Le tribun / Finale

du 29 octobre au 1 novembre 2008
1h30 environ avec un entracte

Le tribun / Finale

Quelle est la différence entre un chef et un tyran ? Quels sont les ressorts du despotisme éclairé ? Mauricio Kagel démonte brillamment les mécanismes de l’oppression avec deux pièces de théâtre musical, satires des discours populistes et démagogues, portées par la présence magnétique, fascinante et inquiétante de Bernard Bloch.

Quelle est la différence entre un chef et un tyran ?
L'Ensemble 2e2m
Note d’intention
Le paradoxe de Kagel

  • Quelle est la différence entre un chef et un tyran ?

Quelle est la différence entre un chef et un tyran ? Quels sont les ressorts du despotisme éclairé ? Mauricio Kagel démonte les mécanismes de l’oppression avec deux pièces de théâtre musical, deux éclatantes bombes à fragmentation.

Dans Le Tribun ou dix marches et neuf contretemps pour manquer la victoire, un orateur tient meeting au son d’une fanfare à bout de souffle et à grands renforts d’applaudissements préenregistrés… Mais la pompeuse machine se dérègle. De saccades en brusques dérapages, le discours démagogique se délite, la syntaxe explose, et révèle peu à peu son vrai message. Un tour de force rhétorique et musical écrit en 1978, où grincent les échos des dictatures sud-américaines, et où, en prêtant l’oreille on entendra quelques échos familiers. “Les résonances politiques du texte de Kagel n’ont fait que se déplacer légèrement vers des zones, hélas, plus consensuelles et plus majoritaires”, observe Jean Lacornerie.

Associé à ce tribun incarné par Bernard Bloch, Finale, composé par Mauricio Kagel en 1981 célèbre son propre anniversaire. Exécution capitale, Finale dissèque avec ironie le rituel impitoyable du concert, et moque l’autorité du chef aussi bien que la soumission et l’indifférence des musiciens et du public…

Le Tribun ou Dix marches et neuf contretemps pour manquer la victoire (1978) - 35-40’
1 récitant, 1 flûte, 2 clarinettes, 1 trompette, 1 trombone, 1 tuba, 2 percussions, 1 haut-parleur
suivi de Finale (1980-81) - 25’
1 flûte, 1 hautbois, 2 clarinettes, 1 basson, 1 cor, 1 trompette, 1 trombone, 1 tuba, 1 piano, 1 percussion, 1 violon, 1 alto, 1 violoncelle, 1 contrebasse.

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  • L'Ensemble 2e2m

Acteur majeur du paysage international, l’Ensemble 2e2m est une institution de la musique contemporaine. Depuis sa fondation en 1972, l’Ensemble a créé plus de 600 partitions, révélant au public des compositeurs considérés aujourd’hui comme essentiels, et redécouvrant des oeuvres oubliées, sans pour autant négliger le répertoire classique. Il est placé sous la direction de Pierre Roullier, son directeur artistique.

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  • Note d’intention

Mauricio Kagel (né en 1931) a un regard et une écoute sur la vie d‘une très grande acuité. Le Tribun, composé en 1978, évoque ces dictateurs sud-américains ou ces secrétaires généraux des républiques populaires qui ont avili la démocratie par les armes ou par les mots. Finale est le gâteau d‘anniversaire que Mauricio Kagel s’est offert pour ses cinquante ans. On n’est jamais aussi bien servi que par soi-même.

« Un orateur politique tient meeting avec le renfort d’un orchestre de fanfare essoufflé, sur fond de marches militaires. Une répétition ? Oui, si l’on en croit la présence des réactions préenregistrées de la foule dont l’orateur semble tant goûter les acclamations et les hourras. Sommes-nous dans un de ces shows télévisés où l’on exhorte les spectateurs à applaudir au bon moment ? Un sitcom où un faux public réagit et s’esclaffe à notre place ? Serions-nous réellement dans un vrai meeting ?

Mais, alors que l’assemblée s’interroge sans fin, la fanfare militaire laisse échapper une plainte, une nostalgie de valse, l’orateur se prend les pieds -ou plutôt la langue- dans son discours, versant de temps en temps une larme sentimentale et compassionnelle sur lui-même ou sur son peuple. Car la catastrophe approche. Ne joue-t-on pas Dix marches pour manquer la victoire ? Lorsque Kagel écrit Le Tribun en 1978, il dénonce bien sûr les dictateurs d’Amérique latine, les Pinochet, les Videla et autres Perón… Comme Charles Chaplin dans Le Dictateur, il dénonce le fascisme par la parodie. Le grotesque reste en effet un élément essentiel, constitutif du fascisme ; c’est sa satisfaction à s’affirmer comme grotesque qui fait peur et qui fascine.

Aujourd’hui, force est de constater qu’il n’y a pas à chercher bien loin, à l’intérieur comme à l’extérieur de nos frontières, pour trouver de dignes successeurs à ces tribuns. Oui, le texte et la musique de Kagel remettent bien à propos certaines choses à leur place. Mais ici, Kagel procède en véritable homme de théâtre, ses marches militaires et son dispositifélectroacoustique, son texte malicieux deviennent des loupes, qui grossissent le trait et soulignent l’auto-satisfaction, la vulgarité, le simplisme toujours si séduisant de tous les démagogues. C’est aussi en musicien qu’il ménage, dans cet univers brutal et démagogique, des échappées poétiques où, comme chez Mahler, la marche militaire n’évoque plus le bruit des bottes mais les jeux de l’enfance... »

J’écrivais ces quelques lignes pour le programme du Festival des Arcs où nous avions donné avec Bernard Bloch une première version du Tribun en 1999. Je n’en retrancherais pas une ligne. Les résonances politiques du texte de Kagel n’ont fait que se déplacer légèrement, vers des zones, hélas, plus consensuelles et plus majoritaires… Nous avons eu l’occasion de reprendre le spectacle en 2007 au festival Les Musiques de Marseille à la Friche de la Belle de Mai. Mais cette fois, nous le donnions en diptyque avec Finale, une autre pièce du théâtre musical de Kagel. L’accueil enthousiaste que nous avons reçu, le plaisir puissant et communicatif qu’avait ressenti Bernard à jouer ce texte, nous ont convaincus, Pierre Roullier, Bernard Bloch et moi-même, de monter une tournée de Le Tribun/Finale pour la saison 08/09.

