Desert inn

Howard Hughes, millionnaire-star-météore, aura tout eu. Les femmes les plus belles. Les avions les plus rapides. Les spots. Les dollars. Et l'insatiable besoin d'aller plus loin. De tout brûler pour s'abriter hors du monde, et jouir là, comme en un trou noir, d'un pouvoir désormais sans fin. Michel Deutsch songe depuis des années à l'histoire de cet homme invisible qui joua, jusqu'à la folie, à vraiment "se prendre pour Dieu".

H. H., Howard Hughes. Né à Humble (Texas) en 1905, mort à Houston (Texas) en 1976. Comme s’il avait voulu, d’un H. à l’autre, inscrire toute sa vie entre ses initiales, et soigner jusqu’à ce dernier détail. Car Hughes, implacablement obsédé par le contrôle et l’emprise, n’usait pas seulement sur autrui du pouvoir dont il disposait : peu de figures du monde réel auront à ce point donné à leur vie la forme d’une fiction. Fiction qui constitue désormais, comme l’écrit Michel Deutsch, «incontestablement l’une des histoires les plus fascinantes du XXème siècle ».

Avant ses trente ans, Hughes est déjà l'un des maîtres de Hollywood et multiplie les conquêtes féminines, collectionnant les actrices par dizaines. Passionné d’aviation, il apprend le pilotage et s’avère si doué qu’il bat à plusieurs reprises des records de vitesse, devenant au passage l’homme le plus rapide du monde. En 1948, il prend le contrôle de la RKO, où travaillent des artistes tels que Josef von Sternberg, Nicholas Ray, Otto Preminger. Mais ses interventions excentriques, ses caprices, finissent par mener le studio à la faillite. De plus en plus phobique et paranoïde, Hughes vit isolé et finit par disparaître tout à fait dans la réclusion volontaire, au dernier étage du Desert Inn. D’étranges rumeurs commencent à circuler sur son compte - mais la réalité, ainsi que le public l’apprendra après sa mort, était plus étonnante encore : il vivait le plus souvent nu, refusant tout contact, ne se coupant plus les ongles ni les cheveux, mais faisant mettre en conserve ses déjections…

D’abord, donc, une vie publique dans toute sa gloire, conduite sous le signe de l’accumulation - de films, de femmes, de records, de dollars - mais aussi de la dépense, de la folle vitesse qui consume et laisse derrière soi le trésor accumulé, sillage de fumée signant dans le ciel le passage de l’homme-comète que rien ni personne ne retient. Et puis une sorte de crépuscule sinistre et secret, où le milliardaire, tel un nouveau saint stylite, se retire dans la solitude et le désert pour vivre au sommet non pas d’une colonne, mais d’un hôtel de Las Vegas.

Ou encore : une période où le corps défie et surmonte ses limites parmi les autres corps, suivie d’une autre où c’est le corps lui-même qui devient la limite à dépasser afin d’accéder à un Dehors absolu, délivré du monde physique. L’existence de Hughes ressemblerait ainsi à une sorte d’immense épisode maniaco-dépressif, avec une unique phase maniaque couvrant la première partie de sa vie, suivie d’une phase dépressive également unique.

Pourtant, ce qui dans ce destin a d’abord retenu l’attention de Michel Deutsch, et cela depuis des années, c’est moins l’apparent contraste entre ses deux pôles lumineux et nocturne, rapide puis immobile, touche-à-tout puis intouchable, que la logique qui préside à leur ensemble. Logique folle, féroce, inexorable, qui conduit le goût de la possession à se sublimer en désir de pouvoir, un pouvoir qui aspire à la fois à dominer les êtres et à arracher son détenteur même à sa propre condition naturelle, débouchant sur une tentative aussi fascinante que désespérée : celle d’incarner le refus de la chair, de mourir à même la vie - celle de devenir, dès ici-bas, absent.

Depuis trois ans déjà, Deutsch mûrit son projet autour de ce trou noir qu’est la figure vacante de H. H., tapie au centre d’un monde dont elle s’est soustraite ; faisant tenir à sa disposition des Chevrolets de série - toutes identiques, jamais utilisées ; entretenant un harem de prostituées payées pour rester prêtes, et qu’il ne fait jamais monter ; régnant sur des séries d’êtres et d’objets dans lesquelles il ne puise plus (car le passage à l’acte, la consommation, seraient déjà un affaiblissement), mais qu’il lui faut maintenir (car la puissance, la virtualité, ont tout de même besoin d’une existence en acte sans laquelle elles ne se distingueraient plus du pur néant)...

Autour de la présence en creux du millionnaire invisible, Deutsch a imaginé quelques-unes de ces jeunes femmes qu’il avait choisies sur photos, dont le destin est d’attendre, auprès de cette « vie au-delà de la vie », un signe qui ne viendra pas, tandis que derrière la porte, « dans le dépouillement le plus absolu, un homme se prend pour Dieu ».

Texte de la pièce à paraître chez l’Arche éditeur.

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Spectacle terminé depuis le samedi 29 octobre 2005

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