Une sale histoire

Paris 6e
du 5 novembre 2008 au 3 janvier 2009

Une sale histoire

Un officier déchu devenu usurier épouse une jeune fille pauvre en prétendant ou croyant sincèrement la sortir de la misère et lui impose ses propres règles de vie. Nous sommes dans la Russie de 1870 qui vient de se libérer du servage. Explorant les rapports entre textes, musiques et sons à partir de la nouvelle La douce, la compagnie Scarface Ensemble propose une réflexion théâtrale sur "l'âme humaine", son opacité aux interprétations infinies.

L'âme humaine
Un projet polyphonique
Note

  • L'âme humaine

Un officier déchu devenu usurier épouse une jeune fille pauvre en prétendant ou croyant sincèrement la sortir de la misère et lui impose ses propores règles de vie. Nous sommes dans la Russie de 1870 qui vient de se libérer du servage. Travaillant les rapports entre textes, musique et sons à partir de la nouvelle La Douce, le Scarface Ensemble propose une réflexion théâtrale sur ce qu’il est convenu d’appeler “l’âme humaine”, son opacité aux interprétations infinies.

  • Un projet polyphonique

Partie de la figure de Netchaïev, nihiliste contemporain de Dostoïevski, cité par Gorki comme figure de l’extrême, mon désir fut, dans un premier temps de partir du roman Les démons et de travailler en kaléidoscope à partir d’éclats du texte donnant à entendre l’effervescence révolutionnaire dans une ville de province où se prépare un attentat terroriste.

J’avais le souvenir, toujours actif, du testament de Mohamed Atta, publié dans Le Monde quelques jours après les attentats du 11 septembre (article utilisé par Michel Vinaver dans son oratorio sur l’événement) : aucune femme ne devait approcher son corps ou en toucher les parties génitales après l’explosion, tel était, vite dit, le contenu du message. La folie du propos avait retenu mon attention et l’association hâtive s’est faite en découvrant le personnage de Netchaïev tel qu’il peut être évoqué de-ci de-là, dans différents écrits autour de la période dostoïevskienne.

Après une longue période de confusion -il n’était pas question pour moi de rendre fluide et linéaire ce qui chez Dostoïevski reste un total mystère (tout ou presque se dit, rien ne s’explique) l’idée s’est imposée d’aborder la question en partant d’un texte apparemment à une voix de l’auteur et de travailler la mise en abîme d’un seul personnage dans un système à inventer de contrepoints visuels, sonores et textuels. Une quinzaine de scénarios ou agencements sont alors apparus, restait à éliminer, ce qui n’est jamais une mince affaire. A l’heure d’aujourd’hui, le projet est donc de partir du texte de La douce, des extraits de Les Démons et de tester jusqu’où il est possible d’aller sans totalement s’y perdre avec ce projet polyphonique pour utiliser le terme de Mikhaïl Bakhtine dans sa Poétique de Dostoïevski et qui néanmoins tournerait autour du rapport entre suicide et terrorisme, entre chaos et dépression, entre changement radical de perception du monde et catastrophe.

« La complexité, la contradiction, le multivocalisme, les conflits réels de l’époque de Dostoïevski, sa qualité de roturier et de « pèlerin » social, sa profonde participation biographique et intérieure à la multiplicité objective des plans de la vie, et enfin la faculté de voir le monde à travers les interactions et les coexistences, tout cela a préparé le terrain sur lequel s’est ensuite développé son roman polyphonique. (…) Ainsi donc, le monde de Dostoïevski est la coexistence et l’interaction artistiquement organisées de divers mondes spirituels et non une série d’étapes du devenir d’un esprit unique. C’est pourquoi les univers des personnages, les plans du roman, malgré leurs différents accents hiérarchiques, sont placés sur un même niveau de la coexistence (comme les mondes de Dante), au lieu de se succéder en tant qu’étapes du devenir. Cela n’est nullement le signe d’une impasse logique, d’un manque de réflexion, d’une contradiction subjective stérile (…). Mais il serait vain d’y chercher un achèvement philosophique, monologique, même dialectique : non pas que cela soit du à une maladresse de l’auteur, plus simplement cet achèvement ne faisait pas partie de son dessein. » Mikhail Bakhtine in La Poétique de Dostoïevski, Moscou 1929

