C'était un samedi

Passant des souvenirs du grand écrivain grec Dimitris Hadzis aux témoignages des survivants, Irène Bonnaud raconte avec Fotini Banou, un pan méconnu de la destruction des Juifs d’Europe.

C’était un samedi, c’était shabbat, le 25 mars 1944. La communauté juive « romaniote » fut déportée ce jour-là par des soldats de la Wehrmacht à Auschwitz. Passant des souvenirs du grand écrivain grec Dimitris Hadzis aux témoignages des survivants, Irène Bonnaud raconte avec Fotini Banou, un pan méconnu de la destruction des Juifs d’Europe.

Spectacle en langue grecque, surtitré.

  • Le théâtre, sentinelle de la mémoire

C’était un samedi, c’était shabbat, le 25 mars 1944, à Ioannina. C’était aussi la fête nationale grecque.

La communauté juive "romaniote" – c’est-à-dire de l’Empire romain (d’Orient), c’est-à-dire grecque –  fut déportée ce jour-là par des soldats de la Wehrmacht à Auschwitz-Birkenau.

Passant des souvenirs du grand écrivain grec Dimitris Hadzis aux témoignages des survivants qu’elle tisse de chants judéo-grecs ou judéo-espagnols, Irène Bonnaud raconte, par la voix de l’actrice et chanteuse Fotini Banou, un pan méconnu de la destruction des Juifs d’Europe.

Le destin du convoi grec du printemps 1944, c’est pourtant aussi "l’affaire Kurt Waldheim", les quatre photos prises par Alberto Errera à Birkenau, le manuscrit enterré de Marcel Nadjari, la révolte du Sonderkommando le 7 octobre 1944 – un samedi aussi.

Entourée par onze fascinantes figurines de la sculptrice Clio Makris, Fotini Banou, avec tendresse et ténacité, dit le deuil d’un monde disparu, mais aussi la résistance. Le théâtre se fait sentinelle de la mémoire.

  • La presse

« Seule en scène, la chanteuse et comédienne grecque Fotini Banou ne l’est pas vraiment. Sa présence sobre, profonde et attentive, sa voix si belle quand elle chante réussissent en effet à donner vie à un monde anéanti. […] Finement accompagnée par la mise en scène d’Irène Bonnaud, la comédienne se penche sur le passé avec délicatesse, et même tendresse, mais aussi avec précision, pour extraire de l’oubli un pan méconnu d’Histoire. » La Terrasse

« Une prestation mémorielle époustouflante à de nombreux égards. [...] Spectacle polymorphe oscillant entre littérature, documentaire, poésie, témoignages et chants, C'était un samedi est une représentation bouleversante, une tragédie, certes, de laquelle n'émane pourtant pas que de la noirceur ou la tristesse. Loin de là. » La Revue du spectacle

  • Extraits d'un entretien avec la metteure en scène

Après Guerre des paysages (2017), notre première collaboration, un spectacle sur la guerre civile grecque, on s’est dit avec Fotini Banou qu’il y avait là un travail à poursuivre : un théâtre de la mémoire, hésitant entre littérature et document, poésie et témoignage, un théâtre où la musique, le chant, la voix peuvent faire apparaître toutes les images, tous les mondes, un théâtre qui creuse très au fond pour trouver les rêves enfouis dans le passé, les cauchemars aussi qui continuent de hanter les vivants. Selon les chiffres avancés par R. Hilberg, M. Mazower et d’autres historiens, la Shoah en Grèce a décimé plus de 85% de la communauté juive, une proportion comparable à la Pologne.

En France, on connaît mal le sujet et on ignore tout de ce qu’on appelle la communauté juive « romaniote », c’est-à-dire de « l’Empire romain (d’Orient) », c’est-à-dire grecque, sans doute la plus ancienne communauté juive sur le continent européen, qui avait sa langue (du grec écrit en caractères hébreux), ses coutumes et sa capitale Ioannina. Le samedi 25 mars 1944, la Wehrmacht a organisé le transport de la communauté juive de Ioannina vers Auschwitz. Il n’y a eu que quelques dizaines de survivants qui souvent ont émigré ensuite vers les Etats-Unis ou Israël. La synagogue est toujours debout, mais a du mal à trouver assez de fidèles pour fonctionner. Le judéo-grec est une langue « pratiquement éteinte ».

