Un Captif Amoureux

Saint-Denis (93)
du 16 mars au 11 mai 2002

Un Captif Amoureux

Entrée libre dans la limite des places disponibles - Samedi 16 , 23 , 30 mars , 27 avril , 4 et 11 mai 2002 à 17h - Salle Le Terrier
Un Captif amoureux est le dernier livre de Jean Genet. Publié en 1986, il marque son retour à l’écriture au terme d’un silence littéraire de près de vingt-cinq ans. Ecrit dans l’ombre de la maladie et de la mort, dédié aux dernières révolutions du siècle, cet ouvrage n’est pas seulement le plus allègre et le plus apaisé des livres de Genet, grand livre d’artiste donnant comme un peintre à ce qu’il décrit son "poids de réalité", il est aussi celui où la longue quête de sa vie se résume.

Présentation
Un mot de l'interprète
Le poids de réalité
Extraits
Chronologie

Entrée libre dans la limite des places disponibles - Samedi 16 , 23 , 30 mars , 27 avril , 4 et 11 mai 2002 à 17h - Salle Le Terrier

Un Captif amoureux est le dernier livre de Jean Genet. Publié en 1986, il marque son retour à l’écriture au terme d’un silence littéraire de près de vingt-cinq ans. Ecrit dans l’ombre de la maladie et de la mort, dédié aux dernières révolutions du siècle, cet ouvrage n’est pas seulement le plus allègre et le plus apaisé des livres de Genet, grand livre d’artiste donnant comme un peintre à ce qu’il décrit son "poids de réalité", il est aussi celui où la longue quête de sa vie se résume.

De ses pérégrinations durant ses quinze dernières années auprès des peuples en lutte _ et notamment de Palestiniens _ Genet ne rapporte pas dans ses bagages un manuel d’instructions politiques. Avec une ironie constante et une irréductible indépendance de pensée et d’esprit, Un Captif amoureux retrace ses séjours dans les camps palestiniens de Jordanie et du Liban entre 1970 et 1984. S’il retrouve avec les "feddayin" en guerre le goût de vivre et d’écrire qu’il avait perdu, c’est sans doute parce que, exclu parmi les exclus, il découvre auprès d’eux un pays d’adoption, une terre d’asile précaire, un espace paradoxal de sérénité et de paix au cœur de la guerre. Au centre du récit, passe comme une ombre la figure de la mère qui a manqué à sa vie et qu’à la veille de sa mort, l’écrivain réinvente sous les traits d¹une vieille Palestinienne. Ce dernier motif occupe une place centrale dans la sélection des extraits et l’interprétation présentées par Lara Bruhl. Dans cette rêverie autour de la figure maternelle se tressent et se conjuguent en effet toutes les facettes d’Un Captif amoureux qui se déplie simultanément en récit de voyage, en traité de révolte politique et en œuvre de combat mais aussi en méditation autobiographique et en poème d’amour.

Albert Dichy

Haut de page

C’est à l’occasion d’une émission radiophonique consacrée à Jean Genet, à laquelle je participais que j’ai découvert quelques extraits d’Un Captif amoureux que je ne connaissais pas.

A l’enregistrement, les différents passages du livre, que je devais lire, m’apparaissaient marqués par une désinvolture et une allégresse tragique.
J’ai pensé à l’essai que Genet a consacré à Giacometti et son art, lorsqu’il voit les sculptures de l’artiste offertes au peuple des morts. Aux martyrs ?

Un Captif amoureux se déploie dans une sorte d’obscurité, là où germe les révoltes, ici celles des Palestiniens et des Blacks Panthers, et entraîne le lecteur dans une instabilité, dans une oscillation des codes et des valeurs : l’ombre que l’auteur reconnaît comme seule lumière possible et véritable.

J’imagine un travail où surgirait, à travers les passages présentés, la mise en espace, la lumière de l’ombre – celle qui n’éclipserait pas cette ombre.

Lara Bruhl

De quoi l’écrivain doit-il se souvenir ? De lui-même, de celui qu’il est, quand il n’écrit pas, quand il vit la vie quotidienne, quand il est vivant et vrai, et non pas mourant et sans vérité. Mais le moyen dont il se sert pour se rappeler à soi, c’est, fait étrange, l’élément même de l’oubli : écrire.

