Dans Les Idoles (Odéon, 2019), Christophe Honoré avait laissé toute la place aux artistes qu’il admirait pour mieux rêver de loin à leurs rencontres. Dans Le Ciel de Nantes, il se met en scène et en jeu. Devant nous, un cinéma désaffecté. Une projection est-elle en cours ? Même dans le cinéma de la mémoire, il n’est pas si simple de raconter une histoire qui en entrecroise tant d’autres, et où chacun voudrait dire la vérité. Surtout quand on revient de l’au-delà à l’appel de Christophe, qui tient à réunir son monde autour du film-puzzle qui aurait témoigné d’eux, s’il avait été possible…
Trois générations sont là. Odette, dite Mémé Kiki, veuve de guerre en 1943, a eu dix enfants, dont huit avec le père Puig. Parmi eux, Roger, Jacques, Claudie, Marie-Do. Cinquante ans de questions ressurgissent, de non-dits, de comptes à régler. Beaucoup de souvenirs qu’on s’offre comme des cadeaux : matches des « Canaris » à la télévision, mélodies de Jo Dassin, chorégraphies de Sheila. Des amours qui tournent à l’aigre, aussi, des dépressions, de la violence... Et, plus mystérieusement, des failles qui se transmettent, des rêves, la folie. Voire quelques « intersignes », qui sont « comme l’ombre, projetée en avant, de ce qui doit arriver. » Pas facile pour Christophe, devant un tel public, de débrouiller l’écheveau du récit familial où il est pris. Mais s’agit-il tant que cela de « reprendre le fil », de révéler la vérité ou rendre justice ? Ce qui fait tenir le portrait de famille, le temps d’un spectacle, est tout autre chose : un besoin de parler aux êtres aimés, une tendresse déchirante, pareille à « un secret », où l’émotion et le souvenir de l’émotion ne se laissent pas séparer.
« Le metteur en scène et réalisateur offre une émouvante plongée dans sa tumultueuse histoire familiale, avec, toujours, cette grâce scénique qui fait sa marque de fabrique. » Sceneweb
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