Le Pain Dur

du 14 mars au 13 avril 2002

Le Pain Dur

CLASSIQUE Terminé

Dès 1908, à Tien-Tsin, Claudel pense à un grand ensemble, un cycle de drames, situé dans le cadre d’une « histoire audacieusement arrangée du XIXème siècle ». Il écrira trois pièces : « L’Otage », dont l’action se situe à la fin du premier empire, « Le pain dur » sous le règne de Louis-Philippe et « Le père humilié », le dernier volet, à la fin du second empire.

Présentation
Il se bat
Au commencement était le « faire »
L'Otage et Le Pain dur
L'Otage
Le Pain dur
Une atroce partie de cartes

Dès 1908, à Tien-Tsin, Claudel pense à un grand ensemble, un cycle de drames, situé dans le cadre d’une « histoire audacieusement arrangée du XIXème siècle ». Il écrira trois pièces : « L’Otage », dont l’action se situe à la fin du premier empire, « Le pain dur » sous le règne de Louis-Philippe et « Le père humilié », le dernier volet, à la fin du second empire.

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 " Je ne peux pas dire que Claudel n'est vraiment pas un artiste. C'est idiot ! C'est bien entendu un grand artiste. Je suis contre lui. Je suis également contre son art, je ne le mets pas en scène. Je suis personnellement pour qu'on écrase son art, pourquoi pas ?

Il se bat, je me bats contre lui, et celui qui peut écraser l'autre, qu'il l'écrase ! Mais ce faisant j'écrase du grand art. Il formule d'une façon artistique et grandiose une pensée ou un sentiment qui me semblent absolument négatifs. Je n'en veux pas. Pourquoi donc ? Pour des raisons sociales aussi, je n'en veux pas ! Il faut pourtant que ça existe. Sinon il faut dire : oui, c'est vrai ce n'est pas de l'art, c'est pourquoi nous pouvons l'écraser. Non, nous pouvons aussi l'écraser si c'est de l'art ! " *

Je le mets en scène. Parce que oui, il faut que " cela " existe. Parce que si son art est grand, c'est peut-être parce que Claudel justement, se bat. Son combat en France aujourd'hui me concerne.

Bernard Sobel

* Entretiens avec Brecht. Werner Hecht. Ed. Messidor

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Claudel, c’est un continent que je ne fais qu’aborder timidement par ricochets : La Ville il y a des années de cela, L’Otage l’an dernier et Le Pain dur demain. Si c’est à Goethe que j’emprunte le titre de ces quelques lignes, c’est parce que c‘est lui qui permet le mieux de dire en quoi Claudel m’importe (Jean Amrouche : « Et quelles étaient vos lectures du temps que vous étiez lycéen ? » Paul Claudel : « Mes lectures ont commencé... ça me semble curieux ! J’ai commencé par Goethe, par Faust. Ça m’avait beaucoup impressionné »).

Faust ouvre un livre, pour aller plus loin dans ses interrogations et ses pensées et lit :
« Il est écrit : Au début était le mot !
Là je m’arrête déjà ! qui m’aidera à avancer !
Impossible pour moi d’estimer à ce point le mot.
Il est écrit : au début était le sens.
N’oublie pas la première ligne,
Pour que ta plume ne se précipite pas !
Est-ce le sens qui provoque et crée tout ?
Il devrait y avoir d’écrit : au début était la force !
Mais même alors que je l’écris
Quelque chose m’adjure de ne pas en rester là
L’esprit me vient en aide ! d’un seul coup je vois l’issue.
Et, rasséréné, j’écris : au début était le faire. »
C’est ce court et célèbre extrait du Faust de Goethe qui, à mes yeux, dit le mieux le creuset d’où procède tout le travail, la quête et la pertinence aujourd’hui justement du poème claudélien.
Car c’est de lui, du « mot », que Goethe comme Claudel ont besoin pour exprimer justement leur méfiance à son égard. C’est elle, cette méfiance, qui fera que jamais le verbe claudélien ne glissera sur le réel, mais qu’au contraire il y trouvera ses racines et en fera une chose vivante, à l’instar d’une plante, d’une chair ou de la lave d’un volcan.

