Un homme exemplaire

Paris 14e
du 10 juin au 26 juillet 2003

Un homme exemplaire

CLASSIQUE Terminé

Des jeunes mariés débarquent à Venise pendant les fêtes du Carnaval. Ils vont être la proie d’un certain nombre de fripouilles que Goldoni décrit avec délectation et à qui il oppose Momolo, l’homme exemplaire, c’est à dire le Vénitien par excellence, l’homme du monde, le cortesan.

Présentation
Note d’intention

Goldoni « réformateur »

Particularités de Venise au XVIIIème siècle

Chronologie des événements extérieurs

La scène se passe à Venise.
Une rue avec le canal en perspective.
D’un côté la maison du docteur Lombardi, et de l’autre l’auberge de Brighella à l’enseigne du Champignon.
On voit arriver une gondole avec son gondolier. Silvio et Béatrice en tenue de voyage débarquent.
Truffaldino guette pour porter les bagages si c’est nécessaire. Ludro observe à l’écart puis Brighella sort de l’auberge…

Ces jeunes mariés débarquent à Venise pendant les fêtes du Carnaval. Ils vont être la proie d’un certain nombre de fripouilles que Goldoni décrit avec délectation et à qui il oppose Momolo, l’homme exemplaire, c’est à dire le Vénitien par excellence, l’homme du monde, le cortesan.

Le mot vient de l’espagnol et signifie « celui qui vit bien, qui sait vivre ». Il relate très précisément son emploi du temps : le cortesan se lève tôt le matin, il va courir les filles, puis il va manger, il va traîner un moment sur la place ; ensuite, il va faire un peu son travail de commerçant. Il est fils de commerçant, mais il n’est pas encore installé dans la vie. C’est un homme qui essaie de reculer le plus longtemps possible le moment de se marier et de travailler. On peut retrouver cette démarche dans la comédie italienne contemporaine, chez De Filippo par exemple, ou au cinéma, lorsque Fellini décrit le comportement des Vitelloni dans les années 50. Cette filiation est assez fascinante : on a l’impression que les prototypes italiens n’ont pas changé. Goldoni définit ainsi l’homme exemplaire dans ses Mémoires : « (…) Généreux sans profusion, il est gai sans être étourdi, il aime les femmes sans se compromettre, il aime les plaisirs sans se ruiner, il se mêle de tout pour le bien de la chose, il préfère la tranquillité, mais il ne souffre pas la supercherie, il est affable avec tout le monde, il est ami chaud, protecteur zélé (…) »

Goldoni est le premier à mettre en scène des personnages de la rue, des petites gens et d’en faire des héros de théâtre sans passer par la simplification un peu outrancière des masques.
Il commence à s’intéresser à la psychologie de ces gens.
Les deux maître-mots pour ses comédies sont « le naturel » et le « vraisemblable ».
Il n’utilise pas le langage sublime des héros mais il a plutôt cherché à rapprocher la langue des princes de celle des bergers pour pouvoir parler à tout le monde.

« J’ai choisi Un Homme Exemplaire parmi les nombreuses tentations qu’offre l’œuvre encore très méconnue de notre auteur, parce que cette pièce, la première du jeune avocat vénitien, est révélatrice de l’auteur qui ne se connaît pas encore et de la société de son temps.

Désigner comme modèle, celui qui navigue dans les eaux troubles d’une société maffieuse où « une main lave l’autre », tient-il de l’ironie ou d’une réelle adéquation au propos ? La pièce nous livre aujourd’hui à brûle pourpoint les contradictions des personnages. A nous d’en tirer les conclusions.

J’ai choisi de transposer la pièce aux années 50-60 où la grande comédie italienne resurgit au cinéma dans toute sa richesse et sa complexité avec Dino Risi, Ettore Scola, Mario Monicelli et Frederico Fellini. Cette transposition donne au spectacle la distance de temps nécessaire et restitue à cet Homme Exemplaire son acuité et sa modernité.

Jean-Claude Penchenat

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Comment faire un héros d’un personnage qui n’a rien d’héroïque :

Goldoni est le premier à mettre des personnages de la rue, des petites gens et d’en faire des héros de théâtre sans passer par la simplification un peu outrancière des masques.
Il commence à s’intéresser à la psychologie de ces gens.
Les deux maître-mots pour ses comédies sont «le naturel » et «le vraisemblable ».
Faire quelque chose de semblable au vrai et être naturel, c’est à dire échapper à la convention, au naturalisme. Il les trouve dans la rue et dans sa ville. Il vit dans sa ville et il observe. Et il écrit pour les gens de son temps : les gondoliers, les artisans, les petites gens comme les aristocrates, et il leur parle d'eux. C’est cela qui m’intéresse, dans Momolo cortesan ou L’uomo di mondo, il décrit tout un mode de vie à un moment donné, celui du cortesan.
Il ne retient donc pas les dires des gens de la rue tels quels, mais il en fait une synthèse et crée une langue spécifique pour chaque milieu social, pour chaque individu. Il n’utilise pas le langage sublime des héros mais il a plutôt cherché à rapprocher la langue des princes de celle des bergers pour pouvoir parler à tout le monde. (…)

