Raimund Hoghe - Histoire de danse (Tanzgeschichten)

du 19 au 22 janvier 2005

Raimund Hoghe - Histoire de danse (Tanzgeschichten)

Raimund Hoghe a été le dramaturge de Pina Bausch de 1980 à 1990. Depuis 1989, il s'est attelé à l'écriture de ses propres pièces de théâtre qui ont été jouées par divers acteurs et danseurs européens et brésiliens.
  • Un homme à part en quête d'histoire commune

Il a fait de l'art d'être différent une façon de questionner ses semblables. Raimund Hoghe crée ses propres spectacles depuis le début des années quatre-vingt-dix. Il livre ici quelques-uns des contours d'une présence à soi, aux autres et à la scène, qui fonde un mode de représentation extrêmement singulier.

La durée
On me dit souvent que mes pièces sont trop longues. Je réponds systématiquement que mes pièces ont besoin de ce temps, qu'il m'est absolument nécessaire d'inscrire mon travail dans la durée. De la même manière qu'il faut du temps pour découvrir quelqu'un, il faut du temps pour que certaines séquences prennent de l'intensité. Il est bien évidemment possible de monter une pièce formatée durant une heure ou une heure trente, mais pas sur un travail comme Young people, old voices ou Sarah, Vincent et moi. Ces deux pièces ne pourraient pas fonctionner sur une durée plus courte. J'ai besoin d'une entrée en matière, j'ai aussi besoin de temps pour marquer la fin de la représentation. Finalement, si je devais m'en tenir au format courant d'une heure, une heure trente, il ne me resterait pas grand-chose alors que j'ai besoin de calme et d'apaisement. Je sais que certains spectateurs sortent d'une journée de travail, d'autres ont pris les transports en commun pour venir assister à une représentation, ils ont eux aussi besoin de temps pour entrer dans les univers que j'ai créés pour eux.

La distance
Ce n'est que dans des espaces vastes et ouverts que je peux utiliser la distance. Le fait de présenter mon travail dans un espace approprié est une condition essentielle pour que je puisse utiliser le registre émotionnel sans verser dans le sentimentalisme. C'est très important que le spectateur se sente libre d'interpréter ce qu'il voit, pour faire des associations et finir par y projeter quelque chose. Cela dit, il restera toujours des gens qui n'ont pas suffisamment de distance avec eux-mêmes pour pouvoir regarder. La distance permet aussi de laisser émerger plus clairement la forme ; je suis très vigilant sur ce point et je me fais souvent remplacer pendant les répétitions pour avoir un regard sur ce qui se passe depuis la salle. Mon implication n'est pas aussi personnelle qu'on peut le croire au premier abord et il m'apparaît aujourd'hui tout à fait clairement que j'interprète un rôle lorsque je suis sur scène.

La mémoire
Dans mon travail, j'utilise de vieux standards de la variété dans l'idée de partager quelque chose avec le plus de gens possible. Je suis issu d'un milieu modeste, ma mère était couturière, mon grand-père était ouvrier et c'est lui qui m'emmenait beaucoup au cinéma. J'ai grandi dans les années cinquante et soixante, et j'ai bel et bien été nourri de cette culture populaire, et surtout de ses rêves. Je n'ai pas eu accès à la musique classique, ni aux films d'art et essai. Je les ai découverts plus tard mais je me souviens parfaitement bien des films de François Truffaut. J'ai aussi utilisé Le Lac des cygnes ou Le Sacre du printemps, des partitions qui appellent un imaginaire précis et référencé. Ce sont les mêmes mécanismes qui jouent avec les chansons de Dalida ; on a une image qui ne correspond pas nécessairement à l'intense émotion que certaines de ses chansons peuvent me donner.

Tout le monde a une histoire avec ces chansons que j'utilise, elles sont cependant suffisamment fortes pour donner une émotion à celui qui les écoute pour la première fois. Je me rends bien compte aujourd'hui combien le fait de travailler sur l'étirement du temps renvoie à d'autres époques, je veux dire à l'Histoire. Je suis de culture germanique ; après la Deuxième Guerre mondiale, c'était difficile pour l'Allemagne de regarder en arrière et si je suis d'accord pour considérer que le passé est derrière nous, il est absolument nécessaire et vital de conserver la mémoire de ce qui s'est passé. On ne peut faire impasse sur l'Histoire pour la simple et bonne raison qu'elle ne cesse de se répéter, encore et encore.

La beauté
Que ce soit dans le travail ou tout simplement dans la vie, je suis touché par la beauté de ceux qui ne jouent pas. Je pense que certains en font parfois beaucoup trop pour vraiment provoquer mon intérêt car je suis en quête de choses simples et sincères. Au début des années quatre-vingt-dix j'ai remarqué - mais cela me semble se vérifier encore aujourd'hui - que les femmes utilisaient plus facilement le registre émotionnel dans leur recherche chorégraphique ou artistique. Elles interrogeaient notre regard sur la beauté alors que les hommes travaillaient sur des choses plus conceptuelles. Cela m'a amené à creuser cette question en travaillant la forme du solo avec des interprètes masculins : Rodolpho Leoni, Mark Sieczkarek et Geraldo Si Loureiro, notamment. Ce n'était pas si fréquent.

Le rituel
Je m'intéresse aux réponses que les différentes cultures apportent au travers de la forme. Les rituels sont faits de gestes qui se répètent et se transmettent depuis des centaines d'années. Je suis fasciné par les cérémonies du thé au Japon. Ces rituels sont avant tout impersonnels mais ils renvoient à des traditions immémoriales, en cela je considère qu'ils renferment eux-mêmes du temps. Ils donnent une sécurité que je transpose à ma démarche artistique en les utilisant comme structures. Lorsque la forme est parfaitement définie, je peux me lancer et ainsi aller plus loin car tout est plus clair. Je traverse le plateau en marchant, je répète plusieurs fois une même action... je cherche quelle forme pourrait prendre un rituel d'aujourd'hui. Le sacre est aussi une forme rituelle. Dans Another Dream, j'utilisais déjà Le Sacre du printemps, je reviens aujourd'hui à cette partition dans Young people, old voices. Au départ de ce projet, j'avais dans l'idée de transmettre quelque chose : la notion de rituel nous a réunis. Dans cette pièce, j'utilise aussi de l'eau. Le bruit de l'eau est à chaque fois le même mais il est pourtant toujours différent. Beaucoup de rituels associent l'idée de purification à l'utilisation de cet élément. C'est à peine perceptible mais chacun des interprètes a une approche singulière de l'eau. Pendant les répétitions, l'une des filles s'est émue aux larmes lorsque j'ai passé Avec le temps, de Léo Ferré. J'ai mis sa main dans l'eau et ça l'a immédiatement calmée.

Propos recueillis par David Bernadas
Mouvement n° 23, juillet-août 2003

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Théâtre de la Bastille

76, rue de la Roquette 75011 Paris

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  • Bus : Commandant Lamy à 2 m, Basfroi à 243 m, Charonne - Keller à 244 m, Voltaire - Léon Blum à 384 m
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Spectacle terminé depuis le samedi 22 janvier 2005

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