Elle, Louise Brooks

du 20 au 28 mars 2001

Elle, Louise Brooks

CLASSIQUE Terminé

Elle ! Louise Brooks est un hommage au " mystère " Louise Brooks. Il s’agit ici de rencontres lumineuses et déterminantes : celle du compositeur Roberto Tricarri, passionné de cinéma muet et de l’actrice Hanna Schygulla, précédée de la " rencontre " (au tra

Présentation
Celle qui était toutes les autres en une...
Roberto Tricarri, le passeur de rêves
A propos du Journal d’une fille perdue
Le Journal d’une fille perdue
Georges Wilhem Pabst (1895-1967)
Louise Brooks

Présentation

Sans nostalgie historique, le cinéma muet est pour moi, au même titre que les grands textes classiques, un support intemporel de créations contemporaines où peut se rejouer librement le rapport amoureux entre la musique et l’image.

Après quinze années de compagnonnage musical sur les images muettes de ce cinéma, cette future création est née du désir secret de la voix. Nourri d'une enfance vécue dans les murs d'un opéra, ce désir attendait une complicité...

Des rencontres lumineuses et déterminantes sont à l’origine de cette création : celle entre l’actrice Hanna Schygulla et moi-même , précédée de la « rencontre » (au travers de l’écran) d’Hanna Schygulla avec celle qui deviendra sa muse, Louise Brooks.

Ensemble, nous avons rêvé, et Louise Brooks - l'actrice et la Femme- est alors venue éclairer l'évidence du chemin. Nous avons découvert Le Journal d'une fille perdue qui s'est imposé avec l'univers de Pabst, son cinéma du clair et de l'obscur, de la grâce et de la perversité. Cette œuvre bouscule les convenances et exalte avec éclat l'insoumission et la beauté.

Seule en scène dans un prologue, Hanna rejoint bientôt les musiciens. Vient alors l'obscurité, puis la lumière qui fait vivre à nouveau les ombres.

Profonde et sensuelle, la voix d’Hanna portée par la musique, offre le partage d'un univers onirique, d'une nouvelle lecture sensible de cet hymne à la liberté qu'est Le Journal d'une fille perdue.

La voix, la musique, le silence s’unissent et peuvent résonner pour chacun de nous tous, artistes sur la scène et spectateurs dans la salle, comme des voix intérieures.

Roberto Tricarri

Celle qui était toutes les autres en une...

Bien sûr, on m'a souvent demandé qui était mon idole
Et moi je n'étais pas si sûre que j'en avais une...
Ou alors peut-être... s'il en fallait une alors peut-être
à la sortie de mon adolescence Brigitte Bardot la femme animale
et un peu plus tard : Marilyn Monroe la femme séductrice
et un peu plus tard : Jeanne Moreau la femme mystère
et un peu plus tard : Simone Signoret la femme tout court
et encore plus tard : Ingrid Bergman l'être tout court
et puis beaucoup plus tard... j'étais devenue moi-même actrice de cinéma...
Je rencontre mon étoile-phare
Je la rencontre dans le vieux film muet Loulou de Pabst
celle qui était toute les autres en une... Louise Brooks.

A peine je la vois... je sais que c'est elle
Elle rayonne d'une telle essence de rare pureté
ça donne le vertige comme l’être plus fort des enfants pas encore apprivoisés
ça vient d'une zone où la morale ne s'y est pas encore enracinée
où la vie ne se cache pas encore derrière les masques de nos jeux sociaux
c'est le choc de la pureté sauvage.

C'est à travers Louise Brooks,
peu importe qu'elle fût habillée en blanc ou en noir,
que j'ai vu apparaître sur l'écran la belle nudité de ce que j'ai envie d'appeler :
« L'enfant achevée qui s'est réveillée femme »
sans être dérangée par les spasmes de la conscience,
C’est-à-dire : la conscience dérangée par soi-même.

C'est peut-être pour cela que Louise Brooks voulait éviter
de se rencontrer elle-même sur l'écran et elle dit :
« On m'a fait une projection de mes films et je me suis endormie après cinq minutes. »
C'est peut-être ça la condition pour rayonner cet état de grâce :
ne pas croquer la pomme de la connaissance
de la connaissance de soi-même.

Louise Brooks s'est retirée de l'écran en plein milieu de sa carrière !
Est-ce qu'elle n'a pas eu de regrets plus tard ?
Etait-ce le destin d'un avènement prématuré ?
Etait-ce une façon de se sauver ?
Ou était-ce « La malédiction de la beauté »
qui élève la belle sur un nuage distant de nous autres créatures ?

Tant de questions à travers tant de beauté visible !

