle, tout au contraire pour nous distraire du quotidien qu’on pensait avoir laissé à la porte du théâtre. On se sent piégés, il va falloir subir ces redresseurs d’âmes, ces prê¬cheurs de vie meilleure. Les deux conférenciers, tout à leur démonstration, égrènent dans une sorte de partie de ping-pong verbal les mots clé de notre mal-être supposé. Pour nous parler de nos carapaces, ils vont même utiliser les dernières technologies, nous projeter des images, nous montrer qui nous sommes grâce à un reportage animalier !

Et là, soudain, tout bascule. L’Absurde entre en scène avec les mégapodes cyanophy¬tophages. C’est “Connaissance du Monde” au service de la Scientologie ! A ce moment précis, notre attitude change, notre écoute forcée fait place instantanément à notre intérêt de spectateur, nous savons que nous sommes au théâtre, nous ne sommes plus face à eux, ce sont eux qui se retrouvent face à nous. Nous allons nous délecter d’une suite de démonstrations pseudo scientifiques, suivre avec attention les rapports ambigus qu’ils vont entretenir avec l'Appariteur, assister à l’inéluctable dégradation de leur aplomb et à la fin découvrir qu’ils sont complètement perdus... comme nous.

Thierry Flamand

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Sélection d’avis du public

Université d'été Le 5 mars 2006 à 00h09

Un moment étonnant, plongé dans un univers irréaliste ou peut-être une autre réalité. Une conférence, un documentaire animalier, une secrétaire évadée d'un film de Jacques Tati, un jeu des comédiens jamais outrancié mais sans cesse au bord du déséquilibre, déshumanisés et humains quand la fragilité prend le dessus. En somme du théâtre, du vrai, c'est drôle et touchant, on se laisse porter et emporter...c'est l'Art du théâtre, et c'est parfaitement réussi. Si cette se rejoue après le 12 mars....allez-y les yeux fermés.

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Université d'été Le 5 mars 2006 à 00h09

Un moment étonnant, plongé dans un univers irréaliste ou peut-être une autre réalité. Une conférence, un documentaire animalier, une secrétaire évadée d'un film de Jacques Tati, un jeu des comédiens jamais outrancié mais sans cesse au bord du déséquilibre, déshumanisés et humains quand la fragilité prend le dessus. En somme du théâtre, du vrai, c'est drôle et touchant, on se laisse porter et emporter...c'est l'Art du théâtre, et c'est parfaitement réussi. Si cette se rejoue après le 12 mars....allez-y les yeux fermés.

Informations pratiques

Chaillot - Théâtre national de la Danse

1, Place du Trocadéro 75016 Paris

Accès handicapé (sous conditions) Bar Librairie/boutique Restaurant Salle climatisée Tour Eiffel Vestiaire
  • Métro : Trocadéro à 96 m
  • Bus : Trocadéro à 31 m, Varsovie à 271 m, Pont d'Iéna à 297 m
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Plan d’accès

Chaillot - Théâtre national de la Danse
1, Place du Trocadéro 75016 Paris
Spectacle terminé depuis le dimanche 12 mars 2006

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