La Sonate des spectres

Saint-Denis (93)
du 24 février au 30 mars 2003

La Sonate des spectres

" La Sonate des Spectres apporte le sentiment d’un quelque chose qui sans être sur le plan surnaturel, non humain, participe d’une certaine réalité intérieure. [...] Tout ce qu’elle révèle, nous l’avons vécu, rêvé, mais oublié." Antonin Artaud

Extrait
Intentions de mise en scène
À propos de La Sonate des Spectres
Strindberg, la scénographie et la photographie

L'étudiant

… Où est la virginité ? Je ne l’ai vue que dans les musées anatomiques, dans de l’alcool à 90°. Où est la beauté ? Dans la nature et dans mon âme quand elle porte ses habits du dimanche ! Où sont l’honneur et la fidélité ? Dans les contes et les spectacles pour enfants !

Pourquoi ne voulez-vous pas être ma fiancée ? Parce que vous êtes atteinte à la source même de la vie… Je sens que le vampire de la cuisine se met déjà à sucer mon sang. Une lamia qui tête les enfants. C’est toujours à la cuisine que les enfants sont souillés dans ce qu’ils ont de plus tendre, à moins que ce ne soit dans la chambre à coucher… Il y a des poisons qui vous rendent aveugles et d’autres qui vous ouvrent les yeux. Il semble que je sois né les yeux ouverts, car je ne peux pas confondre la beauté avec la laideur et le bien avec le mal. Je ne peux pas ! La descente du Christ aux enfers, c’est son passage sur cette terre, dans cet asile de fou, ce bagne, cette morgue. 

La Sonate des Spectres, acte 3 

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« La Sonate des Spectres apporte le sentiment d’un quelque chose qui sans être sur le plan surnaturel, non humain, participe d’une certaine réalité intérieure. C’est ce qui fait son attrait. Elle ne manifeste rien que de connu, quoique d’enfoui et de détourné. Le réel et l’irréel s’y mêlent comme dans le cerveau d’un homme en train de s’endormir, ou qui se réveille tout à coup s’étant trompé de côté.
Tout ce qu’elle révèle, nous l’avons vécu, rêvé, mais oublié. » 

C’est ce qu’écrivait Antonin Artaud en 1930, alors qu’il envisageait de mettre en scène ce qui reste l’un des textes de théâtre les plus étranges, les plus aventureux du 20ème siècle. Peu montée, La Sonate a profondément imprégné des parcours artistiques aussi différents que ceux d’Ingmar Bergman, qui l’a mise en scène pas moins de quatre fois au cours de sa longue carrière, ou Sarah Kane qui s’en est inspirée pour écrire la pièce Purifiés… 

Notre projet voudrait s’établir dans la région intermédiaire qui va de l’état de demi-sommeil, où les visions les plus étranges, les pressentiments, les « imaginations » affluent et se mêlent, à l’état opposé de conscience aiguë, où connaissance et lucidité font se rejoindre l’éblouissement et la noirceur. 
La scénographie aura pour fonction d’articuler la réalité matérielle, concrète, lourde même, du terrestre, avec celle plus abstraite, diaphane, des visions : entre la grotte et la machine, un appareil capable de capturer, comme une plaque photographique sensible, les mouvements de l’âme les plus ténus.

« Une forme intime, un petit sujet, mais creusé à fond, peu de personnages, grandes perspectives, une imagination libre, mais fondée sur l’observation, l’expérience, l’étude consciencieuse. Simple, mais pas simpliste. »
C’est ainsi que Strindberg décrivait La Sonate des Spectres.
De fait elle apparaît comme une fable, un mystère moyenâgeux, une pièce à la fois mystique et foraine, avec paraboles, allégories, doubles fonds et jeux de miroirs, illusions et apparitions ; ses personnages n’ont ni psychologie, ni caractère, mais délivrent une impression concrète incontournable, ils sont des précipités, au sens chimique du terme, une quintessence de l’humain. 
Dans une espèce de désordre un peu catastrophique, cette pièce de la fin de sa vie laisse entrevoir la possibilité d’un jeu entre les morts et les vivants, le passé, le présent et le futur ; le spirituel y voisine avec le plus trivial ; de brusques changements de registre d’expression, des absurdités dans le scénario, une dérive phobique de l’argument, en font une sorte d’ectoplasme de tragi-comédie absolument en-dehors des conventions, drôle et inquiétante, jamais tout à fait étrangère, jamais vraiment reconnaissable.

« L’espace d’un court instant, on fera nôtres
les peines d’une vie humaine.
"Terreur et compassion" disaient les Grecs
siéent à la tragédie, pitié 
pour celui qui passe par les épreuves,
lorsque, dans le secret, les Dieux jouaient au sort
les vies mortelles.
Et nous, venus plus tard, avons changé les mots :
Humanité, Résignation
sur le chemin qui mène 
de l’Ile de la vie à celle de la mort ! »

(Texte écrit par Strindberg pour l’inauguration du Théâtre Intime de Stockholm ; Cahiers de l’Herne 2000, traduction Elena Balzamo) 

Marie-Christine Soma et Daniel Jeanneteau

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La Sonate des Spectres apporte le sentiment d’un quelque chose qui sans être sur le plan surnaturel, non humain, participe d’une certaine réalité intérieure. C’est ce qui fait son attrait. Elle ne manifeste rien que de connu, quoique d’enfoui et de détourné. Le réel et l’irréel s’y mêlent comme dans le cerveau d’un homme en train de s’endormir, ou qui se réveille tout à coup s’étant trompé de côté.

