Arcadi Volodos

Orage et paradis beethovénien avec Franz Schubert, noble introspection avec Johannes Brahms et delirium sublime avec Franz Liszt : Arcadi Volodos empoigne les splendeurs de l’odyssée romantique.
  • Splendeurs de l’odyssée romantique

Orage et paradis beethovénien avec Franz Schubert, noble introspection avec Johannes Brahms et delirium sublime avec Franz Liszt : Arcadi Volodos empoigne les splendeurs de l’odyssée romantique.

Composée en février 1823, la Sonate n° 16 (op. posthume 143, D. 784) de Schubert stupéfie dès le premier accord, par sa proximité avec le début de l’Appassionata de Beethoven : un thème obstiné, grave et pesant, comme quelque souvenir funeste. Est-ce encore du piano, et comme tout est abrupt dans la dynamique ébouriffée de cette ballade si beethovénienne ! « Vois ! Elle gît anéantie dans la poussière, en proie à une affliction inouïe, ma vie de martyre, en marche vers un déclin éternel. » Désir d’anéantissement, mais aspiration à une vie nouvelle, à l’image de cette sonate dont le désespoir le plus profond du premier mouvement Allegro giusto s’évanouit dans le second, Andante à l’atmosphère quasi mystique, lente procession de pèlerins chantant un cantique dans le calme d’une nuit étoilée. Nostalgie, extase ou félicité ? Une douceur bercée par les ombres de la Prière schubertienne : « Tue-la, cette vie, et tue-moi, moi aussi, précipite-nous dans le Léthé, et ensuite, ô Sublime, fais s’épanouir une existence toute de force et de pureté ! ». Une métamorphose qui n’a guère le temps de s’exprimer, tant la brièveté de ce mouvement suggère plutôt un désenchantement où s’engouffre le vent du troisième et dernier mouvement Allegro vivace. Poursuite sublime, course au tragique : tout Schubert s’exprime dans l’effervescence passionnée de ce piano impérial et symphonique.

Ecrits au soir de la vie (1892), par un homme proche de la soixantaine, les Trois Intermezzi op. 117 cultivent le clair-obscur. Romances d’une douceur infinie, aux frontières de l’indicible, à l’image des deux vers placés en épigraphe du Premier Intermezzo, Andante moderato  : « Dors tranquille, mon enfant, dors tranquille sagement ; j’ai tant de peine à te voir pleurer… » Page résignée, inspirée d’une berceuse écossaise, où l’interprète « doit entièrement oublier son public », singulière indication pour une pièce qui vise la concentration extrême, des modulations limitées et un rythme uniforme. Le second Intermezzo, Andante non troppo e con molta espressione est une élégie au rythme allant, dont les contours s’élèvent en forme de volutes, tandis que le Troisième, Andante con moto, énonce d’entrée de jeu un thème bien sombre, ballade fuyante sur la fuite du temps, la tristesse des jours qui s’étiolent

Avec sa grande soeur, la Faust-Symphonie composée dans la foulée, la Sonate en si mineur de Franz Liszt de 1853 marque une étape dans l’écriture du piano, au XIXe siècle. D’abord, l’explosion de la forme sonate, qui renvoie au rayon des antiquités bien des oeuvres postérieures, et la naissance d’un monstre, un monolithe, une action musicale d’un seul tenant, de près d’une demi-heure, dont l’idée originelle se situe entre les dernières sonates de Beethoven et l’errance grandiose de la Wanderer Fantaisie de Schubert. Le compositeur souhaitait lancer un javelot dans les espaces indéfinis de l’Avenir. Tout Liszt est là, résumé en un geste pianistique : la virtuosité au service de la musique, l’ivresse des sens, la méditation du pénitent, l’extase spirituelle, la quête du voyageur, la beauté des paysages et le pacte faustien, sans oublier la Bohême de l’enfance réinventée, sublimée. Qu’importe si le dédicataire Robert Schumann en resta bouche bée : le musicien des Chants de l’aube était malade, interné et déjà de l’autre côté du miroir. Déception aussi du côté des fidèles : Clara Schumann et Brahms furent incapables de l’apprécier. Mais voici que résonne le premier accord, avec son ton péremptoire. Du jamais vu, jamais entendu ! Le silence retombe, puis, comme surgie des abîmes, monte une lave incandescente : l’accord se dilate, explose, retombe en gerbes qui se multiplient, prolifèrent. La vague s’élance, et nous emporte loin, très loin, avant de reprendre une course effrénée, lutte sourde, et peut-être combat contre soi-même. Tempête sous un crâne, assurément ! Pourtant, Liszt étant la générosité incarnée : inutile de l’avoir fréquenté, sa musique l’affirme, comme dans ce passage Andante sostenuto d’une infinie bonté. « Liszt n’a écrit qu’une sonate, remarquait le philosophe Vladimir Jankélévitch, mais cette sonate, en un seul mouvement, est plutôt un vaste poème lyrico-métaphysique pour piano. »

  • Programme

Franz Schubert (1797-1828)
Sonate en la mineur n° 14 op. 143 D. 784 (environ 20 mn)
1. Allegro giusto
2. Andante
3. Allegro vivace

Johannes Brahms (1833-1897)
Trois Intermezzi op. 117 (environ 15 mn)
1. N° 1 en mi bémol majeur
2. N° 2 en si bémol mineur
3. N° 3 en ut dièse mineur

Franz Liszt (1811-1886)
Sonate en si mineur op. 7 S. 178 (environ 25 mn)
1. Lento assai – Allegro energico – Grandioso
2. Andante sostenuto
3. Allegro energico

Vous avez vu ce spectacle ? Quel est votre avis ?

Note

Excellent

Très bon

Bon

Pas mal

Peut mieux faire

Ce champ est obligatoire
Ce champ est obligatoire

Vous pouvez consulter notre politique de modération

Informations pratiques

Théâtre des Champs-Elysées

15, avenue Montaigne 75008 Paris

À l'italienne Accès handicapé (sous conditions) Bar Champs-Elysées Librairie/boutique Vestiaire
  • Métro : Alma - Marceau à 183 m
  • Bus : Alma - Marceau à 68 m, Marceau - Pierre 1er de Serbie - Place de Beyrouth à 330 m
Calcul d'itinéraires avec Apple Plan et Google Maps

Plan d’accès

Théâtre des Champs-Elysées
15, avenue Montaigne 75008 Paris
Spectacle terminé depuis le mercredi 20 juin 2012

Pourraient aussi vous intéresser

- 31%
Colette, l'indomptable

Théâtre Montmartre Galabru

L'Oiseau paradis

Paradis Latin

- 42%
La Crème de Normandie

Gymnase Marie Bell

- 30%
Les Funambules - Elles

Gaîté Montparnasse

Spectacle terminé depuis le mercredi 20 juin 2012