Maurice Blanchot - L’Espace littéraire - Gallimard, 1955

Haut de page

Jean Genet

"Quand le responsable palestinien m’a demandé d’aller en Jordanie, le peuple palestinien, je ne le connaissais que par des journaux, il m’était un peu étranger... Je me demandais où j’allais. Au début, je suis arrivé comme un spectateur. J’étais encore sous l’influence d’un Orient littéraire... Et j’ai vu un peuple dont chaque membre accomplissait des gestes d’une pesanteur, d’un poids réels. Il y avait un poids de réalité, de réel... Aucune cigarette n’était allumée et n’était fumée négligemment. Une cigarette avait son sens. Un seau d’eau pris par une femme arabe à la fontaine avait son sens. On voyait son seau, on voyait l’eau, on voyait la femme... C’est ça qui donne cette beauté... Que cherchent les peintres? Que ce soient Rembrandt, Franz Hals, Cézanne? Est-ce qu’ils ne cherchent pas le poids d’une réalité ? Est-ce que ce n’est pas ça ? Les Palestiniens dans leur révolte ont pris justement ce poids. Ils ont pris le poids des toiles de Cézanne."

L’Ennemi déclaré - Gallimard, 1991 
"Entretien avec R. Wischenbart" Vienne, décembre 1983

Haut de page

Autant, plutôt par jeu que conviction, j’avais répondu à l’invitation de passer quelques jours avec les Palestiniens, j’y resterai près de deux ans, et chaque nuit allongé, presque mort, attendant que la gélule de Nembutal m’endormit, je gardais les yeux ouverts, l’esprit clair, pas étonné, pas effrayé mais certainement amusé d’être ici où, d’un coté comme de l’autre du fleuve, des hommes et des femmes étaient aux aguets, depuis longtemps, alors pourquoi pas moi ?

Mais de cette tête blanche, blanche par sa peau, ses cheveux, sa barbe non rasée, blanche, rose et ronde toujours présente au milieu d’eux que voulaient-ils faire ? Un témoin ? Mon corps ne comptait pas : il portait seulement ma tête ronde et blanche.

Dans cette nuit d’Ajloun, je vis l’Étoile polaire qui était à ma droite, à sa place dans la petite Ourse et si la Voie Lactée se disséminait dans le désert d’Arabie, je ne pouvais qu’être pris du vertige sidéral de me savoir en pays musulman où la femme, croyais-je encore, est lointaine, évoquant dans mon présommeil un cortège d’hommes semblant célibataires qui s’était emparé, ici un rapt de plus, de l’image d’une dame très belle et cette femme représentait l’Etoile polaire éternellement fixe dans l’éther, à des distances incalculables, appartenant comme toute femme à une autre constellation ; les pêcheurs étaient plus masturbateurs que maris et ce mot de polaire qualifiait l’étoile et la femme. Bien qu’immobile dans mes couvertures, le nez au ciel, guidé par la lumière je me sentais pris dans un tourbillon où la douceur des bras musclés me chavirait et me rassurait. 

J’entendis dans la nuit, à deux pas, couler l’eau du Jourdain.

Je gelais.

Jean Genet, "Un Captif amoureux"

Haut de page

1910 – 1942
Jean Genet naît le 19 décembre 1910, à Paris. De père inconnu, il est abandonné à l’âge de sept mois par sa mère à l’Assistance publique. Confié à une famille d’artisan du village d’Alligny-en-Morvan, il est élevé dans la religion catholique et suit les cours de l’école communale. Bon élève, il obtient le Certificat d’études primaire mais, à treize ans, il est retiré à ses parents nourriciers. Placés dans un centre d’apprentissage, il s’évade au bout de dix jours : il rêve d’aventures et de voyages. À la suite d’une série de fugues et de délits mineurs, il connaît sa première expérience carcérale à quinze ans avant d’être mis en détention jusqu’à sa majorité à la Colonie pénitentiaire de Mettray. À dix-huit ans, pour quitter la Colonie, il devance l’appel et s’engage dans l’armée. Volontaire pour servir dans les troupes du Levant, il est affecté, en 1933, dans une compagnie de sapeurs-mineurs en position à Damas où il réside durant onze mois. L’année suivante, il s’engage à nouveau et passe dix-neuf mois dans un bataillon colonial au Maroc. Après plusieurs engagements successifs et six ans de vie militaire, il déserte en 1936 et, pour échapper aux poursuites, quitte la France. Durant un an, il vagabonde à travers l’Europe avec de faux papiers. Tour à tour, emprisonné, expulsé, il traverse l’Italie, la Yougoslavie, la Tchécoslovaquie, la Pologne, l’Autriche, l’Allemagne et la Belgique. En juillet 1937, il est de retour à Paris et fait l’objet, en l’espace de sept ans, d’une douzaine d’inculpations pour désertion, vagabondages, falsification de papiers et, principalement, pour vols.

