Scènes de la vie d'acteur

du 10 octobre au 15 novembre 2013

Scènes de la vie d'acteur

Les chutes libres et les hauteurs du métier de comédien selon Denis Podalydès
Denis Podalydès livre les récits de la vie quotidienne d’un comédien, de l’ennui à la passion. Du monumental trac à l’abyssal trou de mémoire, il dévoile les ratés, les victoires, les chutes libres et les hauteurs du métier d’acteur. Scali Delpeyrat s’empare du journal, assemble les facettes extraordinaires des moments les plus ordinaires, pour composer au-delà du portrait d’artiste un puzzle des atermoiements, des fragilités et des incertitudes humaines.

J’ai rarement quitté la scène le cœur léger
Note d'intention
Note de l'auteur
Extrait
Entretien avec Scali Delpeyrat

J’ai rarement quitté la scène le cœur léger.

Dans tous ses états, ses lieux d’attente, d’exaltation ou d’angoisse, le comédien apparaît. Tel quel. À nu. Dans son quotidien et ses espaces familiers, les coulisses, chambres de supplice ou de repos, le plateau de théâtre. Denis Podalydès livre les récits de la vie quotidienne d’un comédien, de l’ennui à la passion. Du monumental trac avant la représentation du Misanthrope à l’abyssal trou de mémoire, il dévoile les ratés, les victoires, les chutes libres et les hauteurs du métier d’acteur. Scénariste et metteur en scène, comédien au cinéma chez son frère Bruno, Alain Resnais ou Emmanuel Bourdieu, sociétaire de la Comédie-Française et auteur de Voix off, Denis Podalydès compare la performance du comédien à la lutte du matador. Il se raccroche aux traces des textes lus et aux œuvres approchées. Il évoque les fantômes des disparus qui l’accompagnent et le portent jusqu’à l’exploit d’être en scène.

Issu du Conservatoire national supérieur d’art dramatique, comédien de théâtre et de cinéma, auteur lui-même, Scali Delpeyrat s’empare du journal, en détache cinq grandes parties. Il assemble les facettes extraordinaires des moments les plus ordinaires, pour composer au-delà du portrait d’artiste un puzzle des atermoiements, des fragilités et des incertitudes humaines. Fragments autobiographiques d’un acteur mis à nu, au travail et tout autour, ces Scènes participent d’une anthropologie possible de l’honnête homme. Elles révèlent les peurs et les joies, les grandeurs et les misères d’un artisan dans l’exercice de son art.

Note d'intention

J’ai rencontré Denis Podalydès au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique. Il y était mon aîné de deux promotions. C’était en 1987 et déjà il ne quittait jamais son vieux cartable en cuir élimé, duquel débordaient toujours de nombreux bouquins, ainsi que des carnets de notes. En 1999, quand il me fit jouer dans Tout mon possible d’Emmanuel Bourdieu, je lui confiais ma curiosité au sujet de ses fameux carnets. C’est ainsi que j’eus le privilège d’être le premier lecteur de ses Scènes de la vie d’acteur. À cette époque, Didier Bezace proposait des Cartes Blanches aux acteurs qui jouaient au Théâtre de la Commune.

Denis fut d’abord surpris de ma proposition. « Tu veux lire mes textes ? Mais quel intérêt ? »

Puis il se laissa faire et ce fut la première lecture publique des Scènes de la vie d’acteur. Ce fut aussi pour moi une confirmation : ses textes avaient sur l’auditoire un immense pouvoir de séduction, tant par leur contenu que par leur style, leur poésie, leur humour, et même leur intérêt documentaire. Ils étaient faits pour être dits, ils étaient faits pour être entendus.

D’ailleurs, ils seront publiés au Seuil quelques années plus tard. Depuis, j’ai refait une lecture au Marathon des Mots de Toulouse et à la Maison du Comédien Maria Casarès en Charente. C’est toujours le même accueil unanime et qui fonde définitivement ma conviction qu’outre un livre passionnant ces Scènes de la vie d’acteur sont une matière formidable pour le théâtre.

