William Forsythe - Yes we can't

du 26 au 28 mars 2009

William Forsythe - Yes we can't

Forsythe, l’enfant du ballet classique qui n’a eu de cesse de déconstruire le vocabulaire académique, le dynamiteur des codes de la représentation, le philosophe du mouvement qui imagine des installations à mi-chemin entre le spectacle et la performance, revient à Chaillot, son escale parisienne de prédilection. Pour nous emballer.

William Forsythe, philosphe du mouvement
Continuer à marcher, à danser, à vivre

  • William Forsythe, philosophe du mouvement

Une des dernières créations en date de William Forsythe pour sa compagnie s’intitule Yes we can’t, soit dans une traduction française Oui, nous ne pouvons pas ! De l’ironie certes, mais plus encore une approche définitivement contemporaine de la création et de ses possibles dans le champ de vision toujours plus large de l’Américain installé en Allemagne, entre Francfort et Dresde.

À Chaillot, son escale parisienne de prédilection, William Forsythe a déjà démontré l’étendue de son talent protéiforme. De Decreation à Kammer Kammer, à la théâtralité appuyée, de Three Atmospheric Studies, ballet engagé, à One Flat Thing Reproduced, somptueux précis des corps en scène, le chorégraphe le plus influent de ces dernières années n’a cessé de nous surprendre. Et le plus souvent de nous emballer.

The Forsythe Company, une vingtaine de danseurs, a vu le jour dans le sillage du Ballet Frankfurt dissous. De ce vivier d’interprètes et d’artistes chorégraphes en résidence dans ses murs, William Forsythe a fait une force vive. Forsythe, l’enfant du ballet classique qui n’a eu de cesse de déconstruire le vocabulaire académique, le dynamiteur des codes de la représentation, le philosophe du mouvement qui imagine des installations à mi-chemin entre le spectacle et la performance.

Retrouver The Forsythe Company au Trocadéro, c’est un peu prendre des nouvelles d’amis chers. William Forsythe est à la fois un pilier de cette grande famille de la danse et en même temps l’un des plus fervents francs-tireurs du milieu. Ce grand écart permanent, sans jamais se laisser aller à se renier, est devenu la ligne de conduite de William Forsythe. Elle est, à nos yeux, exemplaire.

Philippe Noisette

Avec les danseurs de The Forsythe Company.

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  • Continuer à marcher, à danser, à vivre
    Création de Yes we can’t par la Forsythe Company à Hellerau

Le peintre Oskar Kokoschka appela jadis « École du regard » l’académie d’été qu’il créa en 1953 à Salzbourg. Certainement pas pour jouer les donneurs de leçon ni pour englober dans une doctrine leurs travaux communs, mais plus dans le sens d’une exploration artistique, d’une façon particulière de percevoir. C’est cette même exigence, qui réclame au spectateur de penser avec son regard, que l’on retrouve dans Yes we can’t, la toute dernière production de William Forsythe et de ses danseurs, qui vient d’être créée mondialement au Festspielhaus de Hellerau.

Forsythe et les membres de sa compagnie – le soir de la première se trouvaient en scène quatorze danseurs – ne nous content pas quelque histoire de quatre sous sur le bien et le mal, pas plus qu’ils ne nous esquissent une relation simplette entre les forts et les faibles. Chez Forsythe les limites ne sont pas fixes, et ce n’est que très rarement qu’il se laisse lier par des événements concrets, des situations reconnaissables. Les postures jouent un rôle primordial et c’est à elles, que nous spectateurs, devenus presque acteurs, devons nous identifier par la pensée, par l’écoute. Celui qui ne parvient pas à tomber sous le charme, qui attend autre chose ou éprouve de l’ennui, passe à côté de torrents d’énergie, d’idées, d’images inconnues à l’oeil et aussi, au toucher.

Cette nouvelle production, véritable profession de foi en faveur de l’imperfection, possède, même si cela ne semble pas le cas au premier abord, une structure élaborée de façon réfléchie dans laquelle toutes les pièces du puzzle de la narration changent continuellement de place ou peuvent s’interpréter différemment. L’espace scénique du Festspielhaus reste clairement ouvert aux associations mentales les plus diverses. De tous côtés, les danseurs font irruption dans l’action et on ressent tout simplement de façon physique à quel point Forsythe et ses danseurs sont littéralement « portés » par cet endroit, notamment aussi grâce aux installations artistiques présentes dans le bâtiment de Tessenow. La vision du spectateur n’est gênée par rien ni personne et ni la lumière, ni le son ne viennent interférer de façon intempestive.

Il s’agit donc avant tout d’une interaction entre l’espace et les danseurs et la perception se concentre surtout sur le langage du corps où mots, chants, respirations sont parfois si ténus, si dénaturés qu’ils se dissolvent d’eux-mêmes et que seul perdure le mouvement suffisamment éloquent. Par exemple deux danseurs se retrouvent face à face sur le tapis de sol clair et commencent une patiente conversation corporelle, puis voilà qu’un troisième s’en mêle pour influer sur ce dialogue en mouvance. Encore un qui croit en savoir plus et qui a besoin de se le prouver et de le prouver aux autres. Mais son intérêt s’éteint aussi vite dès que se produit quelque chose de nouveau. Par exemple les remous de la foule qui, décontractée, tangue sur des sons inaudibles, chacun pour soi et tous ensemble.