1942 – 1964
Genet est incarcéré à la Centrale de Fresnes lorsque, à l’automne de 1942, son premier poème, Le Condamné à mort, est imprimé à ses frais. C’est également en prison qu’il rédige la même année Notre-Dame-des-Fleurs et, l’année suivante, Miracle de la rose. Il est sur le point d’être condamné à la "relégation perpétuelle" lorsque Jean Cocteau intervient en sa faveur devant les tribunaux. Il est libéré le 14 mars 1944, peu après la publication par Paul Morihien et Robert Denoël, "sous le manteau" de Notre-Dame-des-Fleurs. Grâce à l’éditeur Marc Barbezat, Genet échappe petit à petit au cercle des publications clandestines. En moins de trois ans, de 1945 à 1948, il écrit coup sur coup trois romans, Pompes funèbres, Querelle de Brest et Journal du voleur, un recueil de poèmes, un ballet (‘Adame Miroir) et trois pièces de théâtre (Haute surveillance, Les Bonnes et Splendid’s). Sur une pétition d’écrivains lancée par Cocteau et Sartre, il obtient enfin, en 1949, du président de la République, une grâce définitive : il ne retournera plus en prison. Cette même année exactement, Genet arrête d’écrire et entre dans un silence qui va durer six ans et que la publication, en 1952, de Saint-Genet comédien et martyr de Sartre accroît. Le théâtre fournira cependant à cette crise une voie d’issue provisoire : entre 1955 et 1961, Genet écrit et publie trois pièces de théâtre (Le Balcon, les Nègres et Les Paravents) qui le placent au premier rang des dramaturges contemporains. Il écrit également de brefs mais importants essais sur l’art dont l’un des plus marquants est consacré à son ami Alberto Giacometti.

1964 – 1986
Genet travaille depuis plusieurs années sur un immense projet - un vaste cycle de sept pièces de théâtre - lorsqu’il apprend, le 12 mars 1964, le suicide d’Abdallah, le jeune acrobate pour qui il avait écrit Le Funambule. Profondément ébranlé, Genet annonce à ses proches sa décision de renoncer à la littérature. Malgré l’intérêt qu’il manifeste pour la création des Paravents à Paris, en avril 1966, et la publication de ses Lettres à Roger Blin, il connaît une période de dépression aiguë. En mai 1967, peu de temps après avoir rédigé un testament, il est découvert inanimé dans sa chambre d’hôtel, à Domodossola, ville-frontière de l’Italie, à la suite d’une absorption massive de somnifères. Départ d’une nouvelle période, le 22 décembre 1967, il entreprend un long voyage, vécu comme une sorte de renaissance, en Extrême-Orient et séjourne au Japon. À son retour en France, il est surpris par les événements de Mai 68 et l’allégresse du soulèvement étudiant. Il publie alors, en hommage à Daniel Cohn-Bendit, son premier article politique. Trois mois plus tard, invité par un magazine américain à "couvrir" le congrès démocrate de Chicago, Genet se rend pour la première fois aux États-Unis et se mêle aux grandes manifestations de gauche américaine contre la guerre au Vietnam. À Paris, il s’intéresse de plus en plus aux problèmes des immigrés algériens et marocains et prend activement part à de nombreuses manifestations en leur faveur. La grande année politique de Genet sera cependant 1970. Le 25 février, une responsable du Black Panther Party, organisation américaine paramilitaire qui lutte pour l’autodétermination du peuple noir, sollicite son soutien. Genet refuse de signer des pétitions mais propose de mener campagne sur place, aux États-Unis, pour les Panthères noires. Durant deux mois, du 1er mars au 2 mai, il partage leur vie et, en leur compagnie, sillonne inlassablement le territoire américain, donnant d’innombrables conférences dans les universités ou devant la presse. Le 20 octobre de cette même année, sur la proposition du délégué de l’Organisation de libération de la Palestine à Paris, il se rend en Jordanie pour visiter les camps palestiniens. Il prévoit d’y passer huit jours : il va y demeurer six mois. Début novembre, au camp de Wahdate, il rencontre Yasser Arafat qui lui accorde un laissez-passer et l’engage à porter témoignage sur le drame palestinien. Au terme de quatre séjours au Moyen-Orient, Genet est arrêté par les autorités jordaniennes et expulsé du pays le 23 novembre 1972. Privé de visa d’entrée pour les États-Unis, interdit de séjour en Jordanie, Genet se replie sur la France et revient à Paris qui sera, durant dix ans environ et malgré d’incessants déplacements, son principal lieu de résidence et où son activité politique ne décroît pas. Il publie un grand nombre d’articles dans la presse, prend parti lors des élections présidentielles de mai 1974, se rapproche au Groupe d’Informations sur les Prisons, tente enfin de convaincre des écrivains (parmi lesquels Jacques Derrida, Juan Goytisolo, Pierre Guyotat, Jacques Henric, Philippe Sollers, etc.) de réaliser un livre collectif sur les prisonniers Noirs américains ou sur les Palestiniens. Dans le même temps, il entreprend, dès le début des années 1970, la rédaction d’un ouvrage relatant ses séjours dans les camps palestiniens et auprès des Black Panthers - ouvrage qu’il abandonnera et reprendra plusieurs fois et qui aboutira quinze ans plus tard, à la publication d'Un Captif amoureux. Dans les moments où il perd l’espoir d’achever son livre, Genet se laisse prendre à d’autres projets : ainsi, de 1976 à 1978, travaille-t-il à l’élaboration d’un scénario de film, intitulé La Nuit venue et relatant la première journée d’un jeune immigré marocain à Paris. À la veille du tournage, Genet cependant renonce sans explications à poursuivre le projet. Trois ans plus tard, le même incident se reproduira : Genet signe un contrat pour tourner un film consacré à une histoire imaginaire de la Colonie de Mettray et après plus d’un an de travail, sur le scénario, recule à nouveau devant la réalisation. En mai 1979, Genet append qu’il est atteint d’un cancer à la gorge et entreprend un traitement qui, tout en l’affaiblissant considérablement, lui donnera quelques années de répit. En septembre 1982, il revient au Moyen-Orient et se trouve par hasard à Beyrouth lorsque, le 16 et le 17 de ce mois, sont perpétrés les massacres dans les camps palestiniens de Sabra et de Chatila. Témoin de la tragédie, Genet qui n’écrit plus depuis longtemps, reprend la plume et rédige le plus important de ses textes politiques, Quatre heures à Chatila. Quelques mois plus tard, en juillet 1983, au Maroc où il réside, il commence à rassembler, unifier et reprendre les notes et les brouillons du livre sur les Palestiniens et les Noirs américains auquel il va désormais travailler sans relâche, d’autant plus que sa maladie progresse à nouveau. Il retourne une dernière fois en Jordanie en juillet 1984 pour revoir les lieux et les personnages qu’il décrit dans son livre. Celui-ci est achevé en novembre 1985. Genet revient alors à Paris et confie à son éditeur le manuscrit d'Un Captif amoureux. Au mois de mars 1986, après avoir longuement corrigé les premières épreuves, il se rend dix jours au Maroc et, à son retour s’installe au Jack’s Hôtel, rue Stéphane-Pichon, à Paris. Il reçoit le second jeu d’épreuves de son livre qu’il commence à relire. Il meurt dans la nuit du 14 au 15 avril 1986. Le 25 avril, il est enterré selon son vœu dans le petit cimetière espagnol de Larache, près de Tanger au Maroc. Le cimetière est situé sur une falaise qui domine la mer. Il est bordé d’un côté par une prison municipale, de l’autre par une "maison de rendez-vous". 