Mon point de départ pour raconter cette histoire, la communauté romaniote et sa destruction, c’était la nouvelle, célèbre en Grèce, de l’écrivain de Ioannina Dimitris Hadzis, Sabethaï Kabilis. C’est l’histoire de deux personnages qui ont réellement existé, Sabethaï Kabilis, un grand commerçant de Ioannina, et un poète maudit, le premier militant communiste de Ioannina, mais aussi grand talmudiste et traducteur de la Torah, l’écrivain pauvre et prof de français à l’Alliance Israélite Universelle Joseph Eliyia, mort du typhus à 29 ans, en 1931. Entre eux, une relation père-fils impossible, un rêve d’amour qui, au milieu des luttes des classes, ne pouvait finir que par une rupture brutale. Mais la nouvelle de Hadzis ne fournit au spectacle qu’un prologue : pour moi, Hadzis est un témoin parmi d’autres, il raconte la Ioannina de son enfance, avec sa communauté juive qui était là depuis des siècles.

Ensuite il y a la chronique de la déportation de 1944 que j’ai écrite en construisant un puzzle avec les témoignages des rares survivants. On les a trouvés dans des livres de souvenirs, des livres d’histoire, et aussi dans les entretiens vidéo qui ont été menés en Grèce, en Israël, aux Etats-Unis. On sait bien que les dernières personnes à avoir connu la période de la déportation disparaissent peu à peu. Se pose la question du devenir de ces témoignages. Le défi pour nous qui sommes nés bien après, c’est : comment faire pour que cette mémoire reste vive ? Qu’elle ne prenne pas la poussière dans les bibliothèques ? Comment continuer à faire entendre ces voix ?

On s’est dit que le théâtre, justement parce qu’il est un artisanat modeste, parce qu’il sait ouvrir un espace où se rassembler, où écouter une histoire, a son rôle à jouer. Contrairement à d’autres moyens de transmission plus puissants, radio, film, télévision, internet, il a pour lui la présence humaine, la ténacité de la présence humaine, et ça a quelque chose à voir avec cette histoire qu’on raconte. Brecht disait que les antennes des nouveaux moyens de communication colportaient « beaucoup de vieilles bêtises », mais que la vérité, elle, se transmet toujours de bouche à oreille.

Par sa portée symbolique, c’est un des épisodes les plus extraordinaires de la Seconde guerre mondiale, et je trouve important que tout le monde connaisse cette histoire, que ça fasse partie de notre mémoire collective, de la mémoire grecque, de la mémoire de l’Europe.

  • Les sculptures de Clio Makris

Clio Makris est née à Budapest et a été élevée en Hongrie où ses parents étaient en exil, Memos Makris, sculpteur grec, connu pour ses œuvres monumentales (la plus fameuse étant le groupe de statues réalisé pour le mémorial du camp de Mauthausen), Zizi, sa mère franco-yougoslave, elle aussi artiste. Après son diplôme de sculptrice-mosaïste, obtenu aux Beaux-Arts de Paris, Clio décide de vivre en Grèce. Son œuvre suit toujours la même ligne directrice : la mémoire, les racines qui façonnent chaque être humain. C’est ainsi qu’elle a travaillé sur les enfants déportés d’Athènes ou sur les artistes qui ont fui la Grèce en 1945 à bord du Mataroa, mêlant dans ses figures de bronze ou de terre cuite les influences franco-helléniques dont elle est empreinte : « Pendant mon enfance à Budapest, j’étais finalement très entourée de personnes déracinées, coupées de leur mémoire. J’étais toujours très préoccupée par la question des origines, de l’histoire personnelle de chacun, de leur vécu. Dans toutes ces ruptures, je recherchais la continuité, au sein de l’histoire, avec grand ou petit h. »

Elle qui se sent si proche de l’univers de Dimitris Hadzis, un proche ami de ses parents, qu’elle a côtoyé toute son enfance, a créé des œuvres originales pour le spectacle C’était un samedi.

