Titanic city (péripétie à itinéraires multiples)

du 11 avril au 13 mai 2000

Titanic city (péripétie à itinéraires multiples)

CLASSIQUE Terminé

Leviathan, c’est son nom, est un navire semblable à un pays qui se déplace emportant les hommes mais aussi leurs utopies, leurs inventions, leurs rêves d’un monde idéal. Pour les préserver du mal ? Mais le mal est peut-être déjà à bord.

Titanic City : le spectacle deux parties, deux atmosphères
En relisant Victor Hugo
Titanic City (extrait du texte)

Quand émergent les plus folles anticipations, quand l'inquiétude et la peur provoquent une crise profonde dans une partie des sociétés occidentales, il est important de regarder en arrière et de se demander comment et pourquoi nous en sommes là.

Titanic City raconte cette histoire, vieille comme le monde, qui semble se répéter, et dont le principe est le suivant : pour alléger ses peines, pour conjurer sa peur et les menaces qui l'assaillent, l'homme s'ingénie à créer des Tours de Babel, des Iles Mystérieuses, des Mondes Meilleurs. Il veut ainsi assurer sa sécurité, améliorer son confort, favoriser son développement, accroître sa puissance, et voir enfin si ses réalisations rivalisent avec la création dont il est issu. Il y perd souvent son âme et sa raison. Bientôt, un choc, une agression venue de l'extérieur, l'usure, le temps, une réaction interne, une catastrophe naturelle, un défaut de conception, une fausse manœuvre ou la lassitude, met en péril sa construction. Tout s'écroule. Les conséquences sont d'autant plus graves, et l'échec d'autant plus cuisant et difficile à admettre, que les certitudes et la confiance que l'homme s'était forgées, quant à l'invulnérabilité et l'immuabilité du système qu'il avait mis en place, étaient grandes.

Un navire-monde en difficulté est donc le centre autour duquel notre spectacle s'articule. Son nom : Léviathan.

Léviathan est une arche moderne qui transporte des hommes, des animaux, des usines, des magasins.... comme une ville ou un pays qui se déplace. C'est un rêve de science-fiction, un monde idéal, le meilleur de tous, sans désordre, ni conflit, sans douleur, ni tristesse, un paradis artificiel construit par l'homme et pour l'homme. C'est un autre monde, virtuel, parce que le monde réel, lui, résiste et ne sait être que désespérant.

La visite-spectacle de ce navire tient à la fois de la conférence positiviste début de siècle et du tour en train-fantôme à la Foire du Trône.

Titanic City : le spectacle deux parties, deux atmosphères

Embarquement
Divisés en groupes, identifiables par des signes distinctifs de couleur différentes, les spectateurs, conduits par des comédiens-guides, partent à la découverte de ce navire.

Prologue
On entend une cloche tinter trois fois. Après un silence de trente sept secondes, on entend le bruit d'une étoffe qu'on déchire sur une longueur de cent mètres. Durant ce temps, les lumières vacillent et basculent dans la lumière du spectacle.
Une femme, très maquillée, vêtue d'une robe longue et provocante, accompagnée par un jeune homme ambigu, apparaît sur une passerelle au-dessus des spectateurs. Elle tient un Iong fume-cigarette dont elle tire quelques bouffées. Le jeune homme porte, comme un étendard, un éclairage artificiel composé d'une boule à facettes. C'est Titania, la reine de la nuit, et son serviteur-amant, Hippolyte.
Elle dit un monologue, inspiré de l'ouverture de Lulu, qui annonce la visite qui va suivre : " La ménagerie qui va vous être présentée, n'est qu'une infime partie de votre jungle ... " 
Une autre lumière se fait, les comédiens- guides apparaissent. L'un d'entre eux raconte l'historique de ce navire imaginé dès le moyen-âge par une société secrète, et dont la réalisation, débutée en pleine révolution industrielle, s'est achevée récemment sous la direction du grand ingénieur Martial Canterel. Le guide explique qu'il ne reste qu'un vestige de cette société secrète du moyen-âge : une tapisserie commencée alors et poursuivie au cours des siècles, et qui se trouve à l’heure actuelle en restauration, alors qu'elle est habituellement suspendue dans ce hall. " On peut voir sur cette œuvre unique et monumentale : Caïn fuyant, poursuivi par l'œil réprobateur d'Abel ; Hannibal franchissant les Alpes avec ses éléphants sous le regard admiratif de Nicéphor Niepce et de son appareil de photographie, de César et de Napoléon réunis pour l'événement, etc, etc... " 
Il faut maintenant commencer la visite. Les guides rassemblent leurs ouailles et parlent. Un groupe reste un moment à attendre son guide en retard.