Cela invite à vouloir toucher au « Mystère : Louise Brooks »...
c'est pour cela qu'il m'a paru tout naturel de vouloir lui rendre hommage...
Quand Roberto Tricarri m'a proposé
de m'embarquer dans sa belle aventure : réinventer le son du film muet
« Le Journal d’une fille perdue ».

Et comment ?

Peut-être au lieu d’une sonorisation plus ou moins évidente
est-ce possible de rendre cet hommage au travers d’une sorte de poème sonore ?

Peut-être même est-ce possible de décoller de la fable
vers un flot de conscience
par certains moments
Ces moments de vertige par exemple
où Louise Brooks « tombe dans les pommes d'un paradis perdu »...
les moments où elle glisse dans l'évanouissement...
ces moments où elle se défait de sa vie actuelle comme d'un gant
qui empêche le contact avec sa nature profonde, son côté illimité...
et qui selon moi est la nature profonde de nous tous.

Et dans ce flot de conscience
pourront s’entremêler nos esprits
Hors temps… hors champ…
Et pourtant
au cœur des ténèbres de la même salle de projection.

Hanna Schygulla

Roberto Tricarri, le passeur de rêves

Une musique-sortilège comme issue des vapeurs d'une cassolette magique. Entre les regards brillants dans 1’obscurité et l'écran où le pinceau de lumière fait danser les ombres fugitives, elle est le sésame d'un monde étrange où l'expression se fait gestuelle et regard, où les volutes sonores jouent et se jouent d'un spectateur tellement consentant !

L’émotion vibre dans ces mélodies chantantes qui se font rire ou cri, chuchotement ou voix claire, ironie ou mélancolie, dans ces rythmes où bat le cœur du temps, cet ostinato qui dit 1’angoisse, 1’entêtement ou 1’attente, cette couleur harmonique qui vous bleuit 1’âme, cette flûte qui vous entraîne vers un lointain ailleurs... on ne sait pas, les yeux fascinés par l'aventure des images, le pouvoir mystérieux et immense du long ruban de notes émanant de 1’orchestre sous l'écran.

Roberto Tricarri se fait le maître de cérémonie de compositions lentement enfantées dans la solitude du passeur de rêves. Il a puisé au cœur d'un monde émotionnel où ne résonne pas la parole bavarde, des musiques promptes à s'envoler vers l'imaginaire. Au voyageur immobile, elles offrent une plongée onirique jusqu'aux profondeurs inconnues de notre psyché...

Michelle Messager-Natîez
Thèse en cours : Les passeurs de rêve
Les musiciens du cinéma muet et leurs musiques -
Paris 1910-1929.

A propos du Journal d’une fille perdue

Après Loulou qui fit connaître le merveilleux « miracle Louise Brooks », Pabst prolongea son élan créateur, de type foncièrement anarchiste, en vue d’une libération psychique, donc plus nettement politique et sexuelle, de son personnage principal dans Le Journal d’une fille perdue. Mieux encore que dans le titre précédent, pour ne pas vexer de front autorités et producteurs, il choisit un scénario d’allure mélodramatique ( adolescente séduite par plus âgé qu’elle, père indigne, mort du bébé, suicide, maison de plaisirs tarifés, noce avec un vieil aristocrate etc…) qu’il va retourner en son contraire ( une bataille contre les moralismes rassurants) par la mise en scène et l’ambiguïté cristalline en diamant noir de son actrice. Avec une lucidité déflagrante, il analyse les comportements d’une famille bourgeoise ; lovée sous l’ostensible monotonie que vivent des commerçants autour de secrets intimes révélés d’un geste ou par d’affreuses réalités qui, brusquement, émergent du quotidien.

En Allemagne, aux résultats des élections de 1928, le parti du nazisme échoua devant celui des sociaux-démocrates, ce qui gêna certains représentants des milieux dirigeants liés aux grandes industries. Quelques-uns d’entre eux s’approchèrent alors d’Hitler et 1929 sera pour le pays une année tournante entre la gauche et l’extrême droite, dont le seuil final en 1933, sera la populaire arrivée au pouvoir de celle-ci.

Thymiane, la fille du pharmacien prend, de façon volontaire, le contre-pied des espoirs de sa famille qui symbolise, en conséquence, un projet préfiguré par l’ensemble de la nation : au lendemain de son triste séjour au foyer de redressement qui ressemble à une caserne prussienne, elle s’affranchira, sous le prétexte de son mariage avec le comte, pour crier son dégoût et sa révolte : cet amer sentiment dépasse le moment, le cadre national et devient contemporain de notre monde qui, pour des raisons proches, suscite la même horreur aux esprits clairvoyants. Ni la fin de la deuxième guerre ni la chute du mur de Berlin n’ont changé les rapports des libertés individuelles bafouées en face de sinistres dogmatismes réactionnaires, sans doute mieux cachés qu’autrefois : l’argent, dont Pabst parle franchement, dresse une menace fondamentale aux espoirs des libertés personnelles et de la fraternité.