Sélection d’avis du public

Superbe et émouvant Par Fanny C. - 1er octobre 2023 à 10h22

Un spectacle dont on ne sort pas indemne. Ou l’on voit comment la mécanique nazie a pu anéantir des milliers de gens. Ioannina, son petit peuple, son rabbin, son professeur, nous sont montrés avec une belle humanité. Fotini Banou est remarquable dans ce spectacle d’une grande sobriété !

C'était un samedi Par Claire E. - 25 septembre 2023 à 10h56

Comédienne-chanteuse excellente ayant une grande présence sur scène; bien que les textes soient en grec, les sous-titres très lisibles permettaient de bien suivre. Mise en scène remarquable. Histoire méconnue que j'ai été intéressée d'apprendre plus en détails.

c'était un samedi Par Fanny C. - 25 septembre 2023 à 10h50

superbe spectacle, poignant, édifiant sur la machine nazie. Un texte très bien servi par Fotini Banou et les cultures de C.Makris Il faut courir le voir...

Un spectacle fort Par François L. - 23 septembre 2023 à 10h56

Le spectacle commence dans la douceur d'avant les nazis, quand se mêlent la banalité du quotidien et les éclats des controverses politiques. Le rythme est alors lent mais pas sans vie, les personnages sculptés nous offrant du très beau théâtre d'objets. Second temps : les images filmées du nazisme. Douche froide. Troisième temps : la lutte, parfois l'illusion de la collaboration aussi. La lutte encore, jusque dans les camps d'extermination. Je n'en décris pas plus. Vous apprécierez la force de la fin. La qualité de ce spectacle ne tient pas seulement au talent de la comédienne et chanteuse Fotini Banou mais aussi à la qualité de la mise en scène d'Irène Bonnaud. Il était casse-gueule de proposer un spectacle avec une seule comédienne donné en grec surtitré; pourtant, Irène Bonnaud nous offre là du vrai et grand théâtre.

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Superbe et émouvant Par Fanny C. (2 avis) - 1er octobre 2023 à 10h22

Un spectacle dont on ne sort pas indemne. Ou l’on voit comment la mécanique nazie a pu anéantir des milliers de gens. Ioannina, son petit peuple, son rabbin, son professeur, nous sont montrés avec une belle humanité. Fotini Banou est remarquable dans ce spectacle d’une grande sobriété !

C'était un samedi Par Claire E. (4 avis) - 25 septembre 2023 à 10h56

Comédienne-chanteuse excellente ayant une grande présence sur scène; bien que les textes soient en grec, les sous-titres très lisibles permettaient de bien suivre. Mise en scène remarquable. Histoire méconnue que j'ai été intéressée d'apprendre plus en détails.

c'était un samedi Par Fanny C. (2 avis) - 25 septembre 2023 à 10h50

superbe spectacle, poignant, édifiant sur la machine nazie. Un texte très bien servi par Fotini Banou et les cultures de C.Makris Il faut courir le voir...

Un spectacle fort Par François L. (225 avis) - 23 septembre 2023 à 10h56

Le spectacle commence dans la douceur d'avant les nazis, quand se mêlent la banalité du quotidien et les éclats des controverses politiques. Le rythme est alors lent mais pas sans vie, les personnages sculptés nous offrant du très beau théâtre d'objets. Second temps : les images filmées du nazisme. Douche froide. Troisième temps : la lutte, parfois l'illusion de la collaboration aussi. La lutte encore, jusque dans les camps d'extermination. Je n'en décris pas plus. Vous apprécierez la force de la fin. La qualité de ce spectacle ne tient pas seulement au talent de la comédienne et chanteuse Fotini Banou mais aussi à la qualité de la mise en scène d'Irène Bonnaud. Il était casse-gueule de proposer un spectacle avec une seule comédienne donné en grec surtitré; pourtant, Irène Bonnaud nous offre là du vrai et grand théâtre.