Ce dessein, qui dorénavant est le mien et bientôt sera celui de l’équipe, je l’espère, correspond au plus près à ce qui est à l’heure d’aujourd’hui mon projet théâtral : comment rendre compte de la complexité et de la déception, serions-nous les premiers à vivre l’annonce d’une transformation radicale ?

Hier, le journal annonçait que dorénavant les chômeurs d’ici pouvaient aller travailler ailleurs.

« Dostoïevski n’a jamais éprouvé cette répulsion, propre aux gens de sa formation intellectuelle, à l’égard d’une page de journal, ce dégoût méprisant pour la presse quotidienne qu’affichaient Hoffmann, Shoppenhauer, Flaubert, etc.

« Recevez-vous les journaux ? - demande-t-il à une de ses correspondantes en 1867 - Lisez-les et je vous en prie, on ne peut s’en passer de nos jours, non parce que c’est la mode, mais parce que le lien entre toutes les affaires, publiques et privées, devient ainsi plus évident. » Léonide Grossman cité par Mikhail Bakhtine in La Poétique de Dostoïevski, Moscou 1925

Mulhouse, mai 2005
Elizabeth Marie

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  • Note

Comment raconter la rapidité et la simultanéité de la pensée intérieure et silencieuse dans un acte théâtral ? Il s’agit de représenter -partiellement- le fonctionnement du psychisme en dehors et dans les interstices du temps de la phonation.

A priori la chose est délicate et pourtant nous décidons de la tenter. L’utilisation de technologies numériques s’est imposée à nous afin de relever ce défi. Il s’agit d’évoquer, par ce traitement sonore informatisé, la subtilité dialogiste fondée sur la polyphonie de Dostoïevski, décrite par Bakhtine, tout en préservant l’intelligibilité du texte et en mettant en valeur le geste théâtral. Le temps de la parole est plus lent que celui de l’entrechoquement des idées pour l’être humain : par images, phonèmes, signifiants, associations libres, etc. Nous sommes alors au croisement de la psychanalyse et de la linguistique. Comment en rendre compte pour ce texte qui est la volonté d’inscrire l’oralité de ce mouvement intérieur sans interlocuteur ?

Il s’agit de redonner à l’acteur un tempo autonome dans l’action scénique mais aussi de permettre au musicien d’intervenir comme pensée simultanée, instantanée, supplémentaire, distorsion, rappels de mémoire et « artefacts électroniques » du psychisme, mais aussi dans un temps plus animal, de perturber, recouvrir, ironiser, porter la dimension de comédie où la parole est toujours écran. Nous envisageons donc, dans ce dialogue entre acteur et musicien, avec un informaticien comme temporisateur, l’élaboration d’une figure d’ « homme-haut-parleur », insecte technoïde qui, lors d’interventions de durées et de natures finement établies, grâce à sa mobilité, porterait, générerait des sons, musiques, mais aussi des bribes de textes prélevées dans Les Démons.

« Bien sûr le processus du récit s’étale sur plusieurs heures, avec des à-coups, des coqs à l’âne et dans une forme assez confuse (…). Mais il en va toujours ainsi dans la réalité. Si un sténographe avait pu le surprendre et noter son discours, le résultat aurait été plus laborieux, moins achevé que ce que je présente ici, mais, pour autant que je puisse le penser, l’ordre psychologique serait resté le même. C’est cette fiction d’un sténographe qui aurait tout noté (après quoi j’aurais retravaillé ses notes) qui est ce que je qualifie de fantastique dans ce récit. » (note de l’auteur à propos de La douce, Journal d’un écrivain)

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Spectacle terminé depuis le samedi 3 janvier 2009

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