Bernard Sobel

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A travers L'Otage et Le Pain dur, les deux premiers volets de la trilogie de Claudel, une révolution, la révolution bourgeoise, s'impose et s'accomplit : l'ancestral lien féodal est rompu, le capitalisme s'édifie, le colonialisme s'étend, le nationalisme contamine l'Europe, les pulsions et les intérêts individuels sont seuls guides des actions des hommes, l'œuvre s'achève sur un parricide et un quasi inceste, une sorte de " parabole à l'envers " , dit Claudel. Pour lui, une suite s'impose où se manifesterait quelque chose de la présence de Dieu dans le monde.

Pour nous, monter L'Otage et Le Pain dur - après La Ville en 1986 - est une manière de reposer l'autre question ouverte par la Révolution française, étouffée par Thermidor, écrasée avec la Commune, disqualifiée par l'échec du " socialisme réel existant " et dont la trilogie, au moins les deux premiers volets, martèle la nécessité : " changer la vie " , pour en revenir, comme Claudel, à Rimbaud.

A l'origine de la trilogie des Coûfontaine, " une obscure saga villageoise " narrée autrefois par sa vieille nourrice. " Toute mon enfance a été bercée aux lèvres d'une vieille servante, du récit d'antiques forfaits, mêlés à d'obscurs sacrifices, dont je voyais lentement sous mes yeux se réaliser les aboutissements pathétiques. " 

Dès 1908, à Tien-Tsin, Claudel pense à " un grand ensemble " , un " cycle de drames " situés dans le cadre d'une " histoire audacieusement arrangée du XIXème siècle " . Il écrira trois pièces et - le temps d'une nuit tropicale - en imaginera une quatrième qui s'évanouira au matin.

Il n'a pas de plan préétabli, chaque drame naît l'un de l'autre, l'un après l'autre. Mais il sent que l'histoire inaugurée par la Révolution française ne tient pas dans les limites d'une seule génération.

L'action de L'Otage se situe à la fin du premier Empire, celle du Pain dur sous le règne de Louis-Philippe, Le Père humilié, que nous laisserons de côté, à la fin du second Empire.

Dans les deux premiers drames le lieu de l'action est quasiment le même : un coin retiré du département de la Marne, entre Reims et Soissons. Mais c'est un terrible champ de bataille traversé par l'Europe et le vent de l'histoire. Au début de L'Otage, Napoléon est à Moscou, le Pape arrive d'Italie et l'émigré veut l'entraîner en Angleterre. A la fin de la pièce les russes bivouaquent à Pantin. Le Pain dur sent la France de Louis-Philippe travaillée par les spéculateurs et labourée déjà par les chemins de fer, la terre de la Mitidja conquise par le fils de l'aristocrate et du jacobin. La polonaise transporte avec elle le froid des plaines d'Europe centrale et des prisons tsaristes. Quand à Sichel et son père Habenichts, au terme de quelles tribulations l'artiste et le capitaliste juifs parviennent-ils à s'enraciner dans cette terre et cette lignée !

Un monde se défait, un autre s'édifie, les vieux liens se rompent, l'homme abolit le hasard en même temps que l'arbitraire, la liberté et la raison triomphent, même s'il ne reste plus rien entre les hommes que la " dette " , ce qu'un autre appellera " les eaux froides du calcul égoïste " .

