Se trouver

Note du dramaturge

Une actrice – Donata Genzi – est impatiemment attendue par quelques convives dans une villa sur la Riviera. La maîtresse de maison, Elisa Arcuri, l’a côtoyée quelques années plus tôt. Dans l’attente de son arrivée, chacun se plaît à exprimer son point de vue sur le métier d’actrice et, invariablement, revient la question de savoir ce qui se révèle de la femme dans l’actrice.

Finalement, Donata Genzi se présente auprès d’eux. En marge de cette soirée, la Genzi et Ely Nielsen, jeune aventurier, lient leurs sorts et leurs douleurs dans le projet d’un départ en mer …

Donata Genzi est tiraillée entre sa volonté de s’affirmer en tant que femme auprès d’un homme qu’elle aime et l’impossibilité de se trouver dans cet amour…

Elle comprendra brutalement (ce qui s’apparente proprement à un coup de théâtre !) que rien de ce qu’elle est dans la vie ne peut lui offrir ce qu’elle recherchait et que seul le théâtre est en mesure de lui apporter la dimension d’être à laquelle elle aspire.

C’est ainsi, par un retour au théâtre, qu’elle pourra " se trouver ", elle qui n’a jamais su ce qu’elle était, sinon en étant dans l’acte de la représentation. Le théâtre, comme forme d’art, donc comme sublimation, devient ici créateur de vie.

Marc-Vincent Howlett

" Si quelqu’un peut voir sa propre vie, c’est le signe qu’il ne la vit plus. "

Il est plus que jamais nécessaire de faire du théâtre une affaire sérieuse, en prise avec ces forces qui donnent forme aux hommes et aux femmes. De monter, encore et toujours, de grands auteurs qui, loin de l’usure qu’une certaine forme de paresse de pensée propage, parviennent à révéler, dans une langue toujours renouvelée, ce qui donne sens à nos vies.

Dans Se trouver, Pirandello met en scène le personnage d’une femme – Donata Genzi – qui, d’être actrice, se demande encore si elle peut se vivre en tant que femme. Conflit qui nous ramène à l’opposition de l’Art et de la Vie et qui nous offre une des plus belles analyses des raisons qui ont conduit l’auteur à rationaliser en ces termes dualistes son malaise existentiel : sa pena di vivere cosi*.

" La Genzi " appartient à la lignée de ces femmes que nous ne cessons d’interroger : Hilde Wangel (Ibsen), Véra Baxter (Duras), Tekla (Strindberg), Madeleine et la Jeune femme (Savannah Bay). Elle, que le métier de comédienne expose au mensonge, à la vanité des reconnaissances factices jusqu’au risque de ne plus se comprendre et de se perdre, sera conduite à se trouver, en ce lieu même où elle se pensait perdue : le théâtre.

Jean-Claude Amyl / Marc-Vincent Howlett

* Peine de vivre ainsi, titre de l’une de ses nouvelles, publiée en 1920, qui pourrait servir d’épigraphe à une grande part de l’œuvre de Pirandello.