La patiente ou le jeu de l'amour et de la déontologie

Paris 18e
du 27 mai au 8 juin 2003

La patiente ou le jeu de l'amour et de la déontologie

Jacques, jeune psy à l'éthique imperturbable, se risque dans l'analyse de Catherine, femme explosive et insidieusement séduisante. Combat de tempérament en huit épisodes.

Résumé
Note de mise en scène

Un conte de fée ?
Extraits

Catherine a trente-trois ans, deux enfants pour qui elle serait prête à tout sacrifier. Elle aime porter des chapeaux et voir des hommes en chemise blanche. Elle prétend avoir un mari parfait, une situation, une vie parfaites. Elle n'est qu'à moitié consciente que tant de perfection est la seule cause de l'ennui profond qui la ronge. Elle est payée pour écrire des scenarii de feuilletons télévisés à l’eau de rose qu’elle qualifie elle-même de “débiles”. Bref ! les choix de vie que Catherine a faits ne lui procurent aujourd'hui que remords et désolation, si bien qu'elle a décidé, après deux tentatives de suicide, de suivre une psychanalyse.

Quelques experts auront défilé sans la satisfaire avant sa première séance avec le docteur Jacques Poncet-Bernardini. Le charme s'opère aussitôt puisque Catherine quittera le docteur d'une sale humeur. Chaque scène, séparée de la précédente d'un bon mois est une nouvelle séance faisant l'ellipse de plusieurs autres.

Seulement, la psychanalyse telle qu'on est censé l'entendre n'aura que peu sa place dans la relation entre Jacques et Catherine.

Le texte original de la pièce, intitulé Femme-Sujet est disponible aux éditions des Quatre Vents)

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Nous avons affaire à deux personnages qui ont le génie de se parler pendant des mois sans ne jamais arriver à s’entendre, plongeant le spectateur dans cette situation de tension entre plaisir d’observer et envie d’intervenir tels ces enfants s’écriant “ Attention ! le gendarme ! ” au spectacle de Guignol. Et c’est, selon moi, un des ingrédients de la comédie de boulevard que de devoir assister à, bien plus qu’un quiproquo, une mésentente éminente et progressant là où tous les éléments semblent propices à un pur et simple accord. Cependant, La Patiente est au-delà du gag et du comique de situation ne serait-ce que de par le profond tragique de la situation. C’est là que la pièce quitte le théâtre de divertissement. C’est en cela que la mettre en scène fut pour moi un travail d’équilibriste et je crois être parvenu entier au bout du fil !

Comme un fantôme est condamné à errer entre le monde des vivants et celui des morts, la relation entre Catherine et Jacques se débat entre le monde des vivants et celui des psy. Catherine est une femme, tout ce qu'il y a de plus sensible, complexe, démesuré, excessif, qui est parvenue, par on ne sait quel miracle, à s'introduire dans le cabinet carré et étriqué d'un psy (combien de temps y tiendra-t-elle ?) rencontre inespérée de l'Humain et du Cartésien. Jacques est un homme au cœur tendre qui est possédé par un esprit rationnel et analytique. Il veut jouer au thérapeute mais elle, à l'exorciste.

Je pense que c'est un vrai plaisir que d'assister à une psychanalyse qui ne soit pas la simple dissection d'une personnalité avec un opérant et un opéré. En refusant le divan, c'est comme si Catherine refusait l'anesthésie, mettant ainsi son soigneur dans l'obligation d'avoir recours à des procédés plus doux et surtout plus naturels. Aussi Jacques va-t-il devoir compatir, impliquer son être dans le travail et pas seulement ses compétences professionnelles. Catherine met réellement Jacques à contribution dans son histoire, elle exige de lui une totale exclusivité car, on s'en doute bien, Jacques ne pourrait humainement pas avoir deux patientes comme elle !

La fameuse notion de transfert va alors subir quelques digressions, notamment du fait que dans de telles conditions, elle ne pourra pas être à sens unique. Il est évident que Catherine n'a pas le tempérament à jouer à l'amoureuse si elle doit y jouer toute seule. S'il doit y avoir effusion de sentiments, ce sera à double sens ; il y a des orgueils qu'on ne peut pas corrompre ! Mais s'il s'opère de part et d'autre il ne s'agit plus d'un simple transfert…

