Algérie 54-62

du 22 avril au 7 mai 2003

Algérie 54-62

54. Ils sont en Algérie. Et la chronique de l’ordinaire des jours, de la permanente inquiétude, de la nocive attente met en lumière une dizaine de témoins ligotés à l’histoire, à ces « événements » là. Et le roman vire au cauchemar et la langue de Magnan, accomplie, virtuose, métamorphose le drame que l’on connaît en une série de poèmes successifs, sans omettre cependant de dire les crimes, de nommer les responsables.

Théâtre Dijon Bourgogne
Algérie 54-62
Un mot de l'auteur

Depuis janvier 2001, l’Unité de production travaille à Dijon. Nous sommes à la tâche, cherchant les formes que les textes choisis nous livrent. Nous constituons un groupe de travail. Il est fait de personnes dont les métiers d’art sont différents : acteurs, metteurs en scène, scénographes, musiciens, un auteur, un vidéaste, un traducteur, une dramaturge. Notre communauté est provisoire (surtout provisoire). Elle relève de la correspondance plutôt que de la ressemblance. Être en nombre mais singuliers. Le projet est de chercher les résolutions d’interprétation des sens et d’accompagner nos créations de toutes les inventions possibles, issues de nos recherches de plateau. Le principe est de se réapproprier chaque fois le temps de la répétition, en fonction du texte qui génère sa propre méthode (ce n’est pas un laboratoire, c’est la répétition).

Magnan et O’Neill sont en attente de travail. Tous les textes de théâtre le sont. Ils reposent d’entre les mots. L’Unité se soucie des moyens de production, nécessaires, mais jamais les mêmes, toujours à réinventer, qui permettront à ces paroles d’être mises à jour par des corps. Ces deux textes sont reliés et indépendants. Ils disent la violence inhérente à toutes les volontés de puissance lorsqu’un État veut s’augmenter, se propager ou s’entretenir. L’état de la guerre est un champ d’expérience du sens, propice à ces deux écrivains de théâtre. Pour Jean Magnan, le prélèvement est immédiat : c’est d’une guerre dont il s’agit, une guerre de colonisation dont les corps nous hantent et tournent autour de nous. Eugene O’Neill parle de biais : la nation américaine se fonde sur des croyances violentes dont ses « crucifiés » portent le témoignage. Nous parcourons la fonction théâtrale de ces deux textes « cicatrices » de notre temps. 

Robert Cantarella

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54. Ils sont en Algérie. Et la chronique de l’ordinaire des jours, de la permanente inquiétude, de la nocive attente met en lumière une dizaine de témoins ligotés à l’histoire, à ces « événements » là. Et le roman vire au cauchemar et la langue de Magnan, accomplie, virtuose, métamorphose le drame que l’on connaît en une série de poèmes successifs, sans omettre cependant de dire les crimes, de nommer les responsables. 

Là où le théâtre s’engage, le poète ne se démet pas de sa fonction d’énoncer à sa façon ce que sont les erreurs de l’Histoire, les vertiges des hommes.

« Serait-ce l’entrée des enfers ? » dit l’un et Jean Magnan donne à entendre sa plainte universelle des petits bonhommes, acteurs involontaires de l’Histoire en marche. 

Philippe Minyana

Magnan se remémore. Suit le fil des souvenirs et organise le périple. (Et, comme s’organise la mémoire, il organise la partition). Et les figures nécessaires remplissent leur rôle de coryphées.

Reconstitutions affectives ou précisions historiques, la pièce invente une épopée moderne, fragmentaire et rapide. Cependant, la guerre n’est pas à proprement parler, « représentée ».

Seuls les lieux proposés la suggèrent. (Chambre du lieutenant, Porte de la chambrée ouverte sur l’esplanade, la ferme où l’on cantonne, le château d’eau mirador etc.).