Première partie
La première, empreinte de fantastique et de science-fiction désuète : des personnages simples, bruts, des caractères pleins d'enthousiasme et de bonne volonté, confrontés au grain de sable ; un univers inspiré des œuvres de Jules Verne, Aldous Huxley Le Meilleur des mondes, Raymond Roussel Impressions d’Afrique, Locus Solus, Herman Melville Moby Dick, George Orwell 1984, Cami, Franz Kafka, Karl Valentin, du cinéma de Jacques Tati, Terry Gillian Brazil, Fritz Lang Metropolis, Charlie Chaplin Les Temps modernes.
La visite guidée dont le prétexte est de faire découvrir aux spectateurs le magnifique navire, ressemblera aux cabinets des merveilles du musée Grévin, au Locus Solus de Raymond Roussel, aux expositions des découvertes que l'on peut lire chez Jules Verne, c'est-à-dire à un lieu où tout ce que l'homme a su maîtriser, réaliser, imaginer de plus merveilleux ou de plus terrible est réuni.
Tous les groupes verront la même chose mais à des moments différents.Les groupes sont maintenant arrivés à la fin de leur parcours respectif. On annonce que notre navire-monde a touché un iceberg et que l’évacuation commence. . On distribue à chacun un gilet de sauvetage. Un premier groupe de passagers est appelé à embarquer dans une chaloupe. Tous assistent à leur départ.

Deuxième partie
La seconde, sans amertume, mais chargée de nostalgie, du sentiment de la perte : perte de l'insouciance, de l'enfance, d'une époque lointaine et indéfinie où tout semblait moins difficile. A cette nostalgie s’ajoutent la passion, la quête d'absolu, le courage et la lâcheté que la menace du naufrage exacerbe. Les personnages qui peuplent cette partie sont moins " d'un bloc " , plus complexes que les précédents, plus humains dans leurs interrogations et leurs certitudes, dans leur fragilité, leur égoïsme et leur bravoure. Les références ici seraient plutôt Henri-René Lenormand, Anton Tchekhov, Blaise Cendrars, Federico Fellini E la nave va, Jean Renoir La Règle du jeu : La Grande illusion.

Naufrage
Quand les spectateurs sont installés, la reine de la nuit commence un deuxième monologue. Elle dit que cette fois, c’est officiel, nous coulons. Elle s'interroge sur la date de la collision. Elle fait un parallèle entre la virtualité de Titanic City et l'apparente réalité du monde, et décide d'aller voir ailleurs si elle y est...
Après son départ, commence la dernière soirée de Titanic City. Dans cette salle, vont se croiser des premières et des secondes classes. On y trouvera entre autres, un industriel, un metteur en scène, un journaliste, un couple qui se sépare, le commandant du navire...
Où l'on se souvient du Titanic
Le 10 avril 1912, " le seigneur des routes de l'Atlantique nord " , le Titanic, part de Southampton pour son voyage inaugural vers New York avec à son bord un peu plus de 2200 passagers et hommes d'équipage.
Le navire ne redoute ni la tempête, ni l'incendie, ni les collisions, et fort de ses quinze cloisons étanches, on le dit insubmersible. Ses dimensions sont gigantesques pour l'époque : 269 mètres de Iong par 28 mètres de large, et sa hauteur équivaut à celle d'un immeuble de 20 étages. Son confort est digne des plus grands hôtels d'Europe, et un système révolutionnaire de doubles machines l'entraîne à la vitesse de 25 nœuds.
Dans la nuit du 14 au 15 avril 1912, soit moins d'une semaine après son départ, le symbole de la puissance créatrice de l'homme, le joyau du progrès, voit son flanc, au-dessous de sa ligne de flottaison, déchiré sur une centaine de mètres par une montagne de glace. Inexorablement, le géant s'enfonce dans les eaux froides, sombres et incroyablement calmes de l'océan.
Durant Ie naufrage, de nombreux passagers refusent de monter dans les chaloupes de sauvetage que l'équipage met à la mer. Ils estiment cette précaution inutile, tant le navire leur inspire confiance. Les plaisanteries fusent à l'adresse de ceux qui embarquent : " A bientôt, bonne promenade ! "  ; " Ne vous perdez pas ! "  ; " Si vous n'avez pas de contremarques, vous ne pourrez pas remonter à bord ! " . Mais bientôt, l'évidence est là : le navire sombre ; plusieurs chaloupes sont déjà à la mer ; il n'y aura pas de place pour tous. S'enchaînent alors une suite d'événements tragiques où actes de bravoure et modèles de lâcheté se côtoient au son des airs vifs et entraînants que l'orchestre du bord jouera jusqu’au dernier instant.
Il aura fallu deux heures trente pour que le Titanic soit englouti pour toujours. En sombrant, il est entré dans nos consciences. Dans la nuit du 14 au 15 avril 1912, c'est un monde entier qui a disparu : celui des certitudes que le dix-neuvième siècle avait créées.

