Coda

Dante et Dusapin, Bach et Artaud, Lucrèce et Penderecki : voix tutélaires, parmi d’autres, de musiciens et de poètes qui accompagnent le retour du Radeau. Une fulgurante invitation à la rêverie et au recueillement.

Dante et Dusapin, Bach et Artaud, Lucrèce et Penderecki : voix tutélaires, parmi d’autres, de musiciens et de poètes qui accompagnent le retour du Radeau. Une fulgurante invitation à la rêverie et au recueillement.

Depuis 1983, les spectacles du Théâtre du Radeau ont pu faire songer à Kantor, à Bob Wilson, à « un Beckett qui aurait vraiment perdu ses mots » (Françoise Collin). De loin en loin y résonnent parfois quelques échos de Büchner, de Kafka ou de Hölderlin (à ces deux derniers s'adjoindront cette fois-ci, ainsi que le précise le programme de cette dernière création, « les voix de Dante Alighieri, Antonin Artaud, Jean-Sébastien Bach, John Cage, Friederich Cerha, Pascal Dusapin, Carlo Emilio Gadda, Georg Friedrich Haendel, György Kurtàg, Lucrèce, Bruno Maderna, Luigi Nono, Krzysztof Penderecki, Luigi Pirandello, Wolfgang Rihm, Erwin Schulhoff, Giuseppe Verdi »). Mais avec le temps, et malgré la multiplication chorale des « voix » de poètes et de musiciens assemblés sur un même plan d'immanence scénique, il apparaît toujours plus nettement que ce théâtre ne ressemble à rien d’autre qu’à lui-même.

Il ne prétend rien dire ou montrer. Il se méfie des images, trop rapidement et trop facilement produites (trop semblables en cela à l'époque qui s'en nourrit : époque que la vitesse affole, et qui invente des machines pour accélérer encore). Il se refuse à être « nécessairement le balcon de la littérature ». Il n'a pas vocation à montrer « des points de vue sur les choses », car ce point de vue se confond avec le spectacle lui-même, lequel « existe comme un acte ». Il ne s'appuie pas sur des symboles visibles qui renverraient à une signification invisible : aux yeux de Tanguy, « ce que nous voyons n’est pas le code de ce que nous ne voyons pas, ce qui est à voir est très exactement ce que nous voyons, ce que nous pouvons voir ». Pour ce théâtre-là, « les idées sont là au même titre que les choses », et s'il y a ligne de démarcation (plutôt que de séparation), elle ne passe pas ici entre le signe et le sens, mais plutôt quelque part dans l'intervalle flottant que le théâtre fonde et ouvre comme un abri précaire au sein de la rumeur du temps, « dans cet espèce de part-et-d'autre que délimite la scène ». Ce qu’il fait éprouver ne se raconte pas davantage que la musique, à laquelle Tanguy emprunte souvent des titres tels que Chant du bouc, Choral, Orphéon, et aujourd'hui Coda (ce dernier intitulé, écrit Tanguy, « dérive de la figure musicale de reprise du motif à la fin du morceau, étendu ici au mouvement théâtral : accueillir, rassembler, renouer, délier »).

Ce théâtre-là, « insomniaque ou forain », mûrit à son rythme, se crée et se répète au long cours, n’hésite pas à s’interrompre quand l’état du monde l’exige, ne craint pas de se faire parfois attendre longtemps : trois ans séparent Coda de la création des Cantates, que l'Odéon avait accueillies en 2001, hors les murs, dans les jardins des Tuileries. C'est que selon François Tanguy, « le théâtre, on n’en parle pas, on le fait. Et quand on n’est pas sur le plateau, on est là où l’on doit être ».

« Avant » le spectacle, il y a donc un patient travail d’immersion dans l’entrelacs sensible et le grain des matériaux, des présences, parfois des mots. « Après » le spectacle, reste le sillage de ce qui s’est montré, loin de tout récit, « acte » plutôt que performance. Et pendant le spectacle, le théâtre naît. Il « naît du malentendu dont il essaye de se dépêtrer et qu’il cultive pour devenir théâtre ».

Malentendu que donne clairement à entendre le mot « représentation » : car ce théâtre-là ne re-présente, ne reprend ou ne remplace rien, ne procédant pas même par allusion, n'ayant pas la prétention de renvoyer au monde. Il se fixe plutôt pour tâche de nettoyer le regard, de le reconduire au seuil de son énigme propre : comme le dit Tanguy, « il ne s’agira jamais de figurer à travers des mots (ou de la matière théâtrale) une réalité dont on essaierait de restituer la vraisemblance ». Chaque œuvre du Radeau réfère le spectateur à son propre « théâtre », au « lieu d’où l’on voit ». Prenant avec douceur son temps, c’est ainsi qu’il rejoint le nôtre par ses bords les plus secrets, poursuivant depuis plus de vingt ans un travail d’une exigence exemplaire, pleinement et patiemment contemporain.

Par le théâtre du Radeau.

Et avec les voix de Dante Alighieri, Antonin Artaud, Jean Sébastien Bach, John Cage, Friederich Cerha, Pascal Dusapin, Carlo Emilio Gadda, Georg Friedrich Haendel, Friedrich Hölderlin, Franz Kafka, György Kurtag, Lucrèce, Bruno Maderna, Luigi Nono, Krzysztof Penderecki, Luigi Pirandello, Wolfgang Rihm, Erwin Schulhoff, Giuseppe Verdi.

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Spectacle terminé depuis le samedi 17 décembre 2005

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