La madone des poubelles

du 6 au 28 novembre 2008

La madone des poubelles

Gratien, un jeune cadre français en vadrouille dans les rues pauvres de Buenos Aires, croise le chemin de la très belle Lola. Subjugué, il la prend en photo. Mais sous la menace de Rosko, le père roublard de la belle, il doit payer cher les droits de ces clichés. Qu’importe, Gratien s’entête. Il croit en la pureté et en l’innocence de la jeune fille. Il veut l’arracher à sa famille et à la pègre qui fait la loi dans ce quartier.
  • La pièce

Jacques Lassalle, maître dans l’art de la mise en scène, n’est pas en reste lorsqu’il se décide à écrire. Cela donne Lola rien d’autre ou La madone des poubelles, « Tragédie-bouffe ». La pièce pousse dans la chaleur moite de Buenos Aires, avec la sensualité d’un tango agité par la crise économique argentine des années 2000. Chaque pas révèle le drame de la pauvreté et de la corruption en même temps qu’il sublime les corps.

Jacques Lassalle a plus d’une centaine de spectacles à son actif. Au service des oeuvres des autres, le metteur en scène avait comme négligé l’écrivain. L’heure des retrouvailles a enfin sonné ! « Il faut toujours mettre en scène les oeuvres qu’on aimerait écrire et, peut-être quand même, écrire les pièces qu’on aimerait mettre en scène. Mais ça, c’est déjà beaucoup plus dangereux. J’ai très peu écrit. Et pourtant, il n’y a aucune échéance qui soit pour moi plus importante que l’écriture, il n’y en a aucune que j’aie à ce point différée, maltraitée. » Et voilà La Madone des poubelles ! La Vénus des bas-fonds, « cousine lointaine de la Lolita de Vladimir Nabokov » au pouvoir tout aussi envoûtant. La Vierge Marie sur un tas d’immondices : le sacré mystique et mythique confronté à la réalité peu reluisante d’une culture fascinante mais dangereuse pour celui qui n’en connais pas les codes !

Gratien, un jeune cadre français en vadrouille dans les rues pauvres de Buenos Aires, croise le chemin de la très belle Lola. Subjugué, il la prend en photo. Mais sous la menace de Rosko, le père roublard de la belle, il doit payer cher les droits de ces clichés. Qu’importe, Gratien s’entête. Il croit en la pureté et en l’innocence de la jeune fille. Il veut l’arracher à sa famille et à la pègre qui fait la loi dans ce quartier.

Jacques Lassalle s’est entouré d’une distribution d’exception. Il a eu aussi la judicieuse idée de faire appel au scénographe et assistant Marc Lainé. Les deux hommes se connaissent bien, ils ont déjà travaillé ensemble. Son décor, rideaux de fer contre rideau de perles, sert le contraste de ce bout d’ailleurs soudain si proche.

Texte publié chez Actes Sud-Papiers.

  • Un été argentin

Buenos Aires entre décembre 2001 et février 2002. Là-bas, dans l’hémisphère sud, c’était l’été. Je répétais Le Misanthrope au Théâtre San Martin, en espagnol avec des acteurs argentins. Le pays allait cahin-caha. Les gouvernements se succédaient dans le grondement croissant des rumeurs : face à une situation économique de plus en plus alarmante, Washington se détournait, le FMI refusait son aide. Et soudain ce fut la déroute. En quelques jours, le peso, que l’ex-président Menem avait élevé au début des années 90 à la parité du dollar, tombait au quart de son ancienne valeur. Mais les capitaux avaient déjà fui en Europe et aux Etats-Unis ; souvent leurs propriétaires, hommes d’affaires ou estancieros, ces détenteurs d’immenses réserves d’élevage, les avaient suivis ou précédés avec leurs familles. Pour les autres, salaires et retraites n’étaient plus versés ; les guichets de banque restaient fermés, les distributeurs plafonnaient leur retrait à 100 pesos ; les entreprises licenciaient à tout va ; les holdings internationaux se repliaient en bon ordre en essayant pourtant de sauver les bénéfices considérables engrangés durant les années de privatisation.

Du jour au lendemain, employés, fonctionnaires, commerçants, artisans, cadres, ouvriers se retrouvaient sans emploi, sans argent, bien vite à la rue puisque les banques leur refusaient sine die tout versement. Les aînés réunissaient leurs dernières économies pour tenter de renvoyer leurs enfants en Europe. Emigrants d’hier, ils voulaient que leurs descendants redeviennent les émigrés d’aujourd’hui. Mais pour quelle destination, dans quelles conditions, avec quelles perspectives ? On évoquait la grande dépression de 1929. Chaque jour, des piquets de grève, de plus en plus nombreux, barraient la route de l’aéroport. Sur la place de Mai, face au siège du gouvernement, des foules de « cassorolados » frappaient en cadence leurs instruments de cuisine, cependant que le contenu de chaque poubelle, du moindre dépôt d’ordures, était minutieusement inventorié puis prélevé par des familles de « cartoneros », elles-mêmes bien vite contrôlées par des réseaux mafieux. Au Théâtre San Martin, on achevait de bricoler les décors du Misanthrope avec des matériaux récupérés sur les spectacles précédents, et les comédiens, les techniciens venaient répéter sans la moindre garantie de salaire, entre deux réunions syndicales, entre deux manifestations de rue.

Je n’ai jamais oublié, et je crois bien que je n’oublierai jamais ces semaines-là, où je découvrais une des plus belles, des plus opulentes, des plus contrastées, des plus secrètes capitales du monde, la ville Borges, de Sabato, de Gratel et de Piazzola, tétanisée par une nouvelle tragédie. Tout un peuple, trop longtemps floué, tentait, à l’image naguère des mères de la place de Mai, de survivre en résistant jour après jour aux tentations du pire, celles qui mènent aux bains de sang des guerres civiles ou à l’hébétude de tous les renoncements.

Dans le même temps, je revenais à l’écriture. Depuis un certain nombre d’années déjà, des amis, en premier lieu René Gonzalez, m’y exhortait. J’avais écrit, l’année précédente, à l’occasion de mes adieux au Conservatoire, Après, une pièce pour les élèves de ma dernière classe. J’étais en train de terminer un scénario en vue d’un premier film. Je venais d’adapter, à partir de La douleur de Marguerite Duras, pour Vidy précisément, Monsieur X dit ici Pierre Rabier.

Entre l’Agnès de L’Ecole des femmes, retrouvée à l’Athénée, et la Lolita de Nabakov dont j’avais envisagé longtemps de porter à la scène le scénario qu’il avait lui-même écrit pour le cinéaste Stanley Kubrick, sans que celui-ci d’ailleurs l’ait finalement retenu, je rêvais d’une figure de jeune femme prise entre dépendance et révolte, entre tango et néant. L’expérience de Buenos Aires me dotait à point nommé, pour donner vie à ma Lola, d’un espace encore mythique, à nos yeux d’Européens, et désormais ballotté entre farce et tragédie, par les cahots de son devenir historique.

Jacques Lassalle, novembre 2004.

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Spectacle terminé depuis le vendredi 28 novembre 2008

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