Michèle Raoul-Davis, novembre 2000

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Septembre 1812. Napoléon est à Moscou et le Pape emprisonné sur son ordre à Savone. Au fond du département de la Marne, Sygne de Coûfontaine finit de reconstituer pour les enfants de son cousin émigré et proscrit le domaine de leurs ancêtres, démembré et vendu à la Révolution.
Une nuit de tempête, Georges de Coûfontaine revient en secret avec une " prise " précieuse, le Pape , soustrait à ses geôliers. Georges a tout perdu, il est veuf et cocu, ses enfants sont morts, reste sa " mission "  : tout faire pour restaurer en France la monarchie de " droit divin " . Le Pape et Dieu doivent choisir leur camp. Ce que refuse le Pape qui exige la liberté.
Sygne et Georges, derniers de leur race, s'engagent l'un à l'autre.
Mais Toussaint Turelure, baron d'Empire et préfet de la Marne, frère de lait de Georges, fils de la pieuse servante de Sygne et d'un sorcier braconnier, moine défroqué, jacobin, responsable de la mort sur l'échafaud des parents de Sygne et de Georges, veille. Le pouvoir de Napoléon vacille, il est temps de penser à la suite. L'heure est venue où il peut déclarer son amour à Sygne et demander sa main, en échange de la vie et de la liberté du Pape et de Georges. Au terme d'un long et terrible débat avec son confesseur, Sygne consent au sacrifice.
Alors que se négocie l'entrée dans Paris de Louis XVIII , monarque " constitutionnel " , on célèbre le baptême du fils de Sygne et de Toussaint et le transfert de tous les biens et titres de Georges au petit Turelure.

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Quand le rideau se lève sur le second drame, intitulé le Pain dur, une trentaine d’années se sont écoulées ; nous sommes au temps de Louis-Philippe, le roi-citoyen, dont l’image trône sur le mur au-dessus du crucifix déposé ; une civilisation basée sur des principes uniquement matériels s’est établie. Toutes les fenêtres sont fermées, au-dehors règne la tempête et je veux qu’au-dedans on sente comme l’atmosphère d’une forteresse assiégée et minée par un ennemi invisible. Les hommes n’ont plus de père et en effet c’est à l’assassinat d’un Père, à l’intérieur de la Maison profanée, qu’en une espèce de parodie sinistre nous voyons contraints des personnages qui ne sont plus éclairés par des commandements, mais intérieurement asservis par une espèce de nécessité mécanique. Pas de grâce, il n’y a plus que la dette comme en enfer, le devoir moderne, cet Impératif catégorique dont parle Kant, ou obligation pure dégagée de tout motif raisonnable. Et quoi de plus propre en effet à être érigé en « maxime universelle » que l’amour de la patrie chez Lumîr, que le sentiment de l’honneur militaire chez le capitaine Louis-Napoléon, que l’invincible espérance d’un Ali Habenichts, et même que l’ambition de Sichel pressée de « réaliser » la terre promise, et non pas demain, mais comme dit l’office juif de la Pâque « vite, vite, tout de suite, aujourd’hui même ». Seulement à la fin de ce drame, l’Etrangère, l’Exilée, semble s’éveiller et prendre conscience de ce cachot où elle est captive, avant qu’une mort sans espoir le vienne non pas rompre, mais resserrer.

Paul Claudel
Préface à la représentation du cycle dramatique des Coûfontaine (1920)

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Au centre de ce drame, le Pain dur [...] il y a une table autour de laquelle sont assis trois hommes et deux femmes, moins participants d’un repas que d’une atroce partie de cartes : et plutôt que d’une nappe, je la verrais recouverte d’un tapis vert. Cette table, c’est la France de Louis-Philippe livrée aux appétits antagonistes de terribles loups-cerviers. Mais pourquoi ne serait-ce pas aussi cette Europe centrale où ma carrière m’avait conduit à la veille de la crise suprême ? Une partie s’y poursuit par le moyen d’atouts aussi violemment coloriés que ceux du jeu de tarots : le capitalisme, issu de la révolution, qui est Toussaint Turelure ; le colonialisme, qui est son fils ; le nationalisme, qui est Lumîr ; le féminisme qui est Sichel ; le matérialisme économique, qui est Ali Habenichts, et enfin l’image d’un Dieu crucifié qu’on a descendue du mur pour y mettre l’image d’un souverain temporel. Dans le jeu de whist il y a un mort. Ici, c’est tout le monde qui est contre le mort.

Paul Claudel
Le Monde, 12 mars 1949.

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