Un Batman dans ta tête

Paris 11e
du 11 au 21 mars 2014

Un Batman dans ta tête

Matthieu est adolescent, depuis qu'il s'est plongé dans les aventures du Batman sur sa console de jeux, il entend une voix qui s'adresse à lui de façon envahissante. Elle lui raconte des souvenirs d'enfance et fait resurgir des événements traumatisants. Il va recomposer son histoire, à travers une parole intime et brutale qui ne fait plus la part entre le réel et le monde virtuel dans lequel évolue son double, le Batman.

Entre le réel et le monde virtuel
Extrait
La presse en parle
Note de mise en scène
Note d'intention par Hélène Soulié

  • Entre le réel et le monde virtuel

Matthieu est adolescent, depuis qu'il s'est plongé dans les aventures du Batman sur sa console de jeux, il entend une voix qui s'adresse à lui de façon envahissante. Elle lui raconte des souvenirs d'enfance et fait resurgir des événements traumatisants. Il va recomposer son histoire, à travers une parole intime et brutale qui ne fait plus la part entre le réel et le monde virtuel dans lequel évolue son double, le Batman.

  • Extrait

La vérité c’était qu’on n’avait jamais voulu la traverser, la vie, comme un chien. Ni devenir un déchet livré à lui seul, comme la femme qui ne voulait pas être la maman te l’avait crié. Jamais on l’avait voulu ça. Matthieu n’avait jamais rien demandé. C’est juste à cause de chose comme ça, qu’on était devenu fou. Ça t’avait rendu de plus en plus fou, toutes ces choses qui étaient restées dans ta tête.

  • La presse en parle

« La pièce de David Léon montre une fois encore comment le théâtre et sa parole disent toutes les humanités fragiles, désespérées. Ecriture de nos folies que le soliloque magnifique de l'auteur puis du comédien Thomas Blanchard porte avec tendresse, violence et poésie. » Marie Ducrest, La cause littéraire, 25 octobre 2013

« Etonnant, très bon texte, monologue qui se dédouble. Très très bien écrit. Il y a de la matière, cela a vraiment sa place sur un plateau ! » Joëlle Gayot, La Dispute, France Culture, 3 mai 2013

« Une pièce très séduisante qui en dépit de sa complexité, se lit comme un thriller. Un style très personnel fait de courtes phrases isolées, sans articulation grammaticale ni relation de sens avec la précédente et la suivante comme un jaillissement chaotique de la parole, l’expression d’une pensée en miettes qui se délivre de ses images dans le coq à l’âne de sa folie. Et un rôle magnifique pour un acteur. » Comité de lecture du Panta Théâtre, mars 2012

« C’est un texte extrêmement prenant, émouvant, lancinant. Écrit dans une langue particulière : enfantine, incorrecte, crue, particulièrement lucide dans sa folie, violente et imagée. Cette langue éloigne de tout pathos. » A mots découverts, 2011

« Matthieu va reconstruire son histoire sans différencier le vrai du virtuel. 
Un style percutant, par fois très cru, qui épouse bien la problématique de la construction du moi à l’adolescence » 
 L’avant-scène théâtre, numéro 1311-1312, novembre 2011

  • Note de mise en scène

La lecture d’un fait divers : un adolescent à Béziers utilisant un rasoir contre ses camarades de classe, a déclenché l’écriture de ce texte par David Léon.

Il y avait aussi chez lui la nécessité d’écrire sur la maltraitance psychologique et sur la « folie ». La lecture de Sauver la peau aura enclenché chez moi deux nuits successives d' insomnie et de cauchemars (la relation de ce texte a Un batman dans ta tête est très forte). Et puis un matin, très clairement le souvenir d'une photo de Nan Goldin persiste, celle d'un adolescent dans son bain.

Je me souviens du bleu prégnant de la photo. Des longs doigts du jeune homme, de ces mains dignes d'une peinture d'Egon Schiele.

Je cherche la photo. Je la redécouvre. Et je pense à d'autres photos de Nan Goldin, celles d'adolescents au bord d'une piscine.

Je commence alors à dessiner un jeune homme dans une baignoire, et puis un miroir au dessus de lui, comme pour fragmenter son corps, en donner une vision autre, une vision atypique. Donner des prismes multiples au regard que l'on pourrait porter sur ce jeune homme. J'y trouve un écho plastique à la fragmentation du texte, reliée à la pensée foisonnante de Matthieu qui nous parvient par bribes, par spasmes. J'y vois à la fois son corps morcelé, sa folie, et notre incapacité à la considérer dans son ensemble.

Très vite l'espace est celui là. J'en ai la certitude. Comme une évidence. Je visualise alors la première image du spectacle. Celle du reflet du visage grimé de l'acteur que l'on découvre dans le miroir. C'est ce visage blanc qui accueille le public. Sa bouche est rouge. Il sourit.

