Le Tartuffe ou l'Imposteur

du 26 au 31 mars 2002

Le Tartuffe ou l'Imposteur

CLASSIQUE Terminé

" Les hommes, la plupart, sont étrangement faits ".Une famille entière se retrouve dans le chaos, kidnappée moralement par " un méchant animal " qui sait jouer de la séduction et de l’intimidation. Avec les neuf jeunes comédiens issus de l’Atelier Volant du Théâtre National de Toulouse,

L’adversaire
Synopsis
Préface à la première édition du Tartuffe (1669)
Le procès Tartuffe
L’interprétation du théâtre classique

« L’homme est, je vous l’avoue, un méchant animal ! » Le Tartuffe – Acte V, scène 6

J'ai toujours ri et j'ai toujours eu peur en essayant de me représenter le personnage de Tartuffe : son visage, sa démarche, sa voix. Cette manière si particulière de nous inquiéter au-delà de la farce. Et la singulière antipathie qu'il provoque, rien qu'à la seule énonciation de son nom. Je retrouve ici l’étrangeté des contes fantastiques du grand Hoffmann.

Plantons notre décor. C'est en pleine nuit, quelques heures avant le douloureux réveil d'Orgon. Il est encore comme en état d'hypnose, dans les attitudes et les poses du dormeur éveillé : seul face au groupe, plein de fulgurances tyranniques et d'arrogance. Les yeux grands ouverts pourtant, mais ne voyant rien. Ivre de son Tartuffe : qu'on me laisse à mon pauvre homme comme en mon sommeil ! 

Alors, il va falloir travailler dur, s'entamer jusqu'à d'impossibles excès pour l’en sortir. Douloureuse épreuve pour chacun des personnages que de lui faire franchir, le temps d'une représentation, la frontière qui le sépare encore du réel !

Jusqu'à quel point faut-il s'engager soi, acteur, pour être au plus près des situations de crise et des enjeux impérieux que Molière met en place tout au long de cet extraordinaire récit ? S'investir tout entier. Jouer sans simulacre la violence des affrontements : la langue, la force des idées, et comment cela ploie les corps - comme l'écrivait Antoine Vitez. 

Il faudrait aussi que l'on ait peur à écouter tout cela. Que cette "sale histoire" fasse écho à nos petites impostures de tous les jours : l'inadéquation entre ce que l'on montre à voir de soi et ce que l'on est véritablement.

Regardons l'étrange ballet des corps qui, dans l'adversité, s'acharnent à rallier le père avant qu'il ne soit trop tard. Suivons les passages aux aveux, les actes irréparables.

Le Tartuffe : usurpation de titre, de rôle. Ingérence inacceptable dans ce que l'on a en soi de plus intime, de plus privé. Mise à nu de tous les rouages d'une fourberie. 

Claude Duparfait

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L’heure est à l’ordre moral dans la maison Orgon. Avec le soutien de sa mère, Madame Pernelle, Orgon a introduit dans sa demeure Tartuffe, personnage dont la dévotion ostensible l’a séduit. Face au nouveau venu, la famille se divise. Dévot ou hypocrite, directeur de conscience ou imposteur ? Cléante, son beau-frère, Damis, son fils et sa servante, Dorine tentent d’ouvrir les yeux du maître de maison. Sous le couvert d’une autorité rigoriste et prude, Tartuffe joue un jeu personnel et cache des appétits sans limites, et il obtient tout d’Orgon : la promesse d’épouser sa fille Mariane, la donation générale de tous ses biens et de vieux papiers politiquement compromettants ; enfin il tente de séduire sa jeune femme Elmire. Démasqué, il utilise tout le pouvoir dont Orgon l’a investi et ordonne dans l’heure l’expulsion de toute la famille…