On observe la guerre, on commente le « théâtre du drame » (« C’est Frédefon Luc, qui m’a raconté… ») Les « parleurs » racontent et les veilleurs construisent la légende des « événements ». L’écriture alterne entre dialogues serrés et poèmes en prose, entre figures emblématiques et personnages archétypaux. (Lucette et Marcel).

Curieusement, cette pièce « d’atmosphère » (où errent des « fantômes» masculins, Paul, Sutter…) met en jeu un climat à la fois oppressant et sensuel, comme si le lieu même, l’Algérie, totalement ambivalent, était aussi bien territoire de conflits, que réceptacle sensoriel. C’est avant tout un poète, qui nous guide, et face au « surgissement des choses », lui seul décide de la teneur du fragment. (Liberté absolue de l’écrivant qui fait surgir son territoire).

« Comme le temps passe », dit la femme au chrysanthème, l’ouvreuse de cinéma. (Et voilà, dès la première séquence, la note est donnée… « Couloir plein d’ombres »… Film « tant qu’il y aura des hommes… La déambulation peut avoir lieu (rêve/cauchemar). Serait-ce l’entrée des enfers « dira Paul un peu plus tard… » La femme fait le deuil, comme Magnan fait le deuil (de l’enfance, de la paix, de l’Algérie (Il est né en Algérie, la pièce est écrite l’année de sa mort)). Et Magnan / Paul dit « la guerre est passée à côté de moi, juste à côté.

C’est le guide-témoin qui fabrique le poème (bribes de mémoire, sensations passées), d’où la diversité des genres ; lyrisme et néo-réalisme alternent de bout en bout. (L’auteur y a recours provisoirement, en fonction de ce qu’il a à désigner ; le besoin de « fictions », points névralgiques, que la partition démultiplie, détermine les rouages, les ancrages etc.)

Apparemment modeste, cette pièce fait œuvre, parce que sans dogme, sans théorie, sans principe, sans entrave donc, elle laisse cours aux moyens personnels et singuliers de l’auteur qui s’empare du réel et le fortifie en l’organisant selon des lois secrètes qui lui sont propres.

Hormis le titre qui pétrifie le sujet et donne une relative fausse piste, le poème de Magnan, hors temps, hors mode, tisse le lien avec des œuvres antérieures ou à venir, dans la mesure où l’œuvre (ou le chef d’œuvre) est sans doute un relais, qui, au même endroit (la pièce de théâtre) nous réunit autour d’un geste universel (écrire notre Histoire).

L’auteur est, dès lors, passeur de sens, de visions inédites ; et leur confère un statut d’apparitions, sorte de sémaphores, qui signalent des représentations du monde et par là-même, ses actants (et à ceci, s’adjoint la prophétie personnelle : « ce monde s’écroule, mon heure est venue »). Divers saisissements qui conjuguent le général et le singulier.

Ainsi l’écrit s’accomplit et remplit parfaitement sa fonction. Et, de Magnan, on pourra dire qu’il a fait entendre (à son tour) un « chant de deuil et d’amour » ; et comme il connaît bien la « machine théâtre », que c’est son lieu d’élection, il arbitre les « événements d’Algérie », comme il l’entend et contribue, de ce fait, à l’histoire du théâtre.

Philippe Minyana

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Algérie 54, 62 vue de 82 : des fragments 
De l’Histoire, néanmoins. 
Raconter l’histoire 
fragmentairement 
parce qu’il ne s’agit pas,
pour nous
de raconter l’Histoire, mais 
de l’Histoire qui fut aussi la nôtre,
de l’Histoire telle que nous nous
la rappelons sensiblement. 
Il s’agit bien entendu 
d’un « parcours sensible » dans
un pays qu’un narrateur aime. 

Jean Magnan

Algérie 54-62 a paru aux Éditions Edilig, coll. « Théâtrales », 1986 ; Éditions Théâtrales, Paris, 1990.

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Spectacle terminé depuis le mercredi 7 mai 2003

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