Thérèse en mille morceaux

du 13 au 24 octobre 2009
2h10

Thérèse en mille morceaux

Thérèse en mille morceaux est le portrait d’une femme, le récit d’une insurrection. L’héroïne du roman de Lyonel Trouillot, magnifiquement adapté et mis en théâtre par Pascale Henry, va, contre toute attente, courir le risque de vivre. Fille de propriétaires terriens dans l’Haïti des années 60, épouse, soeur, enfant, Thérèse est toujours restée là où on l’attend. Jusqu’au jour où…

« Elle a dit ça l’autre Thérèse. Elle va et vient en moi aux heures de son choix. Elle sait tout,évoque des secrets de famille, des documents, des objets. Elise crie qu’elle ment ? Laquelle des deux croire, ma soeur ou mon double ? »

Portrait d'une femme
Thérèse, l’autre Thérèse
Donner corps à ce qui n’était que voix
Adapter pour la scène le roman de Lyonel Trouillot
Notes de mise en scène

  • Portrait d'une femme

Thérèse en mille morceaux est le portrait d’une femme, le récit d’une insurrection. L’héroïne du roman de Lyonel Trouillot, magnifiquement adapté et mis en théâtre par Pascale Henry, va, contre toute attente, courir le risque de vivre. Fille de propriétaires terriens dans l’Haïti des années 60, épouse, soeur, enfant, Thérèse est toujours restée là où on l’attend. Jusqu’au jour où…

Tout le monde est là. Mère, le désir, la mort, Elise, la porte en bois de chêne, la rue, Jean, Jérôme, le silence, l’ordre, Haut la main, le flot des mots, le désordre, Père, Joël et Alexandre, le désir, l’enfance, la peur, l’excès, les portes fermées, les fenêtres ouvertes…

L’histoire ne se présente pas sous des traits qui immédiatement nous ressemblent. Elle se passe à Haïti, et c’est le corps d’une femme qui en est le théâtre. Deux « lieux » finalement, qui ont écrit leur l’histoire dans celle de la domination. Sans doute est-ce pour cela, qu’il y a dans ce texte une sorte de lumière profonde faite sur la nature de l’oppression. Pour cela aussi, que parvient à notre sensibilité combien le désordre et l’excès sont les moyens du désir, les possibilités du surgissement du sujet humain.

Pour se soulever face à l’oppression encore faut-il la reconnaître et la nommer. Dans le chemin de Thérèse, dans ce chemin de désordre, c’est cela que nous suivons, pas à pas, attachés à sa marche, percevant sa raison bien qu’elle soit « folle », sûrs qu’elle ait raison bien qu’elle ait tort, et craignant qu’elle renonce à le supporter.

Pascale Henry

Adaptation d’après le roman de Lyonel Trouillot.

  • Thérèse, l’autre Thérèse

Alertée par un double intérieur que certains prennent pour l’expression d’une folie, Thérèse est soudain l’objet d’une division qui la rend méconnaissable à elle-même. Déroutée et déroutante, Thérèse laisse jaillir les mots de cette insurrection dans l’intimité des pages d’un journal qu’elle rédige au milieu de la tourmente qui la saisit et bouleverse son entourage. « Marionnette ou marionnettiste, j’écris pour savoir de combien de Thérèse j’ai été le pantin ». Agitée par ce soudain fleuve de mots, par l’élan vital qui éveille ses sens, Thérèse va laisser libre cours à ces batailles obscures, actrice et spectatrice d’un théâtre à l’intérieur d’elle-même.

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  • Donner corps à ce qui n’était que voix

Je ne suis pas homme de théâtre. Et je n’ai pas plus de droit sur la lecture que n’importe quel autre lecteur, puisque l’oeuvre n’est jamais réductible à l‘intention qui prétend la fonder. Cela dit, il y a dans ce petit livre une proposition simple mais universelle : l’oppression contre la naissance à soi-même, la violence symbolique exercée par des formes de pouvoir, ici, la tradition et l’ordre. Et cette oppression s’exerce fortement sur les femmes et le corps féminin. Et face à l’oppression, la révolte qui ne sait pas son nom, la rupture qui rend méconnaissable. Aux autres. A soi-même. En allant vers un autre soi-même. Il me semble que l’adaptation proposée par Pascale Henry rend au mieux cette proposition du livre et parvient justement à donner corps à ce qui n’était que voix. La Thérèse-enfant restitue l’ancienneté de la révolte tue. Je confesse que le texte de l’adaptation et la proposition générale me plaisent. Il y a eu d’autres propositions d’adaptation de Thérèse. Il me semblait que ces propositions étaient plus un accompagnement du livre par la voix que du théâtre. La Thérèse de Pascale Henry me semble avoir tous les éléments, sans pour autant travestir le roman, pour faire une oeuvre théâtrale.