J’ai choisi un homme exemplaire parmi les nombreuses tentations qu’offre l’œuvre encore très méconnue de notre auteur, parce que cette pièce, la première du jeune avocat vénitien, est révélatrice de l’auteur qui ne se connaît pas encore et de la société de son temps.
Un homme exemplaire est sa première pièce écrite tout d’abord sous le nom de Momolo Cortesan avec uniquement le personnage de Momolo écrit et tous les autres jouant à partir de canevas. C’est une pièce fondatrice assez subversive et on retrouve Goldoni dans Momolo.
Momolo, l’homme exemplaire, c’est à dire le Vénitien, l’homme du monde, apparaîtra néanmoins plein de zone d’ombre.
Désigner comme modèle celui qui navigue dans les eaux troubles d’une société maffieuse où «une main lave l’autre » tient-il de l’ironie ou d’une réelle adéquation au propos ? La pièce nous livre aujourd’hui à brûle pourpoint les contradictions des personnages. A nous d’en tirer les conclusions.

A chacune des expériences qui m’ont amené à créer une pièce de Goldoni jusqu’ici inconnue en France, j’ai pu remarquer des constantes dans les réactions des acteurs, du public, de la presse : il faut sans cesse (les) persuader qu’il s’agit d’une œuvre gigantesque, d’un continent à découvrir, comme il y a Shakespeare, comme il y a Marivaux et tous les grands. Pour eux, la plupart du temps ; ils pensent que si Goldoni a créé tant de pièces et que l’essentiel de son œuvre est inconnu en France, c’est que seules les œuvres de valeur sont arrivées jusqu’à nous. Si donc, on monte un texte nouveau, c’est qu’on exhume une curiosité plutôt que la découverte d’un chef d’œuvre ignoré jusque là.
C’est aussi chaque fois, le plaisir d’aller à la source du texte, de la traduire, de rencontrer cette langue ou plutôt ces langues perdues. Doublement perdues pour moi puisque d’origine niçoise, provençale et piémontaise, je retrouve dans cette démarche quelque chose d’essentiel comme un humour, une tendresse et une férocité mélangés qui sont au cœur de ses origines. C’est un peu plus me donner aujourd’hui ; ce lien mystérieux avec cet auteur exilé à Paris par nécessité ; je pense trouver quelque chose qui m’aide chaque fois à me rattacher profondément à l’œuvre découverte.

J’ai choisi de transposer la pièce aux années 50-60 où la grande comédie italienne resurgit au cinéma dans toute sa richesse et sa complexité avec Dino Risi, Ettore Scola, Mario Monicelli et Frederico Fellini que nous associons dans un hommage a Nino Rota en choississant la musique de Casanova pour la bande son . Cette transposition donne au spectacle la distance de temps nécessaire et restitue à cet Homme Exemplaire son acuité et sa modernité.

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Le « génie comique » dont Carlo Goldoni dit avoir été possédé depuis l’enfance, lui fait voir la vie, la sienne, celle des gens et des milieux très divers qu’il fréquente dans ses pérégrinations, comme un matériau pour le théâtre, comme une mine de personnages, d’incidents, de relations, susceptibles d’être portés à la scène.
« Il découvre que le monde est plus « théâtrable » que le théâtre ; que le spectacle vivant dépasse à cette époque le spectacle créé, tel qu’il s’est cristallisé dans la tradition. » (Mario Baratto).
La pratique théâtrale italienne de cette époque s’est en effet figé dans les conventions de l’Opéra et de la Commedia dell’Arte.
Réformer le théâtre de son pays est donc l’objectif que Goldoni s’est fixé, en remplaçant petit à petit les canevas sur lesquels les comédiens improvisaient, par des textes entièrement écrits, reproduisant sans préjugés la réalité qu’il observe. Il supprime les masques et crée de vrais personnages inspirés de ceux, réels, qu’il côtoie.
Mais, pendant toutes ces années où il travaille sans relâche avec les artisans du spectacle à l’invention d’un réalisme, il sera en butte à des conflits, des attaques de coteries. Son principal détracteur est le Comte Carlo Gozzi, auteur entre autres de « L’oiseau vert », « L’amour des trois oranges ». Cet aristocrate réactionnaire voit dans la réforme du théâtre un danger social pour son pays dans la mesure où les protagonistes des comédies de Goldoni sont des marchands et des artisans, voire des gens du peuple.
Goldoni, atteint et lassé par ces querelles, acceptera l’invitation que lui a faite le Théâtre des Italiens à Paris et quittera Venise en 1762. Il finira sa vie en France et mourra à Paris en 1793.
Créateur du théâtre italien moderne, il est avec Sheridan, Marivaux et Beaumarchais l’un des plus grands dramaturges du XVIIIème siècle.

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Goldoni vécut environ 34 ans à Venise et les textes les plus importants sont intimement liés à cette cité.
L’Italie de l’époque de Goldoni est celle d’une grande décadence politique qui va du XVIIème siècle à la Révolution Française.
La péninsule est partagée en une multitude de petits états. Partout la paralysie politique engendre un assoupissement de la vie intellectuelle. Or au milieu de cette stagnation, le comportement des vénitiens face à la décadence est original.