En relisant Victor Hugo

Léviathan ; c’est là tout le vieux monde,
Apre et démesuré dans sa fauve laideur ;
Léviathan, c’est tout le passé : grandeur,
Horreur.
Le sombre esprit humain, debout sur son tillac,
Stupéfiait la mer qui n’était plus qu’un lac.
Et les hommes, depuis les premiers jours du monde,
Sentant peser sur eux la misère inféconde,
Les pestes, les fléaux lugubres et railleurs,
Cherchant quelque moyen d'amoindrir leurs douleurs,
Pour établir entre eux de justes équilibres,
Pour être plus heureux, meilleurs, plus grands, plus libres,
Plus dignes du ciel pur qui les daigne éclairer,
Avaient imaginé de s'entre-dévorer.
Ce sinistre vaisseau les aidait dans leur œuvre.
Lourd comme le dragon, prompt comme la couleuvre,
Il couvrait l'océan de ses ailes de feu ;
La terre s'effrayait quand sur l'horizon bleu
Rampait l'allongement hideux de sa fumée,
Car c'était une ville et c'était une armée ;
[...]
Mais les heures, les jours, les mois, les ans, ces ondes,
Ont passé ; l’océan, vaste, entre les deux mondes,
A rugi, de brouillard et d’orage obscurci ;
La mer a ses écueils cachés, le temps aussi ;
Et maintenant, parmi les profondeurs farouches,
Sous les vautours, qui sont de l’abîme les mouches,
Sous le nuage, au gré des souffles, dans l’oubli
De l’infini, dont l’ombre affreuse est le repli,
Sans que jamais le vent autour d’elle s’endorme,
Au milieu des flots noirs roule l’épave énorme !
L’ancien monde, l’ensemble étrange et surprenant
De faits sociaux, morts et pourris maintenant,
D’où sortit ce navire aujourd’hui sous l’écume,
L’ancien monde aussi, lui, plongé dans l’amertume,
Avait tous les fléaux pour vents et pour typhons ;
Construction d’airain aux étages profonds,
Sur qui le mal, flot vil, crachait sa bave infâme,
Plein de fumée, et mû par une hydre de flamme,
La Haime, il ressemblait à ce sombre vaisseau.
Le mal l’avait marqué de son funèbre sceau.
Ce monde enveloppé d’une brume éternelle,
Etait fatal ; l’Espoir avait plié son aile ;
Pas d’unité, divorce et joug ; diversité
De langue, de raison, de code, de cité ;
Nul lien, nul faisceau ; le progrès solitaire,
Comme un serpent coupé, se tordait sur la terre
Sans pouvoir réunir les tronçons de l’effort :
L’esclavage, parquant les peuples pour la mort,
Les enfermait au fond d’un cirque de frontières
Où les gardaient la Guerre et la Nuit, bestiaires ;
L’Adam slave luttait contre l’Adam germain ;
Un genre humain en France ; un autre genre humain
En Amérique, un autre à Londres, une autre à Rome ;
L’homme au-delà d’un pont ne connaissait plus l’homme ;
Les vivants, d’ignorance et de vices chargés,
Se traînaient ; en travers de tout, les préjugés ;
Les surperstitions étaient d’âpres enceintes
Terribles d’autant plus qu’elle étaient plus saines ;
Quel créneau soupçonneux et noir qu’un alcoran !
Un texte avait le glaive au poing comme un Tyran ;
La loi d’un peuple était chez l’autre peuple crime ;
Lire était un fossé, croire était un abîme ;
Les rois étaient des tours ; les dieux étaient des murs ;
Nul moyen de franchir tant d’obstacles obscurs ;
Sitôt qu’on voulait croître, on rencontrait la barre
D’un mode sauvage ou d’un dogme barbare ;
Et, quant à l’avenir défense d’aller là.
[...]

Victor Hugo
Pleine mer

Titanic City (extrait du texte)

Prologue

Une cloche tinte trois fois. Après un silence de trente sept secondes, on entend le bruit d'une étoffe qu'on déchire sur une longueur de cent mètres. Durant ce temps, l'éclairage vacille et bascule dans la lumière du spectacle. Entrent Titania et Hippolyte.