Lyonel Trouillot, novembre 2006

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  • Adapter pour la scène le roman de Lyonel Trouillot

« Un jour de mars 1962, Thérèse Décatrel prit l’autobus de l’aube et quitta la ville du Cap pour ne plus jamais y revenir. »

Thérèse en mille morceaux, avant de nous entraîner dans la chair du livre, s’ouvre avec la simple description du départ d’une jeune femme vers une destinée inconnue à bord d’un autobus où elle a pris place. Thérèse Décatrel, fille, soeur, épouse, enfant du Cap s’en va. C’est de ce « départ vers » dont il est question, de la qualité, de l’origine de ce mouvement vital dont le roman s’empare.

Thérèse s’en va, quitte un espace pour un autre. Mais il ne s’agit pas seulement ici de géographie. Et si le départ est au début du livre, si le bus emporte la jeune femme loin de ce qui fût sa vie jusque-là, le voyage précèdera néanmoins ce départ.

Thérèse, d’un espace à l’autre.Le mouvement est simple. Ce qu’il convoque dans l’humain de désir, ce à quoi il oblige, les empêchements qu’il révèle, les contradictions auxquelles il soumet, le courage qu’il requiert, l’aliénation profonde à l’Histoire qui le fonde le fait néanmoins apparaître comme la moins évidente et la plus admirable des possibilités humaines. Et c’est tout l’objet du livre. Pour aller ailleurs, il faut d’abord faire le voyage.

Déplacer le regard, discuter le réel qui est nôtre, oser au-delà de la plainte et de l’écrasement, renoncer au confort de la chose commune, à l’effacement dans la crainte est sans doute la plus vitale des sources, mais aussi la plus menacée dans l’être.

Et s’il faut dire le « pourquoi » de ce spectacle, c’est qu’il y a, rassemblé dans ce récit, et avec quelle finesse, la possibilité d’approcher, de rentrer « en intelligence » avec ce qui nous désespère et nous attache également dans l’immobilité, avec ce qui demande à vivre et nous effraye pourtant dans le mouvement. Lyonel Trouillot conduit magnifiquement son récit pour le rendre sensible dans l’intimité de la personne comme dans ce qui organise une société.

Car ce qui donne et ordonne la vie est aussi ce qui tue, comme ce qui tue est aussi ce qui peut obliger la vie à se dégager.

« Que veux-tu que j’aime si ce n’est ce qui m’a été refusé ? » D’où tenons-nous le courage de vivre ? C’est-à-dire d’imprimer un mouvement à ce qui est déjà écrit, déjà décidé, déjà mort alors ? Tous les grands livres délivrent quelque chose de muet en nous.

Thérèse en mille morceaux livre à la conscience comme au corps de l’âme, l’affection lucide et entêtée de son auteur pour ce qui semble toujours pouvoir avoir raison de la mort, en dépit des désordres, des ruptures, des souffrances, de la « crise » qu’il en advient dans l’être.

Voire des risques graves qu’on encourt. Et au-delà de l’être intime, ou du moins le traquant dans les désordres et les débats intérieurs de son héroïne, l’auteur interroge l’écrasement de son propre pays sous le poids de l’Histoire.

Ce qui ne peut pas bouger dans Thérèse, ce qui veut, ce qui doit trouver la sortie dans Thérèse est aussi ce qui inquiète et interroge l’auteur pour l’avenir de son pays. Car Lyonel Trouillot est haïtien.

« Marionnette ou marionnettiste, j’écris pour savoir de combien de Thérèse j’ai été le pantin » Pour faire remonter à la surface les mille et une facettes de ce qu’il interroge, Lyonel Trouillot offre le corps de Thérèse à la contradiction, à toutes les contradictions. Thérèse, fille, soeur, épouse et enfant du Cap est livrée à une sorte d’implosion intérieure où les différentes figures qui la composent ne lui révèlent soudain que sa disparition.

« Comme habitée par mille destinées incompatibles, je réalise qu’à mon insu quelque chose éloignait ma main droite de ma main gauche, interdisant à mes élans le moindre geste à l’unisson, qu’il fut de joie ou de colère. Mes pas s’arrêtaient à chaque virage ; ma tête, mon corps, mes rêves marchant comme un canard, chacun tirant mes ficelles dans des directions opposées. » C’est autour de cette crise, d’une Thérèse brutalement hantée par une sorte de double possédé qui hurle et tempête contre ce qui EST, que s’organise le récit et l‘exploration sensible de ce « départ vers » qui ouvre le roman. La crise sera rude et pourvoyeuse de désordre.