Tourné voici 70 ans, Le Journal d’une fille perdue constitue, à tous égards, par le style de son cri, l’une des grandes fresques non point du siècle ancien, mais du nouveau ; car derrière une apparence que la technique du muet rend trompeuse, ce film s’attache à la société vécue aujourd’hui par les Occidentaux. Les censures qui s’acharnèrent sur des séquences jugées choquantes ( plus ou moins restituées maintenant) avaient instinctivement compris cette permanence à venir, et le caractère scandaleux de leur effroi demeure aussi terrifiant qu’avant, dans nos sociétés partagées de banques en maffias, de communications intensives en attraits de la pédophilie, dérives louches que dénonce déjà l’héroïne incarnée par Louise Brooks.

Il n’est pas indifférent que la projection, en ce début de millénaire, soit accompagnée de la présence et de la voix d’Hanna Schygulla qui, montant des chefs-d’œuvre de Fassbinder liés au Troisième Reich vaincu revient jusqu’à nous à travers l’une des inoubliables hantises de la problématique sociale, dessinée au couteau pendant la République de Weimar.

Freddy Buache

Le Journal d’une fille perdue
Das Tagesbuch einer Verloren

1929
Réalisation : G.W. Pabst
Scénario : Rudolph Léon
D'après le roman de Margarethe Boehme
Assistants réalisateurs : Marc Sorkin et Paul Falkenberg
Photo : Sepp Allgeiter
Décors : Ernö Metzner et Emil Hasler

Distribution :
Louise Brooks / Thymiane
Joseph Rovensky / Hennihng
Vera Pawlowa / Tante Frida
Fritz Rasp / Meiner
Arnold Korff / Comte Osdorff

Georges Wilhem Pabst (1895-1967)

Né en Bohème en 1885.

D’abord musicien, en Suisse et aux Etats Unis, il aborde la mise en scène dès 1918 en plein courant expressionniste. Dans cet esprit, il réalise son premier film en 1923 : Le Trésor.

Avec La Rue sans joie ( 1925) qui le fait connaître, s’amorcent les préoccupations sociales qui marqueront désormais ses films. C’est la « nouvelle objectivité » (réalisme) qui l’amènera plus tard à rencontrer Bertolt Brecht. Les découvertes de la psychanalyse, certaines tendances anarchistes, une sensualité naturelle et une violence contenue aboutiront, après L’Amour de Jeanne Ney ( 1927) au premier chef-d’œuvre absolu de Pabst Loulou. Dans ce film, on découvre une des plus fascinantes actrices du cinéma : Louise Brooks. Pabst, en 1929, tourne avec Louise Brooks Le Journal d’une fille perdue.

Le cinéma parlant, malgré quelques autres grandes œuvres, lui sera moins favorable.

Citons : Quatre de l’infanterie, l’Opéra de quat’sous (1931) et l’Atlantide (1932).

Il meurt à Vienne en 1967

Louise Brooks

A une époque où tant d'énergie est consacrée à perpétuer la vision éphémère de ces stars (femmes objets, hommes objets) livrées à l’appétit oculaire des foules, fantômes vêtus de lumière empruntée, il nous paraît important de pouvoir rendre hommage à l'une des seules actrices de l'histoire du Cinéma qui se soit toujours insurgée contre cette forme nouvelle d’idolâtrie. Il y aurait beaucoup à écrire sur le destin de cette femme étonnante, fille spirituelle de Lou Andréas Salomé, d’une indépendance et d’une intelligence - pour ne point parler de sa beauté - hors du commun.

Louise Brooks n'a pas beaucoup tourné. Trop lucide et trop indépendante sans doute pour jouer le jeu. «Louise Brooks, femme liseron, monte à l'assaut des statues, elle disjoint les pierres du temple, s'enroule autour des colonnes et s'épanouit au fronton, proclamant par sa seule pureté dévorante la victoire de l’innocence et de l’amour fou sur la sagesse débilitante imposée à la société par les Eglises, les Patries, les Familles», nous dit d'elle Freddy Buache.

Il y a eu cette rencontre miraculeuse avec un personnage, « Loulou » et avec un metteur en scène, Pabst. Dans Le Journal d’une fille perdue, autre chef-d’œuvre, elle est toujours perverse, enfantine, naïve, enjouée, amorale, pensionnaire canaille et femme fatale. Louise Brooks emplit l'écran de sa présence magique et apporte au film de Pabst un érotisme de tous les instants. Il en résulte un jeu sublime qui dépasse l’interprétation.

Un jeu où tout l’être est en jeu.

C’est un hommage à l'actrice, mais aussi à la femme Louise Brooks, que nous rendons à travers cette création .

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Spectacle terminé depuis le mercredi 28 mars 2001

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