Forsythe ne dicte à personne la manière de juger telle scène ou telle autre. Il est pourtant évident que le thème de la manipulation l’intéresse. Par exemple la façon dont il livre ses créatures au micro à l’emprise d’un Bouddha à plusieurs bras qui les prend « sous le bras » dans tous les sens du terme, les manipule comme des marionnettes si bien qu’il s’agit véritablement d’une métaphore des machinations politiques telles qu’elles se présentent continuellement sous nos yeux. Significatif aussi, en fin de spectacle, cette « main tendue » répétitive de l’Étranger, dans une direction puis dans une autre, mais toujours vers le vide. La provocation selon Forsythe : Yes we can’t.

Reste aussi en mémoire ce couple d’hommes dont celui qui paraît le plus jeune impose à l’autre une histoire commune conflictuelle. La femme n’arrive semble-t-il pas à s’immiscer dans leur relation et lorsque l’homme se tourne enfin vers elle, il n’y a pas de rencontre, pas d’intimité. L’ « élève » poursuit le rituel, et le trio se disperse en dérivant dans des directions différentes. Rilke disait que chacun devait veiller à la solitude de l’autre…

On peut lire ces images scéniques comme un livre et il serait certainement utile d’effectuer plusieurs fois cette « lecture ». Il peut d’ailleurs facilement arriver qu’on s’y perde, qu’on cherche des points d’accroche, mais il est impossible de se soustraire totalement à l’action pourtant peu spectaculaire.

Chez Forsythe, le niveau des danseurs est si incroyablement élevé qu’il y a toujours quelque chose de remarquable à voir comme cette danseuse phénoménale qui semble glisser au-dessus de la surface du plateau comme un oiseau. C’est cette même danseuse qui est aussi capable d’apporter consolation à une autre interprète avec un naturel déconcertant, moins par spectaculaire don de soi que tout simplement pour continuer à marcher, à danser, à vivre. On ne saura d’ailleurs pas ce qui a pu arriver à cette femme qui, de face à deux pas du public, continue ses contorsions rituelles tout en essuyant des larmes absentes.

Forsythe s’inspire aussi bien de l’émotionnel que du mouvement. C’est là qu’il va puiser, là qu’est son « École du regard ».

Gabriele Gorgas
Dresdener Neueste Nachrichten (07.03.2008)

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Sélection d’avis du public

William Forsythe - Yes we can't Le 27 mars 2009 à 00h11

Difficile, exigeant, les gens n'arrêtaient pas de sortir n'en pouvant plus des cris incontrôlés des danseurs aux voix vierges de formation. Pourtant la chorégraphie est fluide, chantante. Une danseuse de la troupe m'a dit à la sortie ne pas savoir pourquoi Forsythe voulait le spectacle si délibérément chaotique et criard. S'agit-il d'une façon à lui de dire que nous écrivons un chapitre de n'importe quoi dans l'histoire humaine? Mais le rythme de sa pièce sonnait juste et l'humour des faisans fuckeurs et du chanteur flamenco branleur étaient tranchants mais drôles. Et puis le bonheur du pas de deux final, une note tendre confiée aux femmes, comme un trait rose après un enfer mâle. C'était fort.

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William Forsythe - Yes we can't Le 27 mars 2009 à 00h11

Difficile, exigeant, les gens n'arrêtaient pas de sortir n'en pouvant plus des cris incontrôlés des danseurs aux voix vierges de formation. Pourtant la chorégraphie est fluide, chantante. Une danseuse de la troupe m'a dit à la sortie ne pas savoir pourquoi Forsythe voulait le spectacle si délibérément chaotique et criard. S'agit-il d'une façon à lui de dire que nous écrivons un chapitre de n'importe quoi dans l'histoire humaine? Mais le rythme de sa pièce sonnait juste et l'humour des faisans fuckeurs et du chanteur flamenco branleur étaient tranchants mais drôles. Et puis le bonheur du pas de deux final, une note tendre confiée aux femmes, comme un trait rose après un enfer mâle. C'était fort.

Informations pratiques

Chaillot - Théâtre national de la Danse

1, Place du Trocadéro 75016 Paris

Accès handicapé (sous conditions) Bar Librairie/boutique Restaurant Salle climatisée Tour Eiffel Vestiaire
  • Métro : Trocadéro à 96 m
  • Bus : Trocadéro à 31 m, Varsovie à 271 m, Pont d'Iéna à 297 m
Calcul d'itinéraires avec Apple Plan et Google Maps

Plan d’accès

Chaillot - Théâtre national de la Danse
1, Place du Trocadéro 75016 Paris
Spectacle terminé depuis le samedi 28 mars 2009

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