Thérèse offerte presque malgré elle à ce qui cherche à vivre, « Thérèse en mille morceaux, comme autant de fragments répondant à un même prénom ». Thérèse, déroutée et déroutante pour son entourage, décide d’écrire « pour rassembler ses voix ». C’est cette voix intime et divisée qui, de court chapitre en court chapitre, comme pas à pas, nous conduit dans l’intimité de sa confrontation contradictoire avec les personnages et les figures qui l’ont façonnée : La mère, froide et inquiète gardienne de la bienséance et des règles de leur classe sociale, la mère aimée et crainte, la soeur Elise, complice de l’enfance, garante dévouée de la continuité, le père, déchu dans l’alcool et la lâcheté, Jérôme, le doux, le beau frère aux rêves enfuis, Jean le mari, fonctionnaire plus attaché à son cartable qu’à sa femme, et puis le roi Christophe, et puis la citadelle, et encore les jumeaux, les petits voisins de l’enfance soufflant sur le désir.

Au centre de cette toile, qui tient de la toile d’araignée comme de la toile de peinture, Thérèse, désorientée, jette ses forces dans la bataille qui fait rage au coeur d’elle-même. Au coeur de la tourmente vitale qui la soulève, la figure de Thérèse symbolise avec une ardeur magnifique cette capacité de mouvement qui est nôtre, et la force fantastique que contient l’émergence du désir.

« Sommes-nous autre chose que ce qui nous déborde, comme une contre-nature à nos vies officielles ! »

Pascale Henry, mars 2006

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  • Notes de mise en scène

Le travail d’adaptation du roman pour la scène oblige à une construction, dans l’écriture, des articulations du spectacle à venir. Ce travail a donc d’ores et déjà orienté quelques uns des axes de mise en scène.

Thérèse sera entourée des figures qui peuplent le désordre intérieur dont elle est l’objet. La mise en scène sera organisée autour de la fragmentation de sa parole et des différents espaces que cette fragmentation fait apparaître.

La figure divisée de Thérèse : elle fait l’objet dans l’adaptation d’une évolution ténue et précise qui tente de traduire le mouvement intérieur dont elle est l’objet.

Thérèse, en proie à deux voix dans un seul corps, Thérèse et le fantôme d’une petite fille, une petite fille prenant la parole à la place de Thérèse, Thérèse conversant avec la petite, Thérèse et la petite marchant de concert, puis la petite devenue Thérèse. Ainsi deux comédiennes porteront les multiples fragmentations de la parole de Thérèse.

Les personnages fondateurs : Ils sont à la fois, animés par la parole de Thérèse, dessinés par elle, surgissant de sa subjectivité et apparaissent aussi ponctuellement dans leur réalité propre. Le mode de narration théâtral : Il s’agira de donner corps à l’errance de Thérèse au milieu de ces voix et à la mouvance perpétuelle de la réalité qu’elles ordonnent.

Tout part de Thérèse.
Il s’agira d’organiser sur la scène les « signes » métaphoriques de ce qui se passe à l’intérieur, faisant du théâtre là où la littérature donneà éprouver, à penser, à voir.

En ce sens, la narration épousera un constant va-et-vient, entre la mise en scène de ce qui se passe à l’intérieur de Thérèse et, de ce qui a lieu dans la réalité concrète et séparée d’elle. C’est une quête, un voyage, une révolution, un mouvement de l’être qui s’origine d’un tremblement de terre souterrain et en ce sens la mise en scène devra en épouser le rythme, les heurts, en inventer les images et conduire ce mouvement vers « l’ailleurs ».

La scénographie : elle nécessitera un plateau relativement important, pour permettre un morcellement de l’espace, une impression de perdition des corps dans cet espace trop vaste et trop vide, et devra donner en même temps une impression de clôture, de pesanteur, malgré l’extrême simplicité des éléments qui la composent.

Elle s’écrira à partir de quelques éléments très concrets sur lesquels reposent les articulations profondes du texte. Une porte et une fenêtre qui scandent et organisent l’affrontement mental entre ouverture et fermeture, désir et écrasement, immobilité et mouvement. Un gros fauteuil et un lit qui sont le siège d’enjeux de taille dans ce qui frappe Thérèse. On pourrait imaginer que la scénographie réussisse en quelque sorte à les faire sur-apparaître.

Pascale Henry

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Spectacle terminé depuis le samedi 24 octobre 2009

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