Venise est le seul état italien qui ait conservé, au travers des tempêtes, une organisation politique directement héritée du Moyen Age. Cette fidélité à un régime politique désuet s’était cependant accompagnée d’une profonde évolution des mœurs qui se cristallise dans une véritable « chasse au bonheur ». Dans tous les milieux on cherche en permanence des prétextes à réjouissances malgré des difficultés économiques grandissantes et un net conservatisme intellectuel (la censure, bien présente, empêche la pénétration de « l’esprit des lumières ».)

De toute l’Europe, on accourt ; Venise est le lieu de rendez-vous des gens du monde et des artistes. L’afflux des voyageurs procure à la Cité des Doges une grande part de ses revenus. Venise possède d’innombrables salles de jeux, deux cents cafés ouverts jour et nuit ; les riches y organisent de somptueuses fêtes. La place exceptionnelle de Venise dans l’Italie du XVIIIème siècle est aussi liée à une renaissance artistique remarquable.

En peinture, tous les grands noms italiens de l’époque sont vénitiens : Tiepolo est le dernier grand peintre dont l’œuvre se rattache directement à la Renaissance. Mais apparaissent des artistes qui semblent déjà annoncer le XIXème siècle : les plus célèbres sont Canaletto, Guardi, et Longhi dont les petites toiles fixent les scène de la vie quotidienne et apparaissent comme l’équivalent pictural des comédies de Goldoni.

La vie musicale est frémissante. Les musiciens sont nombreux. Le plus grand est Vivaldi qu’a bien connu Goldoni.
L’activité théâtrale est aussi bouillonnante ; à une époque où Paris se contentait de trois grands théâtres, Venise en comptait sept.

Telle est la patrie de Goldoni. Elle a offert au dramaturge un champ d’observation très riche, des personnages, des décors, une couleur locale et même une langue ! Les meilleures de ses comédies sont écrites en dialecte vénitien. Parmi elles « Les cuisinières » qui est au dire de Goldoni « la comédie la plus vénitienne de toutes ». C’est à Venise que Goldoni a entrepris sa fameuse « réforme » du théâtre et à Venise qu’il l’a imposée.

Un homme exemplaire ou L’uomo di mondo, Momolo cortesan.
Texte français de Myriam Tanant et Jean-Claude Penchenat

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1719 : Naissance de Giuseppe Baretti.
1720 : Naissance de Carlo Gozzi ; Marivaux : Arlequin poli par l’amour.
1721 : Montesquieu : Lettres persannes.
1724 : Métastase : Didone abbandonata.
1725 : Vico : La Scienza nuova.
1729 : Bach : Passion selon St-Mathieu.
1730 : Marivaux : Le jeu de l’amour et du hasard ; Voltaire : Brutus.
1732 : Métastase : Adriano in Siria ; Voltaire : Zaïre.
1733 : Pergolèse : La Serva padrona.
1734 : Métastase : La Clemenza di Tito, Voltaire : Lettres anglaises.
1741 : Richardson : Pamela.
1748 : début de rivalité avec Chiari ( Théâtre de San Samuele) ; Chiari : La Scuola delle vedove.
1749 : Chiari : L’Avventuriere alla moda.
1751 : Chiari : Moliere marito geloso.
1752 : Chiari : La Schiava cinese.
1756 : C. Gozzi : La Tartana degl’influssi . Il Teatro comico all’osteria del Pellegrino.
1757 : Diderot : Le Fils naturel.
1758 : Diderot : Le père de famille ; Rousseau : Lettre sur les spectacles.
1760 : Compte rendu des Rusteghi par Gasparo Gozzi dans la Gazetta Veneta.
1761 : C. Gozzi : L’amore delle tre Melarance. il Corvo . Chiari : La Bella selvaggia.
1762 : C. Cozzi : Il Re cervo, La Dona serpente, Turandot ...
1763 : Mort de Marivaux. G. Cozzi : Zobeide ; Parini : Il giorno.
1763/1765 : Baretti : La Frusta Letteraria.
1764 : C. Gozzi, I Pitocchi fortunati ; Il Mostro turchino. Les frères Verri publient à Milan leur journal Il Caffè. Lessing, Dramaturgie de Hambourg.
1765 : C. Gozzi, Zeim re de’Genj ; L’Augellin belverde.
1767 : C. Gozzi fait jouer ses premières tragi-comédies tirées du théâtre espagnol
Beaumarchais, Essai sur le genre dramatique sérieux.
1772 : Le périodique vénitien L’Europa letteraria fait l’éloge de Goldoni et une vive critique des Fiabe de C. Gozzi.
1773 : Diderot, Le Paradoxe sur le comédien. Baretti, Les Italiens. Beaumarchais, Le Barbier de Séville.

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20, avenue Marc Sangnier 75014 Paris
Spectacle terminé depuis le samedi 26 juillet 2003

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