TITANIA - C'est parti. La grande foire commence. Accrochez-vous au bastingage et ne relâchez pas votre attention, il va y avoir du sport. Il y a deux jours encore nos attractions fragiles ne recevaient pas l'agrément des commissions de sécurité. Elles ont décidé de fermer les yeux. Profitons-en. Vous allez voir l'hommo serpentus, l'enfant blessé, la femme canon et l'homme obus, les nains des contes, la grande roue des misères des peuples, la branche oubliée des Plantagenêts, le chaînon manquant, le regard du traître, le sourire du juste, le cœur des hommes épris de pouvoir, les jambes fermes et musculeuses du fugitif, la pipe du révolutionnaire, le manteau de la sainte, les rouges déçus, les rouges repentants, les rouges têtus, les blancs de peur, les verts de rage, les jaunes, les noirs, ceux de toutes les couleurs, ceux qui pensent, ceux qui parlent, ceux qui agissent, ceux qui ne font rien, celui qui croit, celui qui doute, celui qui a tout pris, celui qui n'a plus rien, la grand-mère que le loup a mangée, le lâche, l'inquiet, le double jeu, l'espoir, l'ennui et la déconfiture.

Ici, le vent souffle comme nulle part. Les montagnes pelées et les forêts impénétrables, les déserts de sable, de sels, de roches et ceux des grandes métropoles, les petits ruisseaux qui font les grandes rivières, l'infinitude des longues distances et l'enchantement des raccourcis, les machines puissantes tournant à plein régime, et les fumées lourdes et épaisses que crachent, impénitentes, les cheminées érectiles des fabriques en tout genre au sommet desquelles on contemple à loisir la majesté souveraine de notre modernisme ; les bureaux de classements et d'investigations, les réserves d'eau, d'armes et de matériel, et les oléoducs se succèdent ici, à la vitesse des trains lancés à toute vapeur, avec la régularité des montres suisses.

Donc, une fois de plus le Monde, Mondo, Welt, World, brillant de mille feux et repoussant de crasse, dégueulasse ou sublime, s'étalera devant vous comme une femme légère qui réclame langoureuse des caresses subtiles, avant de faire payer le plaisir au prix fort.

Cela vous fait peur ? Une sombre appréhension commence a vous étreindre et la moiteur de ses baisers éveille en vous le haut-le-cœur du vertige, et le désir charnel de l'abandon. Vous voulez savoir où vous mettez les pieds. Vous désirez un " complément d'information " . Le système est-il autonome ? Existe-t-il un frein ou une manette quelconque qui puisse infléchir la course de l'appareil sur lequel nous sommes tous embarqués ? Je comprends ; la sensation que procure l'assurance que nous pouvons encore y faire quelque chose nous évite, bien souvent, de penser qu'il est déjà trop tard. Mais le jugement dernier a peut-être déjà commencé, à moins que nous pensions à tort que cela va mal parce que nous sommes des pessimistes. C'est à vous de voir. Vous pouvez encore renoncer, mais décidez-vous vite. Chaque seconde qui passe vous éloigne un peu plus de la rive que vous avez quittée. Cela vous fait sourire ? Alors en route, et fouette cocher. Vous allez tout savoir. L'arbre de connaissance, défendu, du jardin d'éden pousse ici. Vous en croquerez les pommes, même si cela nous a déjà porté malheur. Ouvrez bien vos oreilles, et essayez de faire fonctionner vos méninges. La ménagerie qui va vous être présentée, n'est qu'une infime partie de votre jungle.

Elle descend et embrasse certains hommes parmi les spectateurs.

Bonne route ! Bon voyage ! Prends pas froid ! Ne tarde pas trop ! Ecris souvent ! Fais attention à toi ! Ne m'oublie pas ! Sois à l'heure pour dîner ! Pense à moi ! Avant de sortir. Ouvrez le Bal ! Elle sort la lumière change. Entrent les guides.

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Informations pratiques

Théâtre de la Cité Internationale

17, boulevard Jourdan 75014 Paris

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  • Tram : Cité Universitaire à 32 m
  • Bus : Cité Universitaire à 223 m, Stade Charléty - Porte de Gentilly à 320 m, Jourdan - Montsouris à 358 m
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Plan d’accès

Théâtre de la Cité Internationale
17, boulevard Jourdan 75014 Paris
Spectacle terminé depuis le samedi 13 mai 2000

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