Le 26 mai 1986, Un captif amoureux paraît aux Éditions Gallimard.

Albert Dichy

Haut de page

Vous avez vu ce spectacle ? Quel est votre avis ?

Note

Excellent

Très bon

Bon

Pas mal

Peut mieux faire

Ce champ est obligatoire
Ce champ est obligatoire

Vous pouvez consulter notre politique de modération

Informations pratiques

TGP - CDN de Saint-Denis

59, boulevard Jules Guesde 93207 Saint-Denis

Accès handicapé (sous conditions) Bar Grand Paris Librairie/boutique Restaurant Seine-Saint-Denis Vestiaire
  • Métro : Basilique de Saint-Denis à 666 m
  • RER : Saint-Denis à 534 m
  • Tram : Théâtre Gérard Philipe à 89 m, Saint-Denis - Gare à 387 m, Marché de Saint-Denis à 395 m
  • Bus : Église - Théâtre Gérard Philipe à 265 m, Marché de Saint-Denis à 361 m
  • Transilien : Saint-Denis à 534 m
  • Voiture : Depuis Paris : Porte de la Chapelle - Autoroute A1 - sortie n°2 Saint-Denis centre (Stade de France), suivre « Saint-Denis centre ». Contourner la Porte de Paris en prenant la file de gauche. Continuer tout droit puis suivre le fléchage « Théâtre Gérard Philipe » (emprunter le bd Marcel Sembat puis le bd Jules Guesde).

Calcul d'itinéraires avec Apple Plan et Google Maps

Plan d’accès

TGP - CDN de Saint-Denis
59, boulevard Jules Guesde 93207 Saint-Denis
Spectacle terminé depuis le samedi 11 mai 2002

Pourraient aussi vous intéresser

Partenaire
- 44%
La Loi du marcheur

Théâtre de la Bastille

Oublie-moi

Théâtre Actuel La Bruyère

La réunification des deux Corées

Théâtre de la Porte Saint-Martin

Un Tramway nommé Désir

Théâtre des Bouffes Parisiens

Spectacle terminé depuis le samedi 11 mai 2002