Scali Delpeyrat

Note de l'auteur

Scali Delpeyrat est à lui seul une scène de ma vie d’acteur. En 1988, au Conservatoire, je le vis un jour dans une scène de Marivaux qui m’était particulièrement chère (La Surprise de l’amour, acte I, scène II). J’avais travaillé le même morceau l’année d’avant, dans la classe de Michel Bouquet. Je m’étais acharné sur moi-même, et lorsqu’au mois de juin nous avions présenté le résultat de nos travaux, je m’étais finalement déçu : ainsi l’avais-je éprouvé. Scali fut éblouissant. Il me parut si aisé, si libre, si drôle. J’en conçus une secrète mais amicale jalousie, car il ne manquait jamais de m’encourager que ce qui me frappa surtout, outre l’éclat de son talent, c’était qu’il me fût très proche, un acteur-frère. Je me sentais un peu en lui, et je le retrouvais en moi. J’avais l’impression qu’il réussissait ce que je manquais, mais je ne désespérais pas : il me suffisait de penser à lui, de l’imiter un peu, et je m’améliorais naturellement. Je le croyais avec autant de naïveté que de justesse, car je puis dire que je me suis réellement aidé, en certains rôles, de ce qu’il m’inspirait, dès que je l’imaginais à ma place.

En le dirigeant dans Tout mon possible d’Emmanuel Bourdieu, j’avais le plaisir de penser que là-bas, en scène, c’était un peu moi, aussi, qui jouais la comédie. Et je l’ai vu lire en public plusieurs scènes de mon livre. D’abord à Aubervilliers, (mais ce n’était pas encore un livre) et récemment à Toulouse. Étrange révélation. Je me suis dit : « C’est pour lui ! » avec une immense satisfaction, j’ajouterais même : une grande fierté.

C’était un peu comme au temps du Conservatoire, moins la jalousie, moins l’autodéception, moins les mille illusions qui alors nous dérobent à nous-mêmes. L’évidence. C’est pour lui. Il fait de ces textes une matière bien à lui, il les emmène, hors du livre, dans sa bouche, les « refabrique », les joue, leur donne une chance de théâtre, ce que je n’osais rêver, ni même penser.

Denis Podalydès

Extrait

Précipice abrupt, cratère immédiat : le trou de mémoire. C’est la vingttroisième date de la tournée du Legs de Marivaux, peut-être la
quatre-vingtième représentation. Ma langue est trempée, laquée de ces mots toujours et heureusement et invariablement semblables. Il est neuf
heures moins le quart. Je mouds mes grains de Marivaux à heure fixe. Nous en sommes à la scène X : la Comtesse, le Marquis. Je suis le Marquis. Très en forme, je n’ai pas à me forcer. Je me complais à penser que ce rôle me va comme un gant, capable que je suis de le jouer à jeun, endormi, démoralisé : je m’y retrouve toujours facilement et retombe, quoi qu’il arrive, sur mes pattes légères...

...À cet instant de la représentation, je viens de dire : « C’est qu’Hortense aime le Chevalier. Mais, à propos, c’est votre parent ? ». La Comtesse me répond : « Oh ! parent de loin ! ». Après le temps d’un regard fugace entre nous, comme d’habitude, je commence, dans le ton calme,méthodique, non moins ordinaire que chaque soir, la longue et sinueuse réplique : « Or, de cet amour qu’elle a pour lui, je conclus qu’elle ne se soucie pas de moi... ». Et puis plus rien.

Entretien avec Scali Delpeyrat

De qui s’agit-il, sur le plateau ? D’un sociétaire de la Comédie-Française ? D’un acteur parmi d’autres ? D’un homme ?
Le personnage qui parle en scène, oui, c’est un acteur, d’ailleurs un acteur joué par un acteur, une abyme d’acteur, pas un acteur abîmé, et je l’espère un acteur intéressant, un acteur qui, introspectif ou histrion, cérébral ou physique, avec les mots de Denis Podalydès parle un peu comme Scali Delpeyrat, donc un acteur qui leur ressemble, et qui en cela ressemble à bien des acteurs. C’est pourquoi j’ai l’intention, durant le spectacle, de passer en revue tous les modes possibles du rapport que l’acteur peut avoir au public : adresse intense, genre stand-up ; adresse intime, genre théâtre-réalité ; adresse complaisante, genre bourgeois ; adresse tragique, genre grec ; adresse par la bande, genre quatrième mur ; adresse postale, genre avec du papier....