  • Note d'intention par Hélène Soulié

« On est fou, mais pas au point de voyager » Samuel Beckett

« On se souvient maintenant qu’on est en éternité dans tes cendres, que cette émotion qu’on avait ressentie, elle est partout nommé rage. »

Partons du postulat que Matthieu est un adolescent comme les autres.

Il grandit dans une petite ville portuaire en Europe.

Son père est marin pécheur.

Matthieu passe beaucoup de temps seul avec sa mère, qui préférerait ne jamais l’avoir mis au monde ; et sa soeur aînée, qui rapidement va fuir la maison et son ambiance délétère. Imaginons que le père perd son job, se retrouve à la maison, ne cache plus totalement qu’il aime aussi les hommes.

La situation familiale se dégrade : manque de fric, crise conjugale.

La mère tombe en dépression.

Elle passe son temps dans sa chambre, à dormir, ou à crier.

Elle bloque l’accès au frigo, l’accès à la maison lorsque rarement elle sort de chez elle.

Elle nie ses enfants, leur incombant la trop lourde responsabilité de sa vie ratée.

Quand la pièce commence, si l’on re-situe le récit chronologiquement, Matthieu est déjà complètement détruit par sa mère, qui a toujours dit qu’elle ne voulait pas de lui.

C’est d’une violence inouïe.

Comment vivre alors ? comment être, exister dans la négation maternelle ?

Matthieu essaiera de survivre dans ce monde hostile, se cachera sous son lit, derrière les vitres, se faufilera dans les galeries, s’agrippera aux gargouilles, calmera ses brûlures de ventre en apposant un oreiller froid dessus.

« La vérité, c’est qu’on n’avait jamais voulu la traverser la vie, comme un chien. Ni devenir un déchet livré à lui seul, comme la femme qui ne voulait pas être la maman te l’avait crié. »

Il essaiera de pardonner à son père, rêvant qu’il le tiens dans ses bras, cherchera refuge auprès de sa soeur, bien trop occupée à se sauver elle même, dira qu’il aurait voulu grandir, être un adulte.

« Une fois pourtant tu me l’avais dit que tu l’avais ressenti ce désir de grandir encore. De devenir un grand toi aussi, un adulte, tu me l’avais dit pourtant que tu l’avais ressenti ce désir. »

Mais son combat est vain. Les cris dans la maison, les coups qui tombent, les brûlures dans le ventre, le non-amour, sont toujours plus flagrants, et le rendent fou.

Le seul espace vivant, le seul relief à sa vie devient celui du jeu vidéo Batman – en 3D - que son père lui a offert.

Alors Matthieu vit la nuit quand tout le monde dort. Il joue aux aventures du Batman. Il y cherche un sens à sa vie, il y cherche le chemin à suivre.

Bientôt Batman va devenir son seul interlocuteur.

Cannabis, datura, hallucinations aidant, il va glisser dans un autre monde.

Un monde où la toute puissance de l’enfant qu’il est encore va pouvoir se développer.

Matthieu sait qu’il est entrain de basculer. Il a une lucidité terriblement aiguisé de son état mental. Les allers-retours en hôpital psychiatrique n’y feront rien. Plus rien. Une autre drogue lui y sera dispensée, une camisole chimique qui ne fera que retarder son embrasement mental.

Matthieu est un petit animal traqué, telle la chienne qu’il martyrise et regrette ensuite d’avoir battue. La chienne qu’il avait contrainte à « coller son museau contre le sol où elle n’arrêtait pas de déféquer ».

Un petit animal traqué, vivant mal ses pulsions sexuelles, dans cet univers ou personne ne le prend jamais dans ses bras, ou l’amour c’est la masturbation, l’obligation d’avorter, « faire sa salope », les revues porno-gay de son père, les films pornos, et puis le(s) viol(s) dont il la sera la victime muette, s’interrogeant quand même sur le terme de « consentir ».

Matthieu a la sensation d’être un monstre, un être hybride indigne d’amour.

« A force on avait pensé qu’on ne l’aimait pas Matthieu. On avait pensé qu’on ne l’aimerait jamais. »

La vision qu’il a de son corps est fractale. C’est un corps brisé, bloqué, découpé, « cisaillé » écrit l’auteur.

Un corps qui ne souffre pas, ne ressent pas la douleur.

C’est aussi un corps empathique et multiple qui servira à abriter les personnages guerriers de son jeu vidéo. Un corps dont le prolongement du bras n’est plus une main, mais le hachoir de la cuisine.

