La Maladie de la mort

Boulogne Billancourt (92)
du 29 au 30 avril 2014

La Maladie de la mort

L’expression d’un amour infini
Une plongée au plus profond des contradictions de l’âme. C'est en écrivant cette pièce que Marguerite Duras retrouvera progressivement l’énergie et la force créatrice de ses dernières années.
  • L’exploration de l’absence de désir mais aussi l’expression d’un amour infini

La Maladie de la mort, long poème en prose, relate l’histoire d’un homme et d’une femme enfermés dans une chambre. L'homme a demandé à la femme de venir, et l’a peut-être même payée pour cela.

Ce qui va se jouer entre eux, c’est d’une part l’exploration de l’absence de désir mais aussi l’expression d’un amour infini. Les draps dans lesquels la femme est couchée peuvent figurer un linceul, la non-jouissance de l’homme peut signifier un arrêt de mort, toujours est-il que le texte raconte le mystère infini de la relation entre deux êtres ; il touche à l’inconnaissable. Et un jour la femme disparaît…

Écrite aux pires heures de sa maladie – Duras souffre, en 1982, d’une cirrhose aiguë doublée d’une grave dépression –, dictée phrase par phrase, parfois dans un semi-coma, à son compagnon Yann Andréa avant d’être remaniée et corrigée, La Maladie de la mort est une plongée au plus profond des contradictions de l’âme. C'est en écrivant cette pièce qu’elle retrouvera progressivement l’énergie et la force créatrice de ses dernières années.

  • Note de metteur en scène

La difficulté des hommes à s'abandonner

Marguerite Duras est pour moi un immense auteur, entre autres parce qu'elle sait si bien, par son écriture, transformer un fait divers en une tragédie. Je reste très marquée par la phrase qu'elle avait écrite au moment de l’affaire Villemin, ce « Sublime, forcément sublime ! » qui avait tant fait jaser… Pourtant, je trouve qu'elle a raison.

La Maladie de la mort n'est pas à proprement parler un texte de théâtre, il s’agit plutôt d’un long poème en prose où Duras parle de la difficulté d’un homme à aimer une femme, à aimer tout court. Nous sommes tous confrontés à ce phénomène à un moment donné de notre vie, à cet abandon qui mène au plaisir, au lâcher-prise qu'engendrent l'émotion et le désir charnel. La Maladie de la mort, c'est aussi une femme qui écrit sur le désir des hommes, sur l'acte d'aimer et l’acte sexuel. Ce qui est décrit est incroyablement quotidien, presque dérisoire, et pourtant sublime.

Rares sont les textes qui parlent aussi admirablement du corps de la femme, de son désir et de l'inquiétude que ce désir engendre, et qui décrivent aussi précisément ce gouffre, ce néant du corps que l'on éprouve quand on boit, qui cernent cette quasi-impossibilité qu'ont les hommes à se retrouver dans cet état d'abandon qui caractérise parfois les femmes. L’absence du « je » donne une distance poétique très juste à ce fait divers – j'emploie ce mot à dessein ; la version des faits est celle d’une femme, qui montre à quel point les hommes ont du mal à ne pas parler d’eux, à quel point ils peuvent se perdre dans la parole et, ce faisant, être incapables de vivre… On pourrait dire que la maladie de la mort, c’est la maladie de ne pas savoir vivre.

Une femme qui serait toutes les femmes

La Maladie de la mort étant davantage un long poème qu'une pièce de théâtre, je pense que Marguerite Duras ne se voyait pas metteur en scène au moment de l'écriture. Si je n’ai pas voulu respecter les didascalies qui figurent à la fin de l'édition, j’ai en revanche suivi l’idée, induite par le texte lui-même, de ne pas scinder la parole en deux, en confiant une partie à la femme et une autre à l’homme. Je n’avais pas envie de pousser l’identification du spectateur à ce couple précis. Cela peut être n’importe quel couple ! Pour moi, La Maladie de la mort, c’est un homme qui raconte comment il aurait choisi une femme, l'aurait payée, lui aurait donné rendez-vous dans une chambre et aurait pleuré, serait devenu fou de voir qu’elle dort pendant qu'il pleure, l'aurait prise, et n’aurait pas résolu comment vivre d’aimer. À un moment donné, cette femme aurait disparu ; je n'avais pas envie de lui donner un corps. Même si Matthias Langhoff et moi montrons une femme sur le plateau, nous ne voulions pas qu'il y ait de correspondance entre cette femme et cet homme. Cela pourrait être n’importe quelle femme dans une chambre d’hôtel ; non pas dans ce qu’on aimerait voir d’elle dans sa nudité, mais plutôt ce qu’on aimerait voir d’elle en lui volant l’image de son intimité : une femme assise sur un lit, qui se sèche les cheveux… Une image quotidienne en somme, dans le quotidien d’une chambre d’hôtel anonyme, dans toutes les chambres d’hôtel du monde. Cette femme peut être toutes les femmes. Duras est magnifique parce qu'elle part d’une histoire banale, dit qu'elle peut être l'histoire de tout le monde, et en fait une histoire passionnante.

C'est l'acteur qui prend tout le texte en charge dans cette mise en scène ; il parle peut-être à quelqu'un dans un bistro, ou nous parle à nous, spectateurs. Il dit toute cette histoire. Il dit tout, au lieu de rejoindre cette femme dans le lit.

Des images récurrentes

Travailler avec Matthias Langhoff, c'est se retrouver d'emblée sur tous les terrains, parce qu'on est face à un artiste à part entière – un grand metteur en scène qui est aussi, on l’oublie souvent, un immense scénographe. Je lui ai d'abord demandé de faire des lumières ; ces lumières faites, il m'a proposé un décor dans lequel elles conviendraient à merveille, mais aussi un film. Ce film est une façon pour nous de boucler la boucle de plus de quinze années de compagnonnage artistique ; c'est celui qu'il avait utilisé pour sa mise en scène de La Danse de mort de Strindberg à la Comédie-Française, spectacle dans lequel j'ai joué pour la première fois sous sa direction. Ses images sont souvent une lecture supplémentaire des oeuvres qu’il monte. Dans La Danse de mort figure aussi ce thème du couple qui se détruit au lieu de se magnifier. Matthias symbolisait cela, entre autres, avec des images de mer. Elles sont réutilisées dans La Maladie de la mort. On sait combien Duras a parlé de la mer et de toute la symbolique qui s'y rattache, notamment dans l'homonymie mer/mère. L'homme retourne sur le balcon pour voir la mer. La présence de celle-ci, dans le film, et surtout la métaphore d’un homme qui se noie dans l’Antarctique, une mer froide, sont un retour au point de départ.

On peut dire qu’il y a trois niveaux de lecture dans La Maladie de la mort : en fond de scène le film projeté, au deuxième plan une femme dans une chambre, sur une musique composée par Cyril Giroux, et au premier plan Alexandre Pavloff, avec nous, qui nous raconte un homme qui nous raconte sa difficulté d’aimer.

Muriel Mayette-Holtz, décembre 2013, propos recueillis par Laurent Muhleisen, conseiller littéraire de la Comédie-Française

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Spectacle terminé depuis le mercredi 30 avril 2014

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