Excellent Intelligent et Émouvant Par Hélène T. (2 avis) - 21 septembre 2023 à 10h04

Bravo à Irène Bonnaud pour sa mise en scène fine et intelligente Prouesse de l'actrice Fotini Banou, qui nous transporte dans le temps et dans l'espace. Ce spectacle mérite de voyager, il est universel. Bravo !

Excellent Creatif et Émouvant Par Hélène T. (2 avis) - 21 septembre 2023 à 09h31

Prouesse de l'actrice, et mise en scène intelligente. Ce spectacle mérite de voyager à travers le monde. Le fait qu'il soit en grec (que je ne parle pas) et surtitré donne cette atmosphère à la fois locale et universelle. Bravo !

Un défi compliqué Par ROBERT S. (1 avis) - 20 septembre 2023 à 16h17

Faire vivre des faits tragiques évoqués de nombreuses fois au cinéma au travers d'une récitante entourée de marionnettes est un défi compliqué. On ne peut qu'éprouver de la sympathie tant à l'égard du sujet centré sur la situation des juifs d'une ville grecque que de la récitante qui fait un beau travail pour faire vivre tout cela sous nos yeux. Le résultat est un peu long, tourne parfois au procédé et finit par nous laisser froids au lieu de créer l'émotion.

Passionnant, émouvant Par Lyne C. (1 avis) - 20 septembre 2023 à 12h03

Mise en scène rare et artistiquement construite, intelligemment didactique pour une histoire récente pas bien connue, à voir

Par Helene C. (1 avis) - 18 septembre 2023 à 12h05

Bravo à l'Actrice, excellente, elle exprime admirablement, avec cette si belle langue, avec ses intonations, avec le timbre de sa voix, les fluctuations de sa palette vocale, la chorégraphie de ses mouvements, et avec tant de force et avec le cœur, ce qu'elle tente de restituer de cette dévastatrice période de l'histoire.

C'était un samedi Par Jacques M. (1 avis) - 18 septembre 2023 à 10h17

Les auteurs et une actrice magnifique font passer l'indicible. Jacques

N'oublions jamais Par VERONIQUE D. (1 avis) - 18 septembre 2023 à 09h34

J'ai été profondément touchée par la performance de l'actrice, la façon dont elle anime les statuettes et fait revivre cette communauté décimée. J'ai été bouleversée d'entendre ce récit et ces chants dans leur langue originelle. Merci

C’était un samedi Par Corinne D. (1 avis) - 17 septembre 2023 à 09h15

Narration pleine de vie et d’emotion des événements ayant décimé les Juifs grecs pendant la 2e guerre mondiale par une comédienne pleine de talent et d’énergie. Un seul en scène dynamique soutenu par un jeu de lumière raffiné

Par Anne Marie L. (1 avis) - 11 septembre 2023 à 14h41

spectacle émouvant, la comédienne est très présente par le mime, le chant et le texte

Par Justine M. (2 avis) - 11 septembre 2023 à 11h19

Magnifique spectacle avec une comédienne qui par sa présence fait revivre ce monde perdu et la tragédie qui l'a englouti

Informations pratiques

Cartoucherie - Théâtre du Soleil

Cartoucherie - Route du Champ de Manœuvre 75012 Paris

Accès handicapé (sous conditions) Bar Cartoucherie Librairie/boutique Restaurant
  • Métro : Château de Vincennes à 1 km
  • Bus : Cartoucherie à 45 m, Plaine de la Faluère à 368 m, Stade Léo Lagrange à 571 m
  • Navette : Sortir en tête de ligne de métro, puis prendre soit la navette Cartoucherie (gratuite) garée sur la chaussée devant la station de taxis (départ toutes les quinze minutes, premier voyage 1h avant le début du spectacle) soit le bus 112, arrêt Cartoucherie.

    En voiture  : A partir de l'esplanade du château de Vincennes, longer le Parc Floral de Paris sur la droite par la route de la Pyramide. Au rond-point, tourner à gauche (parcours fléché).
    Parking Cartoucherie, 2ème portail sur la gauche.

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Plan d’accès

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Spectacle terminé depuis le samedi 30 septembre 2023

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