Progressivement, se jetant dans sa psychose à la recherche d’une émotion qui le rappellerai à la vie, les barrières distinguant la réalité des diverses formes de l’imagination disparaissent.¹

Il ne fait plus la différence entre sa vie éveillée et sa vie rêvée. Il ne sait plus où commence et où s’arrête ni le rêve, ni le réel, ni même le monde. Tout fait partie d’un continuum. Et les différentes frontières commencent à s’effondrer.²

On a la sensation que comme Batman, Matthieu a fait le serment de sauver la ville de ce qui la gangrène, de ce qui l’infeste. Alors il s’attaque à un vague copain de classe, et puis à sa mère qui prend l’apparence du Joker (l’ennemi de Batman), et puis finalement à lui même. Logique, pourrait-on dire. Puisqu’on ne cesse de lui rappeler que c’est lui le poison, lui, qui n’aurait jamais du être, et qui doit disparaître.

Lorsque la pièce commence, Matthieu est parti « […] quelque part. […] autre part. N’importe où » pour reprendre les termes qu’employaient sa mère à son égard en lui demandant de partir.

Il est « blotti dans tes cendres », est « devenu comme des grains de sel », enfermé et seul dans une urne funéraire.

C’est depuis cet espace que la parole surgit chaotiquement.

C’est depuis cet espace intermédiaire, atopique, qui semble se situer juste après la vie, juste avant que les mots ne s’envolent, que Matthieu se parle à lui même, juxtaposant dans une apparente incohérence monologues intérieurs, fragments de répliques, et bribes de conversations qui formeront les pièces du puzzle de son histoire.

Ainsi, formellement, et suivant le mouvement d’une dépression psychotique, les frontières sont effondrées dans l’écriture elle même. Ainsi la forme et le contenu ne font qu’un.

On pourrait dire que la parole est fractale elle aussi, comme la vision que Matthieu a de son propre corps.

Mettre en scène le premier texte édité d’un auteur est à la fois une chance et une sacrée responsabilité !

C’est une chance car nous sortons des sentiers battus et rebattus.

Une chance pour aller chercher et éprouver autre chose, quelque chose de neuf.

Personne n’a aucune idée de comment faire entendre la langue de Léon.

Pas d’écrits sur le sujet, pas de critiques, pas d’images, un espace vierge, un espace de « possibles » tel un terrain vague où les enfants se retrouvent pour s’inventer des vies, un espace « autre » pour reprendre le terme Foucaultien.

Il se trouve qu’au moment où j’ai eu entre les mains les premières versions du texte, était sorti en salle Mémory Lane de Mickael Hers, film sur une bande d’adolescents devenant, bon gré - malgré, de jeunes adultes. Le sujet m’a suffisamment intrigué pour que je m’engouffre dans une salle de cinéma.

C’est là que j’ai re-découvert l’acteur Thomas Blanchard avec qui j’ai eu immédiatement envie de travailler sur ce texte.

Je crois que lorsque j’ai commencé à visualiser Thomas disant le texte, j’ai perçu quelque chose qui m’avait échappé à la lecture, et qui apparaissait alors comme une évidence.

J’ai entendu une voix, et j’ai eu la sensation que c’était d’un corps vivant que démarrait la parole.

Matthieu n’est mort que cliniquement. Sa parole le rend vivant. Sa parole est active.

Il n’a peut-être jamais été aussi vivant que lorsqu’il prend la parole.

Il cherche à rassembler les morceaux de son histoire, à rassembler les parties de son corps définitivement éparpillés lors du choc avec le train, afin de se concevoir dans un ensemble, et dans son intégralité physique et psychique.

Je mène depuis longtemps un travail sur la parole.

Comment on parle ? Comment on prend la parole ? D’ou vient la parole ? d’ou elle part ? Comment elle se révèle à nous ?

C’est cette recherche qui nous éloignera de tout pathos, et nous permettra non seulement de concevoir l’oeuvre au delà d’un drame familial, mais également de donner aux spectateurs une vision intime de la folie, et de transformer celle ci en pulsation de vie.

Mon travail s'inscrira donc non pas dans une mise en scène de la pièce, mais dans une mise en chaos¹ de celle ci. Mon désir étant de m’inscrire dans la continuité du mouvement impulsé par l’auteur, en questionnant la langue elle même, les mots eux-mêmes, et ce qu’il y a sous les mots, d' allumer des foyers de confusion, d'accentuer le doute, de mettre à mal la notion de « vérité », de pousser la question du réel jusqu’à mettre le spectateur dans la position de se demander « est-ce que c’est vrai ? », « est-ce que ça vit ? », et finalement que signifie « être au monde », « vivre » ?

Dérailler.

( ¹ / ² Sarah Kane – conservation avec des étudiants à propos de 4.48 / communiqué par Aleks Sierz, In –yer-Face Theater – British Drama Today, 2001)

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Spectacle terminé depuis le vendredi 21 mars 2014

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