El Ano de Ricardo (L'Année de Richard)

du 12 au 29 janvier 2012
2 heures

El Ano de Ricardo (L'Année de Richard)

Angélica Liddel revisite Richard III pour transformer le personnage en monstre emblématique de la douleur du monde. Sulfureux et violent. En espagnol surtitré.

En espagnol surtitré.

  • « Jamais ma langue ne put connaître un mot doux capable d'adoucir ma colère. »

Avignon 2010 : choc et unanimité à la fois, Angélica Liddell fait l’événement. En deux spectacles, elle ébranle l’été et le rôle même du théâtre. Épopée choc, La Casa de la fuerza (La Maison de la force) révèle la puissance d’une écriture essentielle. El Año de Ricardo, d’après le monstre de Shakespeare, lâche les chiens de l’abjection. Lui, Richard III, séduit, mord, manipule pour le bonheur d’être abject, vise les pouvoirs, les obtient tous, en jouit jusqu’à la déchéance.

Enragé difforme, il torture dans l’impunité et la délectation pour arriver à ses fins. En une heure, la comédienne s’empare de ce loup sanguinaire, fouille la haine jusqu’au dégoût, dissèque la cervelle et les entrailles du mal. À ses côtés, un corps sans voix, qu’elle maltraite autant que le sien. C’est Catesby, le souffre-douleur. Plus loin, un sanglier figé à qui elle se confie, en espagnol ou en français. Ici, Richard III boit des litres, recrache, urine. Il vocifère, rit, injurie, et crache les mots de Primo Levi, et vomit La Marseillaise. Il rote, éructe, animal génial.

Liddell bouleverse les attentes et les codes de jeu, elle mue, et le monstre prend corps : l’homme, capable de la Shoah et de l’oubli, ce pourri dedans et dehors. À corps perdu, elle plonge dans la maladie, la sienne et celle du tyran. Lui comme elle, maniaco-dépressifs, bouffis de bières et de calmants, s’enlisent dans leurs volcans d’émotions. Artiste ou martyre, virtuose de la performance obscène et grandiose, l’actrice et dramaturge espagnole expose la douleur du monde, l’horreur de l’autre. Pari tenu : exhiber le dégoût, disséquer les entrailles de la bête immonde. Au bout de ce chemin sulfureux et de sa terrible violence, demeurent longtemps enfin les cris des enfants morts, entre autres spectres de guerres.

  • Note d'intention

«Comment aurait été Lénine s’il n’avait pas été malade ? » C’est l’une des questions fondamentales posées dans L’Année de Richard. À quel moment la souffrance privée devient-elle souffrance collective ? Dans quelle mesure le monde est-il le produit d’une pathologie ? Les rapports entre corps et pouvoir, entre la sphère privée et la sphère publique, voilà ce qui sous-tend ce Richard monstrueux, cet exhibitionniste cynique qui profite des points faibles des gouvernements légitimes pour justifier son alliance répugnante avec l’injustice. Il est un vil manipulateur d’opinion. Il utilise le narcissisme des masses mécontentes et l’égoïsme de l’individu prospère pour rallier le peuple à son infamie. Convaincre la société tout entière que la crainte est le fondement de la sécurité, faire de la crainte l’ordre mondial, tel est son plus grand désir. Il n’est pas sans rappeler certaines tyrannies bien connues, dont les plaies continuent à saigner car le deuil n’a pas été fait.

En Espagne, en Argentine, au Chili, les blessures se rouvrent et suintent à nouveau en présence des assassins. Mais ce Richard est plus proche encore du génocide légitime des tyrans d’aujourd’hui, passés maîtres dans l’art de camoufler leurs innombrables crimes sous le maquillage de la démocratie. Comme d’autres, il accède au pouvoir en se servant du système démocratique mais sans croire à la démocratie. Il sait les hommes enclins à l’obéissance, alors que les démocraties, pour atteindre leur maturité, requièrent de la part des citoyens un sens élevé de la responsabilité individuelle. Il sait que le citoyen préfère se sentir Nation plutôt que Peuple. Sommes-nous vraiment les enfants des Lumières ? Quelles sont les fissures de la démocratie dont se sert le tyran pour exercer son impitoyable domination et mener à bien ses aspirations illicites en toute légalité ? Richard est un monstre, un héritier de la représentation médiévale du mal. Il est baroque et maniériste. Son corps sera le territoire scénique. La laideur est la réponse ultime à un monde où l’art, l’histoire et l’idéologie sont morts.

Angélica Liddell

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Spectacle terminé depuis le dimanche 29 janvier 2012

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