En revanche, ce qui va plus concrètement être transféré, c'est la pathologie de Catherine. Au cours de la pièce, elle arrive à surmonter, voir à régler tous ses problèmes sauf un. Le seul qui persiste, le dernier nœud qui ne veut pas disparaître, c'est celui qui s'est mis entre elle et Jacques. Le seul moyen d'en venir à bout est que Jacques admette son implication personnelle, ses sentiments et qu'il cesse de jouer au garde-fou. C'est donc à lui d'accomplir le plus gros œuvre et c'est ce qui a tendance à le rendre fou. Si au début de la pièce Catherine a des comportements apparemment infondés face à un Jacques lucide et sensé, la tendance est plutôt inversée au final. Mais cela n'apparaît pas tant dans la forme que dans le fond. Jacques ne retire pas son uniforme de pompier et Catherine persiste à s'enflammer à la moindre étincelle, cependant, la situation fait maintenant que c'est elle qui a raison. Comment convaincre le psy de se laisser dévorer par sa patiente ? C'est là, la véritable intrigue de la pièce. C'est le moteur du déroulement de l'action. Chaque aspect de sa vie, chaque anecdote, chaque problème qu'elle soumet soit-disant à l'analyse n'a de profond intérêt que grâce à la trame de l'histoire d'amour sur laquelle tout vient s'accrocher.

Catherine bouleverse un ordre établi. C'est l'histoire d'une femme qui jette une pelleté de sable dans une machine tournant à plein régime. Le rythme accélère dangereusement, quelques ratés, des secousses, une explosion, attendre que la fumée se dissipe… et ramasser les morceaux enfin ensemble !

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Toute nue, l'histoire de Catherine et Jacques rejoint celle de la Belle et la Bête. Etant-donné qu'ils sont, comme le dira Jacques, “deux enfants impossibles dans un square”, une de leur préoccupation principale est de devenir adultes. Comme autrefois, avant l'ère de la pédiatrie, racontons-leur un conte qui saura éteindre toutes les angoisses qu'ils éprouvent vis-à-vis du monde des grands. Racontons-leur, par exemple, l'histoire de cette jeune fille qui a dû s'introduire dans le palais d'un monstre qui, comme tout monstre qui se respecte, ne peut avoir d'autre envie que de la dévorer toute crue. Et puis finalement, avouons-lui que sous cette forme cauchemardesque se cache un prince au grand cœur.

Je me suis surpris à découvrir un nombre invraisemblable d'analogies entre le conte de Madame Leprince de Beaumont et la pièce d'Anca Visdei. Aussi mes acteurs en ont-ils subi les conséquences : je les ai fait travailler en impro sur les thèmes fantastiques de la métamorphose et du dédoublement de personnalité. Ça n'est pas pour rien que nos deux personnages ont chacun un double nom : ils jouent, l'un comme l'autre, un double jeu. On retrouve d'ailleurs en Jacques beaucoup du Dr. Jeckyll et Mr. Hyde, avec cette façade d'homme rigoureux qui passe son temps à lutter contre le monstre de sensibilité qui sommeille en lui. Et il a raison d'en avoir peur puisqu'au moment où la bête est lâchée (avant-dernière scène) c'est une véritable scène de jalousie qu'il fait à Catherine mais avec les propos d'un thérapeute. Face à cet hybride incontrôlable, Catherine prendra ses jambes à son cou.

Cependant, dans la forme, La Patiente n'a rien d'un conte de fées. C'est une histoire dure. Racontée avec humour et tendresse, certes, mais une histoire dure tout-de-même. Et puis c'est surtout une histoire de femme. (N'oublions pas le titre original du texte : Femme-Sujet.) C'est au sujet d'une femme qui se débat avec la vie toujours à la limite de basculer vers la mort (elle a commis deux tentatives de suicide). Ce qui la sauve, c'est la force de son caractère. Aussi, pour peu qu'elle eût du sang espagnol, on la confondrait avec un personnage d’Almodovar ! Ça n’est pas un hasard si le texte d’Anca Visdei m’a séduit, moi qui dévore les films d’Almodovar depuis l’adolescence. J’ai travaillé ma mise en scène avec en fond sonore, les musiques de ses films si bien que ma bande-son ne pouvait qu'en hériter de quelques morceaux. Nous nous sommes passé et repassé le dvd de La Fleur de mon Secret : il m'a paru évident que le personnage de Leo, femme tiraillée qui écrit des romans d'amour à l'eau de rose et qu'interprète admirablement Marisa Paredes avait beaucoup à apporter à notre Catherine.

Le jeu consiste donc, concrètement, pour nos deux personnages, à réussir à outrepasser le cadre de leurs rencontres où tout les oppose, pour se rejoindre dans une véritable intimité. Il s'agit, notamment pour Catherine, de crever la carapace de déontologie de Jacques pour trouver l'homme qui se love bien à l'abri dessous. Finalement, ce genre de situation qui semble faire obstacle aux sentiments a toujours eu, au théâtre en tout cas, l'effet inverse. Marivaux était très friand de ça et Catherine en est bien consciente puisqu'elle fait remarquer à Jacques qu'il est " irrémédiablement un personnage de Marivaux ". C'est dans le sous-titre de la pièce que j'ai tenu à rendre à l'auteur du Jeu de l'Amour et du Hasard ce qui lui appartenait.

