Tête d'or

du 12 mars au 12 avril 2015
2h15 avec un entracte

Tête d'or

Simon Agnel, dit Tête d’or, vainc les ennemis de l’Empire, perd son ami Cébès, tue l’Empereur, ceint la couronne et part à la conquête du monde. Finalement vaincu, et blessé à mort, il retrouve la princesse qu’un soldat a crucifiée au tronc d’un arbre… La pièce de Claudel est interprétée ici par des acteurs maliens dirigés par Jean-Claude Fall.

A partir de 12 ans.

  • Drame d'un conquérant

Tête d’Or a tout perdu, femme, parents, maison, attaches. Il est celui qui n’a plus rien à perdre et qui cherche la confrontation avec la mort. Il se croit investi d’un destin hors normes. D’un destin fixé par les dieux. C’est un desperado, qui arrive dans un pays perdu au bout du monde d’où tous les habitants ont fui devant l’arrivée imminente d’ennemis puissants. Il prend la tête de l’ultime résistance et renverse le cours de l’histoire en faisant fuir les ennemis, leur présentant le visage de ceux qui sont prêts à mourir.

De retour au palais il demande sa récompense, c’est-à-dire « tout ». Il revendique le pouvoir absolu, tue l’ancien roi, met au défi les opposants de se mettre sur son chemin. Faisant la critique de l’abandon des « vraies valeurs » par les « pseudos démocrates », aux jeux politiques cyniques et mensongers (« vraies valeurs » auxquelles lui se rattache : le courage, la volonté, la fierté, la discipline, la solidarité, l’ordre), il devient à la fois le sauveur et le nouveau despote de ce pays et part à la conquête du monde (toute ressemblance avec des situations et des personnages contemporains n’est pas que fortuite).

Comme toujours, au bout de sa route, abandonné de tous, il rencontrera sa compagne, celle qu’il a toujours recherchée, la mort.

Par la Manufacture - Jean-Claude Fall, en partenariat avec La Compagnie BlonBa.

  • Un Tête d’Or africain

Depuis mes premières rencontres avec l’œuvre de Paul Claudel, j’ai ce rêve de travailler sur un Tête d’Or africain. La langue de Claudel est une langue concrète, terrienne, presque « archaïque » qui semble être plus proche de pays francophones africains ou même par certains aspects de la langue française parlée au Québec que de la langue aujourd’hui parlée en France.

Les valeurs morales, les codes d’organisation sociétale à l’œuvre semblent aussi plus proches de l’Afrique ou des Pays de l’Est de l’Europe. La nature des rapports hommes-femmes, la place de la guerre, de la maladie, de la mort, de la famille semblent se rapporter à des sociétés où le fonctionnement est resté avant tout monarchique, despotique, voire même tribal.

Par ailleurs, l’aventure de Tête d’Or rappelle fort un livre d’aventures, un des chefs- d’œuvre de Rudyard Kipling, L’Homme qui voulut être roi (et le film éponyme de John Huston). Cela se passe également quelque part au fin fond du monde en Asie ou en Afrique. Tête d’Or, c’est l’histoire éternelle de ces figures d’aventuriers et conquérants, d’Alexandre le Grand à Cortez en passantpar Jules César ou Pizarro.

Lorsque Claudel écrit Tête d’Or en 1889, il a vingt ans. C’est un très jeune garçon qui rêve de changer ce monde « pervers » dans lequel il est plongé.

Désir d’action, désir d’actions violentes, désir fou d’exercer cette force qu’il sent en lui. Il est encore tout ébloui par ses lectures de Shakespeare et de Rimbaud et secoué par eux humainement et artistiquement. Son Têtd’Or est une figure héroïque et séduisante. C’est en même temps un monstre, un terroriste, un assassin.

Tête d’Or a la fougue, la force, la puissance de conviction. Il a l’absolue certitude d’avoir raison contre le monde. Tête d’Or est un rebelle. C’est un révolutionnaire, il aurait pu être un membre d’Action directe, de la bande à Baader ou des Brigades rouges, aujourd’hui il ferait peut-être partie de l’un de ces groupes du Djihad islamique. Les jeunes gens le suivent comme on suit un guide, un chef de guerre. Et les moins jeunes, ceux qui avaient renoncé, ceux qui acceptaient leur défaite, ceux qui étaient rentrés dans le rang et acceptaient que les choses soient comme elles sont, ceux-là se remettent à vibrer et à croire qu’ils peuvent encore conquérir le monde. Mais toujours ce genre de médaille a un revers. Revers lisible entre les lignes qui précèdent.

Tête d’Or prône une « morale » de la foi aveugle, de l’obéissance au chef, de la force qui oblige et soumet. Il fustige les faibles, les hésitants, les changeants, les incertains. Il adore la mort, sa compagne. Il renvoie les femmes à leurs foyers, leur impose un silence servile et la maternité. Il porte en haine la culture, le savoir et voue un véritable culte païen à la nature. Ces valeurs nous rappellent quelque chose... Claudel le sait bien qui, lorsque l’occupant allemand souhaite que la Comédie-Française joue Tête d’Or, refuse les droits de représentation. Claudel se défend mollement de cette si évidente proximité avec l’idéologie fasciste. Il met en avant l’aspect rimbaldien du héros et l’aspect Shakespearien du drame.

Ce en quoi il a parfaitement raison. Rimbaud n’est-il pas lui-même ce poète-héros qui écrit les Illuminations et cet aventurier qui fait commerce d’armes de contrebande au fin fond de l’Erythrée ? Et combien de drames shakespeariens contiennent des valeurs aujourd’hui condamnées ? Combien nous dépeignent avec une forte puissance de séduction des héros épouvantables et monstrueux. Je pense à Richard III en particulier. Le diable, le tyran, la mort n’ont-ils pas toujours été de sacrés séducteurs ?

Enfin Tête d’Or est un désespéré, mieux, un « desperado ». Il a perdu l’être aimé, sa famille, sa maison, son pays, son ami. Il est sans foi ni loi. C’est un « déjà mort ». La peur ne peut pas avoir de prise sur lui. En cela c’est un homme libre (au sens des stoïciens). En cela c’est un kamikaze, un terroriste prêt à mourir pour sa cause. En cela, il n’y a pas d’autre choix que de l’aimer ou de le tuer.
La princesse fera les deux.

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Informations pratiques

Cartoucherie - Théâtre de la Tempête

Route du Champ de Manœuvre 75012 Paris

Accès handicapé (sous conditions) Bar Cartoucherie
  • Métro : Château de Vincennes à 1 km
  • Bus : Cartoucherie à 174 m, Plaine de la Faluère à 366 m
  • Navette : Sortir en tête de ligne de métro, puis prendre soit la navette Cartoucherie (gratuite) garée sur la chaussée devant la station de taxis (départ toutes les quinze minutes, premier voyage 1h avant le début du spectacle) soit le bus 112, arrêt Cartoucherie.

    En voiture : A partir de l'esplanade du château de Vincennes, longer le Parc Floral de Paris sur la droite par la route de la Pyramide. Au rond-point, tourner à gauche (parcours fléché).
    Parking Cartoucherie, 2ème portail sur la gauche.

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Plan d’accès

Cartoucherie - Théâtre de la Tempête
Route du Champ de Manœuvre 75012 Paris
Spectacle terminé depuis le dimanche 12 avril 2015

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