Finale, deuxième partie de la soirée, est une pièce musicale ironique et pleine de vitalité, écrite par Kagel pour autocélébrer son cinquantième anniversaire. Elle met fin au règne du chef d’orchestre. Un contrepoint salutaire à l’avènement des commandeurs et des tribuns ?

Jean Lacornerie

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  • Le paradoxe de Kagel

Au fil d’une invention qui toujours désarçonne, on s’est longtemps demandé si Mauricio Kagel n’était pas le Buster Keaton de la musique contemporaine ou alors son Pirandello, un simple bricoleur ou un horloger de génie, un provocateur négatif ou un compositeur de bonne race ? Kagel naît à Buenos Aires, la veille de Noël 1931. Il étudie comme il peut le chant, trois instruments, la théorie, mais échoue à l’entrée au Conservatoire. Il se venge sur la philosophie, la littérature anglaise avec Borges, le cinéma. À dix-huit ans il est conseiller artistique de l’Agrupacion Nueva Musica, à dix-neuf co-fondateur de la Cinémathèque Argentine, à vingtquatre, directeur des réalisations culturelles à l’Université et des études à l’Opéra de Chambre, en même temps que chef d’orchestre au Teatro Colon. C’est alors qu’il décide de quitter son pays où personne ne le joue. En 1956, par trois fois, il sollicite une bourse du gouvernement français. Pas de réponse. Silence également du côté de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis. L’école argentine n’est pas encore à la mode.

Mais voici que l’Allemagne Fédérale l’invite à Cologne. Il s’y installe aussitôt en 1957, travaille au Studio de musique électronique de la Westdeutscher Rundfunk, puis à ceux de Munich et d’Utrecht, crée en 1959 le Kölner Ensemble für Neue Musik, enseigne dès 1960 aux Cours d’été de Darmstadt, puis à Buffalo, à Berlin, en Suède, avant de revenir définitivement à Cologne pour conduire les Cours de musique nouvelle à partir de 1969 et occuper depuis 1974 la chaire de théâtre musical, ouverte pour lui à la Hochschule für Musik.

Le plus étonnant est bien que, tout au long de ces quelques quarante années d’activité professionnelle où la pédagogie tient une place d’importance, le créateur ait pu donner près de deux cents oeuvres pour le concert, le théâtre, le cinéma, la radio, la télévision..., les diriger ou les mettre en scène presque toujours lui-même et dans le monde entier, en former les exécutants particuliers et instituer de la sorte une vraie tradition qui a depuis longtemps, en France notamment, ses interprètes de valeur, son public vaste mais toujours passionné, ses exégètes et même ses épigones.

C’est que l’art de Kagel a les vertus toniques d’une cure de santé. On n’y trouve que distance salutaire, détournement, retournement, second degré, pastiche ou caricature avouée. On y est sans cesse à la frontière du cirque, de la prestidigitation, du théâtre de l’absurde, de la démonstration de gadgets et de la musique de chambre, avec toujours une naïveté dure et un humour cruel à donner froid dans le dos.

Et si un peu de nostalgie, une pincée de tendresse se glissent ici ou là, ce n’est guère que par effraction. Bref, le spectateur-auditeur s’y sent bien, qui se sent libéré des lourdeurs de l’art artistique, de l’esthétique gratuite et de la spéculation abstraite.

Car, au lieu d’agir exclusivement et directement sur la substance de la musique, sa logique, ses formes, voire sur le son lui-même, Kagel s’attaque à l’acte instrumental ou vocal, au geste musical de routine, à la division du travail, à l’idée reçue ou imposée à la sagesse des nations, à la notion d’héritage ou de progrès, à la déification de la machine, à toutes les oppressions et, surtout, aux petitesses et aux immenses prétentions du monde actuel.

Chez lui, la musique est d’abord l’instrument de cette critique avant d’en devenir l’objet, et ce n’est qu’à force de changer de sens qu’elle change réellement de substance.

Or, même quand elle n’est pas théâtralisée, cette musique révèle du théâtre, au point que la partition déjà s’adresse autant à l’oeil qu’à l’oreille, tout cela sans quitter une quintessence musicale, soutenue autant par le contrôle précis des durées et le choix de sonorités rares que par la fonction structurelle du mouvement dans l’espace. De même, le théâtre de Kagel est oeuvre du compositeur qui ne peut faire autrement que d’étendre la pensée musicale hors du champ clos des sons. Cependant, et c’est le comble du paradoxe, le spectacle ne donne tout son poids à la musique proprement dite que si celle-ci lui est délibérément étrangère, comme une manifestation erratique mais inéluctable dans le déroulement des choses. Et ce déséquilibre volontaire, ce porte-à-faux perpétuel ont un mérite inattendu : à force de ne pas entendre ce que l’on voit et de ne pas voir ce que l’on entend, on écoute mieux !

Maurice Fleuret

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Spectacle terminé depuis le samedi 1er novembre 2008

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