Guillaume Armide

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Extrait n°1
Catherine
: Ne profitez pas de mes aveux.
Jacques : Je fais feu de tout bois. C'est mon métier. Et je le fais dans votre intérêt.
Catherine : “C'est pour ton bien, ma petite. Et ensuite, je te mangerai toute nue.” Merde : encore un lapsus. Evidemment, je voulais dire “toute crue”.
Jacques : Evidemment, évidemment ! C'est de ça dont vous avez peur : que je vous voie toute nue.
Catherine : Mais non, quand j'ai dit "Je te range toute crue", non "nue"… oh ! la ! la ! maintenant que c'est parti, je n'arrive plus à m'arrêter. Les comédiens le savent bien : les lapsus s'enchaînent…
Jacques : Evidemment…
Catherine : Je sens qu'une déduction géniale est en train de mûrir au soleil de votre inénarrable sagesse…
Jacques : Rien ! Il n'y a rien à déduire ! Il n'y a qu'à écouter : vous craignez que je vous amène à dire des choses qui vont vous laisser toute nue et que je vous cueille ensuite, toute crue, fruit cru, vert pas encore mûr, vierge, et qu'ensuite je vous range donc délaisse, oublie sans vous garder… emporter… Range pour mange, nue pour crue ? C'est vous qui avez dit tout ça.

Extrait n°2
Catherine
: Quand je suis venue vous voir j'étais une loque, je sortais de deux tentatives de suicide, j'étais flanquée d'un mari potiche et je pondais des textes ineptes. Si vous m'avez ouvert les yeux je suppose que ce n'est pas pour me forcer à les refermer ensuite…
Jacques : Vous avez attendu trente-trois ans pour ouvrir les yeux, vous pouvez attendre la fin de la cure…
Catherine : C'est tout de même pas parce que vous êtes un dictateur sadique que je vais passer mon printemps enfermée ici avec vous…
Jacques : … Quand l'amour vous appelle au dehors…
Catherine : Parfaitement ! Vous êtes sûr que c'est une scène d'analyse et pas une scène de ménage ?
Jacques : Parfaitement !
Catherine : Je m'en vais alors. Je ne supporte pas votre regard sur mon histoire.

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Sélection d’avis du public

RE: La patiente ou le jeu de l'amour et de la déontologie Le 12 février 2004 à 17h31

Je ne peux que me contenter de partager de tout coeur cet avis. La comédienne est merveilleuse, joyeuse et chaleureuse. Le comédien est parfait dans ce personnage. Si vous voulez passer une bonne soirée, allez au guichet montparnasse avant le 13 Mars ! Après, il sera trop tard !

La patiente ou le jeu de l'amour et de la déontologie Le 10 février 2004 à 16h25

Une petite piece dans un petit theatre d'une petite rue... Non! Dès les premières répliques, on se rend compte de la qualité du texte. Servi par des comédiens absolument charmants, la soirée devient rapidement délicieuse. Le spectateur, gené d'etre témoin des disputes et sous-entendus du "couple" ne peut que se rejouir de son indiscrétion. Pénétrer dans ce cabinet de psychanalyse est l'une des meilleures choses que j'ai faites ces derniers temps. Allez-y et emmenez vos amis!

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RE: La patiente ou le jeu de l'amour et de la déontologie Le 12 février 2004 à 17h31

Je ne peux que me contenter de partager de tout coeur cet avis. La comédienne est merveilleuse, joyeuse et chaleureuse. Le comédien est parfait dans ce personnage. Si vous voulez passer une bonne soirée, allez au guichet montparnasse avant le 13 Mars ! Après, il sera trop tard !

La patiente ou le jeu de l'amour et de la déontologie Le 10 février 2004 à 16h25

Une petite piece dans un petit theatre d'une petite rue... Non! Dès les premières répliques, on se rend compte de la qualité du texte. Servi par des comédiens absolument charmants, la soirée devient rapidement délicieuse. Le spectateur, gené d'etre témoin des disputes et sous-entendus du "couple" ne peut que se rejouir de son indiscrétion. Pénétrer dans ce cabinet de psychanalyse est l'une des meilleures choses que j'ai faites ces derniers temps. Allez-y et emmenez vos amis!

Informations pratiques

Tremplin Théâtre

39, rue des Trois Frères 75018 Paris

Accès handicapé (sous conditions) Montmartre
  • Métro : Abbesses à 127 m, Pigalle à 334 m
  • Bus : Drevet à 78 m, Rochechouart - Martyrs à 320 m, Pigalle à 337 m
Calcul d'itinéraires avec Apple Plan et Google Maps

Plan d’accès

Tremplin Théâtre
39, rue des Trois Frères 75018 Paris
Spectacle terminé depuis le dimanche 8 juin 2003

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