La Rue plonge le spectateur dans l’univers de la littérature yiddish d’avant-garde de l’entre-deux guerres.
Le personnage principal, soldat démobilisé, est craché par la guerre dans une ville où il n’a plus d’attaches. Exclu parmi les exclus, il erre dans les rues en quête de travail, d’un abri, ou tout simplement de pain. Dans ce dénuement extrême, il est en proie au froid, à la faim et sa fatigue confine à l’épuisement. Quand il parvient à dormir, ses rêves sont hantés par les souvenirs de guerre et des visions hallucinées. Pourtant malgré la violence et la précarité de sa condition, il tient bon, et s’appuie sur la moindre étincelle de bienveillance et d’espoir. Les rencontres qui émaillent son parcours, même fugitives, lui permettent de rester debout et de conserver son humanité et sa dignité.
Le spectacle associe marionnettes, univers du cirque et du théâtre. Il s’inscrit dans une esthétique expressionniste et cherche à rendre visible la subjectivité de l’expérience du soldat… Il s’agit de donner une idée du regard qu’il pose sur ce qu’il entoure et de l’expérience que les bouleversements apportés par la violence de la première guerre mondiale, première guerre moderne, lui font traverser. Une attention particulière sera portée au corps du soldat, ce corps exténué par les marches sous la pluie, dans la boue, malmené par la dureté des trottoirs glacés et humides de la ville, ce corps qui aspire au repos, à la chaleur du soleil et qui est aussi parfois saisi par le désir ou le rire.
Dans le roman, on trouve comme dans la pièce, plein d’histoires en une. Une galerie de personnages et de situations, hautes en couleurs et émotions.
Le spectacle est ancré dans la culture yiddish et ses avant-gardes artistiques qui se sont développées avec une puissance fulgurante à cette période dans la mouvance de l’expressionisme, du surréalisme, du dadaïsme et de l’ensemble des modernités de cette première moitié du 20ème siècle pour disparaître presque entièrement dans l’effroi de la Shoah.
En élaborant ce spectacle, nous avons beaucoup pensé à ce qu’Antoine Vitez disait : « La souveraineté du théâtre, c’est précisément de pouvoir représenter l’irreprésentable, c’est-à-dire incarner le fantôme ».
Avec la participation, à l'écran, de Laurent Stocker de la Comédie Française.
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