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Voici une comédie dont on a fait beaucoup de bruit, qui a été longtemps persécutée ; et les gens qu’elle joue ont bien fait voir qu’ils étaient plus puissants en France que tous ceux que j’ai joués jusques ici. Les marquis, les précieuses, les cocus et les médecins ont souffert doucement qu’on les ait représentés, et ils ont fait semblant de se divertir, avec tout le monde, des peintures que l’on a faites d’eux ; mais les hypocrites n’ont point entendu raillerie ; ils se sont effarouchés d’abord, et ont trouvé étrange que j’eusse la hardiesse de jouer leurs grimaces et de vouloir décrier un métier dont tant d’honnêtes gens se mêlent. C’est un crime qu’ils ne sauraient me pardonner ; et ils se sont tous armés contre ma comédie avec une fureur épouvantable. Ils n’ont eu garde de l’attaquer par le côté qui les a blessés : ils sont trop politiques pour cela, et savent trop bien vivre pour découvrir le fond de leur âme. Suivant leur louable coutume, ils ont couvert leurs intérêts de la cause de Dieu ; et Le Tartuffe, dans leur bouche, est une pièce qui offense la piété. Elle est, d’un bout à l’autre, pleines d’abominations, et l’on n’y trouve rien qui ne mérite le feu. Toutes les syllabes en sont impies ; les gestes même y sont criminels ; et le moindre coup d’œil, le moindre branlement de tête, le moindre pas à droite ou à gauche, y cache des mystères qu’ils trouvent moyen d’expliquer à mon désavantage. J’ai eu beau la soumettre aux lumières de mes amis, et à la censure de tout le monde, les corrections que j’ai pu faire, le jugement du roi et de la reine qui l’ont vue, l’approbation des grands princes et de messieurs les ministres, qui l’ont honorée publiquement de leur présence, le témoignage des gens de bien, qui l’ont trouvée profitable, tout cela n’a de rien servi. Ils n’en veulent point démordre : et, tous les jours encore, ils font crier en public des zélés indiscrets, qui me disent des injures pieusement et me damnent par charité. […]

Jamais on ne s’était si fort déchaîné contre le théâtre.

Molière

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Voilà une pièce deux fois interdite, jouée six fois en plus de quatre ans, déjà déformée par les adversaires et la cabale, divertissante aux uns, odieuse à d’autres. La querelle du Tartuffe bat son plein.

Alimentée par les commentateurs, les critiques, les faiseurs d’éditions classiques, les philosophes, les gens d’Église, les comédiens et le public, l’affaire Tartuffe est venue jusqu’à nous ; elle dure encore, elle continue en ce moment.

Depuis bientôt trois siècles, il y a un procès Tartuffe dont les débats ne sont pas encore clos et ne sont pas près de l’être. Les témoins sont innombrables, les dépositions abondantes et tumultueuses. Accumulées de générations en générations, elles forment un dépôt d’archives qui défie l’impartialité ou la perspicacité des chercheurs et les jugements des tribunaux.

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Je pense qu’une pièce de théâtre, quand elle n’est pas un triste porte -manteau pour accrocher des idées ou des théories, est un étrange kaléidoscope pour un jeu d’interrogations à l’infini, auxquelles personnes ne peut répondre, un jeu de réflexions et de réfractions où l’esprit se perd et où l’on risque de ne plus se retrouver soi-même.

Il y a dans une pièce classique un jeu de reflets de l’humain et une réfraction de l’universel, qui définissent l’art dramatique et font du théâtre un désordre et un chaos obligés.

Et la vérité du théâtre, si artificielle soit-elle, si changeante, si constamment désorientée, nous dirige vers une interrogation de l’inconnu beaucoup plus certaine, efficace et solide que les soi-disant vérités.

Une œuvre de Molière n’est plus, à l’heure actuelle, qu’une devinette, une question qui se pose à l’esprit du critique et à la sensibilité du comédien. N’importe quelle œuvre de Molière dont on dit à haute voix le titre, crée, par l’énonciation de ce titre, un immense vide qui s’emplit aussitôt d’un silence interrogateur.

Le personnage s’est « détaché », s’est « évadé » de l’intrigue ; il a déserté les conditions dans lesquelles l’auteur l’avait placé pour devenir la « généralisation d’un type », une « abstraction de personnage », un concentré de psychologie.

Tout est justifiable des interprétations de Molière, parce qu’elles relèvent de la sensibilité du public qui les écoute et des acteurs qui les interprètent.

Les étonnements qu’on éprouve dans les contradictions apparentes de ces interprétations viennent des lacunes qui existent entre notre sensibilité actuelle et celle des hommes qui nous ont précédés.

Que l’on parte de la sensibilité ou de l’intelligence, tout est justifiable et admissible. Conceptions des comédiens ou opinions des critiques, il suffit, pour admettre ces deux témoignages de sources différentes, de replacer dans leur temps la sensibilité des uns et l’intelligence des autres, et de les considérer comme le reflet de la sensibilité générale ou des tendances de l’esprit du public à cette époque. Mais ce sont des « commentaires » périmés pour nous. 

La nature même d’une pièce de théâtre est d’être interprétée et interprétable. Dans le cas de Tartuffe, la critique et les comédiens s’en sont donné à cœur joie. C’est le problème de l’interprétation du théâtre classique.

Louis Jouvet
Témoignages sur le théâtre, Flammarion, 1952

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Spectacle terminé depuis le dimanche 31 mars 2002

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