Bobby Fischer vit à Pasadena

• Faire entendre ce qui ne se dit pas

La troupe de comédiens s’empare de cette oeuvre contemporaine au titre énigmatique. Dans ce quatuor familial explosif, il y a le père, la mère, le fils et la fille. De retour d’une soirée au théâtre, tous se retrouvent autour d’un verre. Des banalités s’échangent. Puis, peu à peu, le drame enfle…

Passé maître dans l’art de faire entendre ce qui ne se dit pas, ce qui ne s’avoue jamais à soi comme aux autres, Lars Norén nous livre une écriture qui gratte là où ça fait mal.

• A la limite de la fracture

« Un retour de soirée en famille au théâtre.
Ils sont quatre. Dans une nuit qui dure.
Ils tenteront de se dire maladroitement, violemment, les endroits où l’amour a manqué.
Et pourquoi.
J’aurai le plaisir de mettre en scène mes deux complices de jeu, Nine de Montal et Elya Birman, rejoints par deux autres comédiens dans ce quatuor contemporain caustique et vertigineux. Lars Norén est l’auteur brillant du thriller familial, le maître de l’explosion à retardement. Il décortique avec une froideur implacable les rapports familiaux, les personnages sont perpétuellement à la limite de la fracture, en sursis. Bousculé par la dynamique de l’écriture, faussement réaliste, le spectateur est saisi, interrogé, tenu en haleine jusqu’au petit matin. » Philippe Baronnet

« Il existe différentes catharsis. Mon idée n’est pas de séduire le public avec une musique,une belle lumière, un décor fantastique. Je veux que le public soit séduit par son esprit critique, que la pièce ait un effet sur lui. Vous pouvez avoir une émotion et l’instant d’après c’est fini, vous pouvez de nouveau être le même. Mais si le cerveau, l’esprit critique est touché, alors l’émotion persiste et vous pouvez être influencé. » Lars Norén

• Notes de mise en scène

Sur la proposition de Laurent Fréchuret de créer un spectacle pour la saison 2012-2013 avec mes compagnons permanents du CDN de Sartrouville, j’ai choisi de mettre en scène Bobby Fischer vit à Pasadena de Lars Norén. Par son nombre restreint de personnages, son intrigue resserrée, ses unités de temps et d’espace, ce huis-clos intimiste pourrait bien ressembler à une pièce classique… Pourtant, ce texte écrit en 2001 nous parle sans nul doute de notre monde contemporain : qu’est-ce qui définit une famille aujourd’hui ? De quoi est fait ce lien qui à la fois nous protège et nous entrave ? Passant au scalpel les sentiments de ses personnages, l’auteur fait le constat lucide de la violence des rapports familiaux qui unissent parents et enfants dans une même solitude. Entre rétention et explosion, l’écriture dense et énigmatique de Norén distille silences, tensions et non-dits, qui feront tourner au drame cette soirée apparemment banale. Ce qui me frappe et oriente mon travail de metteur en scène, c’est ce sens aigu d’un tragique souterrain qui, sans crier gare, met les personnages aux pieds du mur et leur fait frôler le désastre. Il s’agit de rendre les acteurs sensibles au rythme vertigineux de cette écriture où se niche, dans les détails, la puissance d’une tragédie moderne.

Philippe Baronnet, mai 2012