Ces textes peuvent-ils atteindre des spectateurs dont le théâtre ne serait pas en lui-même un centre d’intérêt ?
La scénographie du spectacle s’organisera autour du thème de la représentation, en toute sorte de variations : une coulisse, un plateau, une loge, une corbeille, un théâtre, mais aussi un cerveau (c’est l’Autre Scène, plus freudienne celle-là). Mais il ne faudrait pas croire pour autant que Scènes de la vie d’acteur ne parle que d’Acteur ou de Théâtre. Certes ça en parle, et même énormément, mais pas essentiellement, pas dans le fond. Ces textes
ne sont pas des documents destinés à rejoindre les archives de la grande Histoire de l’Art Dramatique.
Leur qualité, déjà hautement méritoire, de témoignage est transcendée par un projet littéraire, lui même sous-tendu par un grand projet poétique : montrer l’humain au travail. Non le travail subi, mais celui qui remplit notre vie, nous obsède ou nous porte, nous dévaste ou nous sublime. C’est en cela que Scènes de la vie d’acteur s’adresse autant aux amoureux du théâtre qu’aux amoureux de la vie.
Comme tout les grands textes, Scènes de la vie d’acteur parle
d’avantage de Vie que d’Acteur. Avoir peur dans la coulisse, remettre en question ses propres capacités intellectuelles, décrire par le menu les circonstances d’un trou de mémoire, observer dans l’ombre d’une corbeille son propre frère doublure lumière qui serait mieux dans le rôle, se rappeler avec nostalgie d’un personnage qu’on a aimé jouer, autant de situations où le Sujet Parlant est emporté par un doute dévastateur... Si j’ai voulu mettre en scène les textes tchékhoviens de Denis Podalydès, c’est qu’à travers la figure autobiographique de l’acteur nu, un acteur intime, au travail, ils nous parlent du manque de confiance. Je dirais que mon Scènes de la vie d’acteur sera un spectacle sur le manque de confiance en tant que préalable à toute création. C’est là que le projet, je l’espère, dévoilera toute sa charge existentielle. Qu’est-ce que la confiance ? Et qu’est-ce que la peur ? Qu’estce que le sentiment de légitimité ? Qu’est-ce que l’envie de se montrer aux autres ? Quel est ce manque qui nous pousse à nous adresser à la communauté des hommes, ou nous invite à venir écouter ceux qui le font ?

Propos recueillis par Pierre Notte

Haut de page

Sélection d’avis du public

très beau temps de théâtre Par Spectatif - 9 novembre 2013 à 16h45

Très prenante prestation de Scali Delpeyrat sur des textes fluides, qui font mouche de Denis Podalydès.

Vous avez vu ce spectacle ? Quel est votre avis ?

Note

Excellent

Très bon

Bon

Pas mal

Peut mieux faire

Ce champ est obligatoire
Ce champ est obligatoire

Vous pouvez consulter notre politique de modération

très beau temps de théâtre Par Spectatif (104 avis) - 9 novembre 2013 à 16h45

Très prenante prestation de Scali Delpeyrat sur des textes fluides, qui font mouche de Denis Podalydès.

Informations pratiques

Théâtre du Rond-Point

2 bis, avenue Franklin Roosevelt 75008 Paris

Accès handicapé (sous conditions) Bar Champs-Elysées Librairie/boutique Restaurant Vestiaire
  • Métro : Franklin D. Roosevelt à 148 m, Champs-Élysées - Clemenceau à 216 m
  • Bus : Rond-Point des Champs-Élysées à 74 m, Rond-Point des Champs-Élysées - Franklin D. Roosevelt à 203 m, Rond-Point des Champs-Élysées - Matignon à 214 m, Palais de la Découverte à 237 m
Calcul d'itinéraires avec Apple Plan et Google Maps

Plan d’accès

Théâtre du Rond-Point
2 bis, avenue Franklin Roosevelt 75008 Paris
Spectacle terminé depuis le vendredi 15 novembre 2013

Pourraient aussi vous intéresser

Partenaire
- 20%
Pauline & Carton

La Scala Paris

Partenaire
- 44%
La Loi du marcheur

Théâtre de la Bastille

Oublie-moi

Théâtre Actuel La Bruyère

La réunification des deux Corées

Théâtre de la Porte Saint-Martin

Spectacle terminé depuis le vendredi 15 novembre 2013