Le dictateur et le dictaphone

Pour sa dernière création autour d'une pièce écrite pour lui par Daniel Keene, Alexandre Haslé livre une bouffonnerie qui vire au tragique et nous emmène dans le rêve éveillé d’un bourreau face à ses démons.
Pour sa dernière création autour d'une pièce écrite pour lui par Daniel Keene, Alexandre Haslé livre une bouffonnerie qui vire au tragique et nous emmène dans le rêve éveillé d’un bourreau face à ses démons.
  • Solo clownesque d'un despote plus ou moins éclairé

Pour sa dernière création, Alexandre Haslé livre une bouffonnerie qui vire au tragique à la manière du théâtre de Samuel Beckett.

Quelque part en Europe, au milieu du xxe siècle, dans un lieu confiné, un triste sire se parle à lui-même et s’enregistre. Il veut écrire l’histoire glorieuse de sa vie, raconter ses exploits politiques et ses actes de bravoure. Mais qui est exactement cet étrange personnage ? Un homme de pouvoir en fin de carrière ? Un roi déchu par ses sujets ? Un général à la retraite ? Il semblerait pourtant qu’il ait perdu de sa poigne. Les objets qui l’entourent se montrent récalcitrants ou imprévisibles et semblent s’être ligués contre lui.

Ce clown sinistre est bientôt troublé par des présences mystérieuses qui lui rappellent son passé. Des voix et des visages remuent avec insistance des souvenirs qu’il voudrait oublier. Jusqu’à quand pourra-t-il se duper lui-même et faire semblant de ne pas les entendre ? Acteur et marionnettiste, Alexandre Haslé joue cet homme seul, aussi terrible que grotesque.

Ce monologue « sur mesure » signé par Daniel Keene, conjugue mots crus et envolées poétiques et nous emmène dans le rêve éveillé d’un bourreau face à ses démons.

Par la compagnie les lendemains de la veille.

  • La presse

« A la fois comédien et marionnettiste, Alexandre Haslé interprète, avec une justesse et une sobriété sans faille, ce monologue qu'il a commandé au dramaturge Daniel Keene. Dans une suite de scènes empreintes d'horreur et de folie, et d'une beauté plastique sans commune mesure, l'ancien partenaire d'Ilka Schönbein devient un clown cruel et cynique, fascinant et monstrueux. » Télérama TT

« L’une des réussites de la pièce est de laisser ainsi ouvertes plusieurs interprétations, de ne jamais imposer une lecture unique des choses mais de toujours permettre aux spectateurs de faire travailler leur imagination et de se constituer leurs propres hypothèses. (...) Mais au-delà de cette figure particulière du dictateur, la nouvelle création d’Alexandre Haslé nous invite aussi à nous interroger sur les mécanismes à l’œuvre dans toute forme de régime totalitaire et à nous demander si nous ne sommes pas parfois responsables des chefs que nous avons choisis de porter au pouvoir (...) » Cristina Marino, Blog Le Monde

  • Note d’intention

« Le monde ne compte pas moins de dictateurs de nos jours qu’au siècle dernier. Mais, alors que par le passé on les retrouvait volontiers pendus par les pieds, exécutés derrière une grange ou suicidés sous une chancellerie, ils ont aujourd’hui la fâcheuse habitude de mourir dans leur lit. Et s’il est peu probable qu’ils fassent leur examen de conscience, il n’est pas impossible qu’ils soient victimes de quelques insomnies. » Alexandre Haslé

Pour interpréter ce texte sobre et profond, Alexandre Haslé s’accompagne de ses propres marionnettes et d’un art de la manipulation qui feront naviguer le public entre le réel et le rêve éveillé d’un homme seul face à ses démons. Le personnage se transforme à mesure qu’il est assailli par son passé. Le dictateur apparaît d’abord rationnel, calme et cultivé. Malgré quelques comportements aux allures clownesques, il semble savoir ce qu’il fait, maîtriser la situation. Mais à mesure que ses souvenirs émergent, qu’ils font sentir leur présence à travers l’apparition des marionnettes, ses certitudes commencent à se fissurer. Le comédien et le manipulateur s’engagent dans un face-à-face tout aussi schizophrène que le personnage qu’ils interprètent, son vernis civilisé s’écaille pour laisser voir un être à la dérive.