Tout ce qu’elle révèle, nous l’avons vécu, rêvé, mais oublié. […]

Une figure obsédante de vieillard domine cette fantasmagorie. Peu de pièces, autant que celle-là, imposent l’idée des communications du langage avec la réalité invisible qu’il est censé exprimer. Ce vieillard se présente comme un symbole de toutes sortes d’idées inconscientes ou conscientes de vengeance, de haine, de désespoir, d’amour, de regret ; et il vit en même temps d’une réalité très concrète. Ce vieillard mis là pour on ne sait quelle mystérieuse besogne de vengeance englobe choses et gens dans toutes sortes de calculs précis, mais à la fin la fatalité l’englobe lui-même. Toute la pièce est d’ailleurs régie par cette fatalité visible dans tout. Les personnages semblent toujours sur le point de disparaître pour céder la place à leurs propres symboles.

Une maison transparente sert de centre attractif à la pièce. Cette maison ouverte se laisse voir jusque dans ses secrets. Une sorte de salon rond situé au premier étage y prend un sens magique. 

Plusieurs personnages tournent autour de cette maison comme des morts attirés par leur dépouille. Ce sentiment d’attraction invincible, d’envoûtement, de magie est oppressant, écrasant. […]

La maison est décrite avec ses mœurs, ses habitants et leurs manies. On sent que les destinées de tous les personnages se mêlent, sont liées, comme celles de naufragés sur un navire perdu. Toute la pièce est comme un monde fermé autour duquel la vie circulaire est arrêtée par une brisure nette. 

Les personnages parlent aux apparitions et les apparitions leur répondent. Mais chacun semble avoir la sienne. Et parfois un personnage flairant l’invisible qui est autour de lui semble avoir à cœur de ne pas rester en reste d’invisible avec les autres ; et comme à point nommé ses propres spectres accourent, apparaissent, prononçant des paroles de chair étrangement liées avec toutes les parties concrètes du drame. […]

Antonin Artaud
Projet de mise en scène de La Sonate des Spectres
.

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La Sonate des Spectres (1907) est la troisième des quatre « pièces de chambre » que Strindberg écrivit à la fin de sa vie pour le Théâtre Intime, petite salle de spectacle entièrement vouée à son œuvre, qu’il créa à Stockholm dans la même période avec le jeune metteur en scène August Falck (les autres pièces sont Orage, La maison brûlée et Le Pélican).

C’est dans ce théâtre de 161 places qu’il put expérimenter librement, de 1907 à 1910, ses idées les plus personnelles en matière d’écriture, de jeu et de scénographie. Il pouvait enfin établir les meilleures conditions d’écoute, de proximité et de concentration, après avoir souffert pendant sa longue carrière d’auteur dramatique des habitudes et des conventions qui écrasaient la pratique théâtrale à la fin du 19 ème siècle.

Avec Copeau à Paris, Max Reinhardt à Berlin, Craig en Angleterre, qui proposaient tous des formes intimistes et non réalistes, Strindberg a été l’un des précurseurs qui fondèrent les bases du théâtre contemporain. 

La recherche que je poursuis depuis une dizaine d’année dans le domaine de la scénographie est évidemment redevable de ces expériences qui ont influencé de façon plus ou moins souterraine le théâtre de tout le 20ème siècle, et qui trouvent aujourd’hui un écho particulièrement fort…

Strindberg reprochait généralement aux mises en scènes de ses pièces de trop matérialiser ses visions. 
Il rêvait de scénographies permettant de passer d’un espace à l’autre, d’une atmosphère à l’autre avec la légèreté des rêves.
Il suggère même dans une lettre à l’un de ses metteurs en scène l’emploi de lanternes magiques pour susciter par des visions fugaces les univers visuels que requière son théâtre « onirique ». 

Parallèlement à cela et tout au long de sa vie, il a pratiqué la photographie, et au moment où il écrivait La Sonate…, il s’acharnait à reproduire grandeur nature les portraits en pied des êtres qui lui étaient chers et qui l’avaient quitté. 
Dans le roman Drapeaux noirs, il met clairement en évidence la similitude, selon lui, de l’opération photographique avec les mécanismes psycho-physiques contribuant à l’apparition des spectres.

Il y a dans La Sonate… toute une population à mi-chemin de l’existence que j’aimerais traiter en images projetées, une discrète présence de l’image enregistrée, sur le même plan que celui des acteurs, leurs doubles parfois, parfois de vraies présences, parfois le souvenir de ces présences : 
La fiancée âgée à l’air hagard qui vient s’asseoir à la table du "dîner des spectres", le monsieur distingué et la dame en noir, le cadavre du consul qui se promène avec un drap sur l’épaule, ou même la laitière, parfois concrètement présente et en contact avec l’étudiant, parfois pure vision d’épouvante.

Daniel Jeanneteau

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Spectacle terminé depuis le dimanche 30 mars 2003

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