  • Extraits

« Je n’ai jamais fait que ce qui était nécessaire. Les arrestations, les fusillades, les déportations. Qui s’y est opposé ? Personne. Qu’est-ce que ça me racontait, ce silence ? Et les yeux qui se tournaient vers moi, pleins d’une crainte respectueuse ? Que révélaient-ils ? J’ai toujours été prêt à écouter le point de vue d’autrui. Ai-je fait le bon choix, mes actes sont-ils justes ? Dites-moi ce que vous en pensez. Faites-moi part de vos objections. Elles sont les bienvenues ! Avancez-vous, montrez-vous, parlez franchement, j’ai dit. N’ayez pas peur ! Mais toujours ce silence assourdissant. Même si j’entendais la vermine gratter dans les murs, les vers tournicoter dans le bois, les battements d’ailes sous les avant-toits. Pensaient-ils que je ne remarquais pas comment ils me regardaient quand ils croyaient que je ne les voyais pas ? Pensaient-ils que je ne les entendais pas murmurer dans mon dos ? Je les entendais parler dans leur sommeil, je les entendais chuchoter à l’oreille de leurs maîtresses, je les entendais sous les escaliers, se cachant dans les placards, gigotant dans leurs trous à rats. Il est fou, disaient-ils. Mais c’est le genre d’illusion dont les fous sont victimes. Tout le monde est fou sauf eux. Les illusions sont réservées aux esprits fragiles. Mon esprit n’a rien de fragile. Bien sûr il y a eu des moments où j’ai senti les ailes de la folie passer sur moi. Quel sain d’esprit n’a pas vécu ces moments où il croit perdre la raison ? La peau grouillante, une espèce de nausée dans l’air autour de lui, le cerveau en feu. Seul un dément nierait avoir parfois éprouvé ce genre de choses. Elles sont parfaitement normales. Mais non, je n’ai jamais été victime d’illusions. »

« Mais ces jours-là sont depuis longtemps révolus. À présent, ma vie est tranquille et il m’appartient de la façonner selon mon bon vouloir. Je ne vois aucune fin, aucune limite à ce que je peux accomplir. Je ferai l’histoire. Et je déciderai quand cette histoire prendra fin. Si je décide qu’il y aura une fin. Si je dois arrêter le temps, je l’arrêterai. Je lui ordonnerai de s’arrêter. Si je dois enterrer le Soleil et la Lune, je les enterrerai. L’avenir a été annulé. Il n’y a que le présent, et il est plein de moi. Quel mot magnifique que ce mot là. Moi ! »

  • Correspondance de Daniel Keene

Cher Alex,
J’ai entamé mon travail sur le DICTATEUR, notre projet commun. J’essaie d’imaginer quel genre de personnage je créerai pour toi, quelle est son histoire, quelle est sa situation, sans jamais oublier que tu apporteras au texte ton propre imaginaire, tes propres visions. Je veux créer une base solide, un texte qui se tienne dramaturgiquement, sur lequel tu pourras bâtir ton propre travail.

Pour le moment, je sais que notre personnage est seul. Peut-être se cache-t-il, peut-être est-il en exil quelque part. Ce n’est pas un prisonnier. Il n’est sous aucune contrainte. Il a décidé de livrer un récit de son passé, pour rappeler comment il a accédé au pouvoir, ce qu’il a accompli et ce qui l’a déçu. Un mémoire ? Un ultime testament ? Une confession ? À ses yeux, c’est une histoire glorieuse dont il est le héros victorieux. Mais pour ceux qui pourraient l’entendre, son histoire est une histoire de crimes et de cruautés.

Une fois qu’il a ouvert les vannes de sa mémoire, il est lui-même surpris par la force de ses souvenirs. Comme s’ils avaient été tenus captifs, quelque part, tout au fond de lui. Maintenant qu’ils sont libérés, ils sont envahissants, accablants. Peut-être que, finalement, toutes ses justifications et toutes ses dénégations se sont évaporées. Il se retrouve face à la réalité de ses actes, aux implications de son autorité. Il est assailli par des fantômes, par les visions de ses crimes. Il est seul avec ses victimes, ses ennemis, ses doutes et ses pensées les plus sombres. Il leur résiste, se dispute avec eux, tente de les nier et de les rejeter. C’est un homme coupé en deux, luttant avec les démons surgis de sa propre mémoire. Peut-être que sa conscience s’est finalement réveillée ; mais il semblerait qu’elle ait acquis une vie propre, et c’est un redoutable adversaire.

Il y aura sur scène un seul personnage “réel”, mais il y aura d’autres voix, d’autres présences. Ce sera comme si le dictateur se tenait devant un tribunal, mais ses accusateurs, ses victimes, les témoins de ses crimes, les juges qui le jugent, jaillissent de son propre cerveau. Il traverse une crise, défendant ce qu’il estime être son héritage, tentant de justifier ses crimes, luttant pour sa vie contre un adversaire qu’il n’a encore jamais affronté : lui-même.

Je ne veux pas créer un personnage qui soit fou. Au départ, le dictateur semble rationnel, cultivé, calme et posé. Il se peut qu’il ait de l’humour, qu’il raconte une histoire charmante. Mais à mesure qu’il fouille toujours plus loin dans ses souvenirs, et à mesure que ces souvenirs font sentir leur présence, son vernis civilisé s’écaille, révélant un être totalement différent.

Donc, telles sont mes intentions, dans leurs grandes lignes. J’espère que tu les trouveras inspirantes et stimulantes, et qu’elles sauront nourrir ton imaginaire. Un gros travail m’attend encore, mais je suis impatient de m’y mettre. Je suis certain que notre collaboration sur le DICTATEUR sera enrichissante, pour nous deux, et pour notre public à venir.

Traduction de Séverine Magois.

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Spectacle terminé depuis le vendredi 1° février 2019

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